REVISION DE LA DIRECTIVE SUR LA FISCALITE DE L’EPARGNE*


Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 156

(Année 2008)


L’article 18 de la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts (ci-après «la directive») dispose que «la Commission présente tous les trois ans un rapport au Conseil sur le fonctionnement de la présente directive. Sur la base de ces rapports, la Commission propose au Conseil, le cas échéant, les modifications de la directive qui s’avèrent nécessaires en vue d’assurer plus efficacement une imposition effective des revenus de l’épargne ainsi que d’éliminer des distorsions indésirables de concurrence.»

Le présent rapport, premier du genre, se fonde sur des consultations menées avec les administrations fiscales des États membres de l’Union européenne, sur les données fournies par ces dernières en ce qui concerne les deux premiers exercices fiscaux d’application et sur les conclusions d’un groupe d’experts établi par la Commission en 2007 afin de recueillir l’avis des secteurs économiques concernés par la directive ou susceptibles de l’être.

Le rapport couvre la transposition et la mise en oeuvre de la directive et présente un résumé de l’évaluation économique [détaillée dans le document de travail des services de la Commission portant la référence SEC(2008) 2420] ainsi que de l’avis de la Commission quant aux modifications nécessaires.

Vous trouverez le texte du dit rapport ci dessous.

Introduction

L’article 18 de la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts (ci-après «la directive») dispose que «la Commission présente tous les trois ans un rapport au Conseil sur le fonctionnement de la présente directive. Sur la base de ces rapports, la Commission propose au Conseil, le cas échéant, les modifications de la directive qui s’avèrent nécessaires en vue d’assurer plus efficacement une imposition effective des revenus de l’épargne ainsi que d’éliminer des distorsions indésirables de concurrence.»

Le présent rapport, premier du genre, se fonde sur des consultations menées avec les administrations fiscales des États membres de l’Union européenne, sur les données fournies par ces dernières en ce qui concerne les deux premiers exercices fiscaux d’application et sur les conclusions d’un groupe d’experts établi par la Commission en 2007 afin de recueillir l’avis des secteurs économiques concernés par la directive ou susceptibles de l’être.

Le rapport couvre la transposition et la mise en Å“uvre de la directive et présente un résumé de l’évaluation économique [détaillée dans le document de travail des services de la Commission portant la référence SEC(2008) 2420] ainsi que de l’avis de la Commission quant aux modifications nécessaires.

1. TRANSPOSITION ET MISE EN ŒUVRE DE LA DIRECTIVE

Tous les États membres ont transposé la directive et ont commencé à appliquer ses modalités de mise en Å“uvre à compter des dates convenues (c’est-à-dire le 1er juillet 2005 et, pour la Bulgarie et la Roumanie, le 1er janvier 2007). À ce jour, la Commission a ouvert deux procédures d’infraction en rapport avec la mise en Å“uvre de la directive. Une lettre de mise en demeure a été envoyée aux deux États membres concernés, les invitant à soumettre leurs observations. Un des deux cas porte sur la transposition incomplète de l’article 4, paragraphe 3, qui autorise les entités considérées comme des agents payeurs en vertu de l’article 4, paragraphe 2, à choisir d’être traitées comme des OPCVM[1] aux fins de la directive. L’autre cas concerne la non-application de la directive lorsque le bénéficiaire effectif n’est pas domicilié dans l’État membre en cause. Ce dernier considère que la directive ne s’applique pas si le bénéficiaire effectif en est exempté dans son État membre de résidence, une position que la Commission ne partage pas.

La Commission a passé en revue les échanges d’informations effectués au moyen d’un format commun basé sur le format magnétique normalisé de l’OCDE et du système de communication CCN-Mail 2. Tous les échanges de 2006 et 2007 ont été réalisés en temps voulu et sans problème technique. Toutefois, au cours de la première année surtout, les États membres ont fait état de certaines difficultés quant à l’identification des contribuables, imputables à l’absence d’information sur le numéro d’identification fiscale (NIF) ou le lieu/la date de naissance de ces derniers. La Commission a facilité la transmission de certaines données statistiques et a organisé des réunions permettant aux administrations fiscales de confronter leurs expériences.

