LES RECENTES EVOLUTIONS LEGISLATIVES DU DROIT FISCAL INTERNATIONAL FRANÇAIS

 


 

Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 140 (Année 2005)


 

La loi de finances rectificative pour 2004 et la loi de