2. ÉVALUATION ECONOMIQUE

Les données provenant des États membres sont disponibles pour le deuxième semestre 2005 et pour l’année 2006. Des séries chronologiques plus longues, incluant la période précédant l’introduction de la directive, auraient permis une meilleure évaluation des effets de cette dernière.

2.1 Données des pays participants

La collecte et la communication de ce type de données constituent une nouvelle tâche pour de nombreux pays, ce qui peut expliquer pourquoi certaines d’entre elles sont manquantes, notamment en ce qui concerne l’échange d’informations. En outre, les définitions du traitement des données n’ont pas encore été établies. Ces facteurs ont restreint l’analyse que la Commission a pu réaliser.

Sans surprise, parmi les pays procédant à l’échange d’informations prévu aux articles 8 et 9, ce sont les plus grandes économies qui affichent les valeurs les plus élevées. Le Royaume-Uni a ainsi communiqué un montant de 9,1 milliards EUR pour les paiements effectués au cours de la période allant du 1er juillet 2005 au 5 avril 2006 (fin de l’exercice fiscal).

La majeure partie des recettes provenant de la retenue à la source en 2005 et 2006 a été perçue en Suisse et au Luxembourg, ces deux pays représentant respectivement plus de 45 et 22 % des recettes totales. Au cours des exercices fiscaux 2005 et 2006, les plus grands bénéficiaires des recettes de la retenue à la source ont été l’Allemagne (192,7 millions EUR) et l’Italie (112,9 millions EUR). La Belgique a perçu plus de 71 millions EUR, provenant essentiellement du Luxembourg (74 % du total).

2.2 Résultats des autres sources de données

La Banque des règlements internationaux (BRI) collecte des données sur les positions extérieures des banques dans près de 40 pays déclarants. La BRI a fourni, pour la période 2000-2007, des données non publiques relatives aux prêts et dépôts bilatéraux transfrontaliers pour ses pays déclarants (seuls Singapour et Macao ont refusé de divulguer leurs données bilatérales). Les pays ont été classés en trois catégories: ceux qui appliquent la retenue à la source au titre de la directive et des accords y afférents, ceux qui recourent à l’échange d’informations au titre de ces dispositions juridiques et les pays tiers. Abstraction faite de ruptures structurelles dans les données, la part, exprimée en pourcentage du total des dépôts, des pays appliquant la retenue à la source est passée de 35 à 29,3 % entre la mi-2003 et la mi-2005, pour toutefois se stabiliser après l’introduction de la directive. Les pays recourant à l’échange d’informations affichent un rapport plus élevé entre dépôts bancaires et dépôts non bancaires[2], la part de ces derniers ayant légèrement diminué sur la période observée, bien que cette diminution ait eu lieu avant l’entrée en vigueur de la directive.

Les données d’Eurostat analysées portent notamment sur les intérêts agrégés pour 20 États membres de l’Union au cours de la période 2000-2006, ventilés par bénéficiaires. Ici encore, l’analyse ne montre aucune modification notable consécutive à la mise en Å“uvre de la directive. Si la part des intérêts perçus par les ménages dans le total des intérêts versés aux particuliers et aux entreprises a diminué, c’est avant tout en raison d’une augmentation des recettes des institutions financières. De même, la part des intérêts dans le total des revenus de la propriété perçus par les ménages a diminué au bénéfice des dividendes, mais ce phénomène avait déjà commencé en 2000.

Enfin, les données disponibles sur les OPCVM et les OPCVM non coordonnés[3] pour la période 2002-2007 fournies par la European Fund and Asset Management Association (association européenne pour la gestion de fonds et d’actifs) indiquent que la part de ces organismes est restée constante, respectivement à 78 et 22 %. La seule évolution notable concerne la diminution progressive de la part des OPCVM investissant dans les obligations, passée de 29 à 19,5 % du total, principalement au bénéfice de ceux investissant en actions, même si, encore une fois, ce phénomène existait déjà avant l’introduction de la directive.

3. AMELIORATIONS POSSIBLES

La directive s’est révélée efficace dans les limites de son champ d’application. Elle a également eu des résultats positifs indirects, non mesurables, sur le respect par les contribuables de l’obligation qui leur incombe de déclarer les intérêts qu’ils perçoivent. Toutefois, le processus de réexamen a montré que le champ d’application de la directive n’est pas à la hauteur des ambitions exprimées unanimement dans les conclusions du Conseil des 26 et 27 novembre 2000.

La Commission propose donc certaines modifications concernant les points suivants:

- le bénéficiaire effectif;

- la définition de la notion d’agent payeur;

- le traitement des instruments financiers équivalents à ceux explicitement couverts;

- divers aspects procéduraux.

Le document de travail des services de la Commission SEC(2008) 559, intitulé «Refining the present coverage of Council Directive 2003/48/EC on taxation of income from savings», ci-après «le document de travail», ainsi que d’autres documents disponibles à l’adresse internet figurant dans l’introduction, viennent compléter l’analyse des propositions présentées ci-après.

3.1 Bénéficiaire effectif et paiements réalisés en faveur de personnes morales et de constructions juridiques établies dans l’Union européenne et en dehors de celle-ci

Conformément à l’objectif final de la directive, l’article 1er et l’article 2 ne traitent que des paiements d’intérêts effectués au profit immédiat de personnes physiques, à l’exclusion de ceux qui sont effectués en faveur de personnes morales et de constructions juridiques. Ce champ d’application ciblé peut donner aux personnes physiques résidant dans l’Union européenne la possibilité de contourner la directive par personne morale ou construction juridique interposée.

Comme il ressort du point 2.1 du document de travail, une extension généralisée de la directive à tous les paiements effectués en faveur de personnes morales et de constructions juridiques établies dans les autres États membres ne constituerait pas une solution appropriée. La réalisation de l’objectif final de la directive requiert que la personne physique qui est le bénéficiaire effectif et son État membre de résidence soient connus. De plus, cette extension serait sans effet lorsque les personnes physiques résidant dans l’Union européenne investissent par l’intermédiaire d’une personne morale ou d’une construction juridique établie dans des territoires ne relevant pas de la juridiction des États membres (où le taux d’imposition des intérêts peut être faible ou nul).

Une solution plus efficace, compatible avec le champ d’application et l’objectif final actuels de la directive, consisterait à demander aux agents payeurs d’utiliser, dans la mesure où cela n’entraîne pas pour eux de charges démesurées, les informations dont ils disposent au sujet du ou des bénéficiaires effectifs réels des paiements effectués en faveur de personnes morales ou de constructions juridiques (approche «par transparence»). Il s’agirait d’une exigence similaire à celle qui est prévue à l’article 2, paragraphe 2, en cas de paiements effectués en faveur de personnes physiques dont on sait qu’elles ne sont pas réellement les bénéficiaires effectifs. Dans ce contexte, les mesures de «vigilance à l’égard de la clientèle» que les établissements financiers et autres professionnels de la finance établis au sein de l’Union européenne sont tenus d’appliquer dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent[4] peuvent constituer des indicateurs utiles. Ces mesures fournissent des critères pratiques, à utiliser par lesdits professionnels et établissements pour identifier les personnes physiques bénéficiaires au nom desquelles une société ou autre personne morale ou construction juridique conclut une transaction.

Il convient toutefois de noter que ces critères ne sont pas toujours pertinents aux fins de l’identification du bénéficiaire effectif dans le cadre de la directive. Dans le cas d’opérateurs économiques établis dans l’Union européenne qui effectuent des paiements d’intérêts en faveur d’autres opérateurs économiques (personnes morales ou constructions juridiques) également établis dans l’Union européenne et relevant de ce fait de la catégorie des agents payeurs, une clarification de la définition et des obligations de l’agent payeur (voir point 3.2) semble plus fiable et plus proportionnée qu’une simple approche «par transparence» fondée sur les mesures de «vigilance à l’égard de la clientèle». Une application sélective de l’approche «par transparence» pourrait toutefois être envisagée pour les paiements en faveur de certaines catégories spécifiques de personnes morales et constructions juridiques établies dans des juridictions ciblées, situées en dehors de l’Union européenne, susceptibles d’être utilisées à des fins de fraude fiscale par les bénéficiaires effectifs résidant dans l’Union. Dans ce cas, il conviendrait d’annexer à la directive une liste de ces juridictions et des personnes morales et constructions concernées. Il serait également nécessaire de prévoir des procédures permettant d’adapter cette annexe en fonction de l’évolution des besoins.

Parallèlement à cette application sélective de l’approche «par transparence», il serait opportun de clarifier la responsabilité des opérateurs économiques de l’Union européenne lorsque ces derniers ont connaissance du fait qu’un paiement d’intérêts effectué en faveur d’un opérateur établi hors du territoire couvert par la directive (et par les accords y relatifs) l’est au profit d’une personne physique dont ils savent qu’elle est résidente d’un autre État membre de l’Union européenne et qui peut être considérée comme leur client. Cette mesure permettrait également de contribuer à lutter contre l’utilisation abusive du réseau international des établissements financiers (succursales, filiales, sociétés associées ou holdings) aux fins du contournement des dispositions de la directive (et des accords y relatifs).

3.2 Définition de la notion d’agent payeur

L’expérience acquise à ce jour soulève certaines questions quant à la pertinence de la définition de l’agent payeur établie à l’article 4 de la directive. Si la notion, assez vaste, d’opérateur économique qui paie des intérêts ou attribue le paiement d’intérêts au profit immédiat du bénéficiaire effectif, figurant au paragraphe 1, se révèle relativement bien comprise et ne semble pas devoir faire l’objet de modifications importantes autres que la clarification de la responsabilité de ces agents en ce qui concerne les paiements effectués en faveur de parties établies hors de l’Union européenne (voir dernier paragraphe du point 3.1), la notion d’«agent payeur à la réception», exposée aux paragraphes 2 à 5 du même article, semble quant à elle donner lieu à davantage d’incertitude. L’application de cette notion n’a pas permis d’atteindre tous les résultats escomptés par les États membres, alors qu’elle entraîne des coûts pour les opérateurs économiques de l’Union. Certains de ces opérateurs, et notamment les banques, ont demandé son abandon.

Si l’on ne met pas en place des mécanismes de substitution destinés à couvrir les paiements effectués en faveur de structures intermédiaires au sein de l’Union européenne (comme une extension de l’approche «par transparence», voir troisième paragraphe du point 3.1), l’abandon de cette notion pourrait toutefois encourager les bénéficiaires effectifs qui sont des personnes physiques à recourir massivement à ces structures pour contourner les dispositions de la directive. Des cas récents de fraude fiscale, impliquant des pays tiers coopérant déjà avec l’Union européenne dans le domaine de la fiscalité de l’épargne, ont montré qu’une application incohérente de la notion d’«agent payeur à la réception» ouvre la porte à des abus et à des distorsions de concurrence. Les fonds de placement réglementés au niveau de l’Union européenne, dont les revenus versés sont pris en considération aux fins de la directive (article 6), pourraient devoir faire face à la concurrence déloyale d’autres structures d’investissement intermédiaires, exclues de facto de la définition principale de l’agent payeur établie à l’article 4, paragraphe 1, étant donné que les paiements effectués par ces dernières, même s’ils proviennent d’investissements dans des créances, ne sont pas juridiquement considérés comme des paiements d’intérêts.

Plutôt que d’abandonner la notion d’«agent payeur à la réception», la Commission propose de clarifier celle-ci afin d’en assurer l’application uniforme. À cet effet, on pourrait abandonner l’approche actuelle, dans laquelle l’accent est mis sur l’opérateur économique en amont effectuant le paiement en faveur de l’entité concernée, au profit d’une approche fondée sur une définition «positive» des structures intermédiaires, celles-ci ayant l’obligation d’agir en tant qu’«agents payeurs à la réception».

Procéder de la sorte permettrait d’établir sans équivoque que ces structures intermédiaires sont tenues d’appliquer les dispositions de la directive dans la mesure où leurs bénéficiaires effectifs sont des personnes physiques résidant dans un autre État membre de l’Union européenne. Cette application se ferait à la réception par ces structures de tout paiement d’intérêts au sens de l’article 6 provenant de tout opérateur économique situé en amont, non seulement ceux qui sont établis dans un autre État membre (article 4, paragraphe 2, dernière phrase) ou dans le même État membre (article 4, paragraphe 4), mais aussi ceux qui sont établis en dehors de l’Union européenne. Il serait ainsi possible d’améliorer l’efficacité de la directive et de garantir une concurrence plus équitable entre les opérateurs économiques en amont établis au sein et en dehors de l’Union européenne.

Afin d’éviter des distorsions de marché, il convient qu’une définition «positive» des structures agissant comme «agents payeurs à la réception» soit fondée sur des éléments essentiels plutôt que sur la forme juridique de ces structures. Le critère déterminant ne doit pas être la nature de la structure – personne morale ou construction juridique – ou encore le fait qu’elle dispose ou non de la personnalité juridique. Compte tenu de l’objectif de la directive, la Commission préconise une définition incluant toutes les personnes morales et constructions juridiques qui ne sont pas imposées sur leurs revenus, y compris en ce qui concerne les revenus couverts par l’article 6, en vertu des règles générales régissant la fiscalité directe dans l’État membre où la personne morale ou construction juridique considérée a son centre de gestion principal et où elle peut être considérée comme résident. Seules les personnes morales et constructions juridiques suivantes devraient être exclues de la définition:

- les fonds de placement couverts par l’article 6;

- les fonds de pension et capitaux relatifs à des contrats d’assurance-vie;

- les personnes morales et les constructions juridiques créées uniquement à des fins caritatives.

La possibilité, offerte à l’article 4, paragraphe 3, d’être considéré comme un fonds de placement au sens de l’article 6 serait maintenue uniquement pour les personnes morales et constructions juridiques dont les capitaux ou revenus ne sont pas juridiquement attribuables à un bénéficiaire effectif au moment de la réception du paiement. Si elles ne font pas usage de cette faculté, ces personnes morales et constructions juridiques pourraient être tenues d’agir en tant qu’«agents payeurs à la réception» et de traiter comme bénéficiaires effectifs les personnes physiques qui ont contribué à leur capital.

Une liste «positive» couvrant, pour chaque État membre, les catégories de personnes morales et de constructions juridiques à considérer comme «agents payeurs à la réception» serait annexée à la directive, et des procédures seraient prévues aux fins de l’adaptation de cette annexe à l’évolution des besoins. Les obligations incombant actuellement aux opérateurs économiques «en amont» en vertu de l’article 4, paragraphe 2, dernière phrase (et de l’article 11, paragraphe 5), seraient maintenues uniquement pour les paiements d’intérêts effectués en faveur des personnes morales et constructions juridiques établies dans d’autres États membres qui, eu égard à leur État membre de résidence, sont incluses dans cette liste «positive». Toutefois, la liste n’aurait qu’une valeur indicative pour les États membres dont les personnes morales et constructions juridiques correspondant à la définition de l’«agent payeur à la réception» sont résidentes: ces États membres devraient prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’ensemble de ces personnes morales et constructions respectent leurs obligations, qu’elles figurent ou non sur la liste positive et quelles que soient les informations effectivement reçues des opérateurs économiques étrangers en amont.

3.3 Revenus couverts par le champ d’application

Comme l’indiquent son intitulé et ses considérants, la directive vise essentiellement à garantir l’imposition des revenus de l’épargne sous forme d’intérêts, lesquels sont imposables selon des critères relativement homogènes dans tous les États membres. Avec l’adoption des conclusions du Conseil des 26 et 27 novembre 2000 relatives au contenu fondamental de la directive, il a été reconnu de facto qu’une définition classique du paiement d’intérêts ne permettrait pas d’atteindre l’efficacité recherchée et qu’elle pourrait entraîner des distorsions de concurrence entre les investissements directs et indirects dans les créances. Il a donc été décidé de définir les intérêts non seulement comme les revenus provenant de créances, conformément à l’article 11 du modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune [article 6, paragraphe 1, points a) et b)], mais aussi d’étendre cette définition aux intérêts perçus par l’intermédiaire de certains instruments d’investissement [article 6, paragraphe 1, points c) et d)].

Lorsque la directive est entrée en vigueur en 2005, il est apparu que des ajustements ultérieurs de la définition seraient nécessaires pour tenir compte de l’évolution des produits de l’épargne et du comportement des investisseurs. Les systèmes fiscaux nationaux ont également évolué avec le temps et assimilent désormais aux intérêts provenant de créances les revenus issus de certains types de produits financiers innovants.

La décision initiale d’exclure du champ d’application de la directive tous les produits financiers innovants (conclusions du Conseil «Ecofin» de mai 1999 et novembre 2000) s’accompagnait d’une déclaration appelant explicitement à réexaminer cette question à l’occasion du premier rapport relatif à la directive. Il est nécessaire de déterminer avec clarté quels sont les instruments financiers à inclure dans le champ d’application de la directive et d’apporter des solutions cohérentes et simples. L’idée serait de trouver une définition couvrant tous les titres équivalents aux créances, afin de garantir l’efficacité de la directive dans un environnement changeant et d’éviter des distorsions de concurrence.

Il ne paraît pas réalisable d’annexer à la directive une liste des types d’instruments concernés. En revanche, on pourrait introduire à l’article 6, paragraphe 1, des critères permettant aux agents payeurs d’identifier les instruments relevant de la directive. Étant donné que les agents payeurs ne connaissent souvent pas les caractéristiques techniques des instruments, comme leur composition ou le lien entre leur performance et le revenu des créances, il convient que les critères pratiques utilisés pour l’extension du champ d’application de la directive aux titres équivalents aux créances se réfèrent plutôt à la manière dont les investisseurs apprécient les titres en question. On peut raisonnablement estimer qu’un investisseur particulier considérera équivalents à des créances des titres pour lesquels le risque est connu, grâce à la fiche de présentation du produit ou à toute autre information obligatoire à fournir par l’agent payeur, et similaire à celui des créances. L’adoption de ce critère reviendrait à inclure dans le champ d’application de la directive tout revenu provenant de titres assurant une protection totale ou quasi totale du capital et un rendement défini à l’avance. Il convient de souligner à cet égard que ces titres, en principe équivalents à des créances du point de vue de l’investisseur, ne doivent pas forcément se composer de créances et peuvent, par exemple, être fondés sur des gains provenant d’actions.

Parallèlement au réexamen du traitement des produits financiers innovants, d’autres ajustements de la définition actuelle du paiement d’intérêts pourraient être envisagées en ce qui concerne les fonds de placement, connus sous le terme technique d’organismes de placement collectif [article 6, paragraphe 1, points c) et d), de la directive].

En ce qui concerne les organismes de placement collectif établis dans l’Union européenne, l’article 6 de la directive ne couvre aujourd’hui explicitement que les fonds OPCVM (voir note de bas de page n° 1). Les autres organismes de placement collectif autorisés par les législations nationales et connus dans l’Union européenne en tant qu’«OPCVM non coordonnés» ne sont pas totalement couverts par la directive. Leur traitement varie selon qu’il s’agit d’OPCVM non coordonnés disposant de la personnalité juridique (fonds constitués en sociétés) ou d’OPCVM non coordonnés dépourvus de cette personnalité (fonds non constitués en sociétés ou «contractuels», etc.). Les premiers ne sont pas soumis aux obligations établies par la directive, alors que les seconds y sont soumis en tant qu’«agents payeurs à la réception» (article 4, paragraphe 2). Il en résulte une différence de traitement entre les OPCVM et les OPCVM non coordonnés non constitués en sociétés d’une part et les OPCVM non coordonnés constitués en sociétés de l’autre. Cette inégalité de traitement fiscal entre différentes catégories de fonds de placement au sein de l’Union européenne n’est pas dans l’intérêt du marché intérieur et elle ne figure d’ailleurs pas dans les conclusions du Conseil «Ecofin» de novembre 2000 définissant le contenu fondamental de la directive. Cette situation pourrait justifier une modification de l’article 6, paragraphe 1, points c) et d), de la directive visant à remplacer la référence à la directive 85/611/CEE par une référence à l’enregistrement de l’organisme dans tout État membre. Toutefois, il convient d’identifier et de définir minutieusement l’ensemble des organismes de placement collectif qu’il serait utile d’incorporer dans le champ d’application de la directive, et d’analyser les conséquences pratiques de cette incorporation.

En ce qui concerne les fonds établis en dehors de l’Union européenne, il n’est pas clair que les termes «organismes de placement collectif établis en dehors du territoire» couvrent l’ensemble des fonds de placement, indépendamment de la réglementation applicable et de la manière dont ils sont proposés aux investisseurs. Une solution appropriée consisterait à affiner cette définition selon certains critères qui pourraient être partagés avec des pays tiers et permettraient de garantir que les intérêts qui se rapportent aux instruments considérés soient dûment pris en compte, quelle que soit leur localisation. La définition de «fonds ou dispositif de placement collectif» établie par l’OCDE semble offrir une bonne base pour une éventuelle modification de l’article 6, étant donné qu’elle couvre tout instrument de placement groupé, quelle que soit sa forme juridique, et qu’elle est à la fois simple et suffisamment vaste pour minimiser le risque de contournement.

Certains États membres ont appelé à une extension plus radicale du champ d’application de la directive pour y inclure tous les revenus provenant d’investissements, mais cette position n’est pas largement partagée. Pour les raisons exposées dans le document de travail, la directive n’est peut-être pas le cadre idéal pour améliorer la coopération entre autorités fiscales en ce qui concerne les paiements de dividendes et les plus-values provenant d’instruments d’investissement spéculatifs n’offrant pas de protection substantielle du capital. Des solutions fondées exclusivement sur l’échange d’informations se révèleraient également plus indiquées lorsqu’il s’agit de garantir l’absence de double imposition ou de contournement de l’imposition dans le cas des contrats d’assurance-vie et des pensions et rentes. Toutefois, en attendant que ces solutions fondées exclusivement sur un échange d’informations soient pleinement mises en Å“uvre dans tous les États membres, il pourrait être utile d’envisager des dispositions transitoires étendant le champ d’application de la directive ne serait-ce qu’aux profits issus de contrats d’assurance-vie ne prévoyant pas de couverture significative des risques biométriques, dont la performance est strictement liée à des revenus provenant de créances ou à des revenus équivalents couverts par l’article 6 et dont les caractéristiques (notamment en termes de liquidité) permettent de les commercialiser comme produits alternatifs aux organismes de placement collectif.

3.4. Autres ajustements

Il y a également des aspects plus procéduraux de la directive qui, à la lumière de l’expérience acquise, mériteraient de faire l’objet d’améliorations à des fins d’efficacité. Il s’agit:

- de l’identification des bénéficiaires effectifs (article 3);

- de certains aspects procéduraux liés à la définition du paiement d’intérêts (article 6);

- de la communication d’informations par l’agent payeur (article 8);

- des exceptions au système de retenue à la source (article 13);

- de certaines précisions à apporter à l’article 18 (réexamen) concernant les statistiques provenant des États membres.

En ce qui concerne l’article 3, trois ajustements apparaissent souhaitables. Premièrement, il s’agirait de garantir une actualisation régulière des informations relatives à l’adresse permanente du bénéficiaire effectif utilisées pour l’établissement du lieu de résidence de ce dernier aux fins de la directive, en demandant aux agents payeurs de se référer «aux meilleures informations dont ils disposent à la date du paiement». Celles-ci incluraient les informations requises dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent ou d’autres preuves à convenir entre États membres par des procédures de consultation. Deuxièmement, l’agent payeur pourrait être soumis à l’obligation d’abandonner cette approche minimale fondée sur l’«adresse permanente» au profit d’une approche basée sur la preuve officielle de la résidence fiscale dans un pays donné lorsque le bénéficiaire effectif a apporté cette preuve volontairement à l’agent payeur, que ce soit aux fins de la directive ou dans un autre but. Troisièmement, on pourrait préciser les conditions dans lesquelles les agents payeurs demandent le NIF du bénéficiaire effectif, en annexant à la directive une liste indiquant les États membres qui attribuent un NIF aux personnes physiques résidant sur leur territoire et les documents officiels sur lesquels ce NIF figure (ainsi que le format du NIF pour éviter les erreurs).

Pour ce qui est des aspects procéduraux relatifs à l’article 6, il serait souhaitable d’examiner la manière de créer des conditions permettant une bonne application de la règle du pays d’origine. Il s’agit d’un point essentiel pour que les agents payeurs puissent appliquer la directive aux revenus provenant d’organismes de placement collectif établis dans d’autres pays. Il convient que toutes les dispositions adoptées par un État membre pour ses organismes de placement collectif soient contraignantes pour les autres États membres. On pourrait établir une liste de critères acceptables aux fins de la pondération des actifs des organismes pour garantir davantage de cohérence. Il serait également possible d’annexer à la directive une liste des fournisseurs de données fiables et de prévoir une procédure en vue de sa mise à jour. Ces derniers devraient notamment être en mesure de garantir la fiabilité des données en ce qui concerne les organismes établis en dehors de l’Union européenne.

En ce qui concerne l’article 8, deux ajustements se révèlent nécessaires. Tout d’abord, pour mettre un terme aux incertitudes actuelles quant au traitement des comptes communs et de la propriété effective partagée, il pourrait être demandé aux agents payeurs de fournir certaines informations supplémentaires relatives aux caractéristiques du paiement (si le montant communiqué est le montant total, la part réelle revenant au bénéficiaire effectif ou une part égale). Ensuite, il semblerait utile de supprimer les limites actuelles de l’article 8, paragraphe 2, qui n’oblige pas les États membres à opérer une distinction entre le montant correspondant aux intérêts dans un paiement et le montant total du produit de la cession, du rachat ou du remboursement de créances ou de parts dans un OPCVM. Ce manque de détail compromet l’utilité des informations échangées et augmente la charge administrative pour l’État membre de résidence du bénéficiaire effectif d’une manière disproportionnée au regard de la charge que la fourniture des informations détaillées ferait peser sur l’agent payeur et sur l’État membre dans lequel il est établi. Cette situation rend également plus compliquée la mesure de l’efficacité de la directive.

Dans le cas de l’article 13, la Commission suggère au Conseil d’examiner s’il est possible de supprimer la procédure permettant de ne pas appliquer la retenue à la source sur la base d’un certificat fourni par le bénéficiaire effectif. Cette procédure prévoit que les informations reçues par l’État de résidence du bénéficiaire effectif sont moins détaillées et se révèle moins pratique pour ce dernier que l’autre procédure, à savoir la divulgation et l’échange volontaires d’informations. La charge supplémentaire que l’application obligatoire de la deuxième procédure ferait peser sur l’administration fiscale de l’État de l’agent payeur semble justifiée. De plus, l’application de la procédure fondée sur un certificat peut créer des problèmes de compatibilité avec la libre circulation des capitaux, notamment parce qu’un citoyen de l’Union européenne qui a sa résidence fiscale en dehors de l’Union éprouvera des difficultés à éviter une retenue à la source pour laquelle il ne peut pas obtenir de crédit ou de remboursement.

Enfin, on pourrait compléter l’article 18 en y ajoutant l’obligation pour les États membres de partager entre eux et avec la Commission, en temps voulu, certaines statistiques essentielles à une évaluation exhaustive de l’efficacité de la directive. À cet effet, il serait possible de prévoir un certain nombre de dispositions supplémentaires, mais proportionnées, imposant aux agents payeurs de fournir davantage d’informations aux administrations fiscales (par exemple, le nombre de bénéficiaires effectifs soumis à la retenue à la source au titre de la directive).

* Rapport de la Commission au Conseil conformément à l’article 18 de la Directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts – COM(2008) 552 final – SEC(2008) 2420. Source : Commission Européenne – Direction Générale Taxud.

[1] Organismes de placement collectif en valeurs mobilières autorisés conformément à la directive 85/611/CEE.

[2] On entend ici par «dépôts bancaires» les dépôts détenus par les banques et par «dépôts non bancaires» ceux détenus par d’autres opérateurs, y compris les particuliers et les entreprises.

[3] Organismes de placement collectif en valeurs mobilières non autorisés conformément à la directive 85/611/CEE.

[4] Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

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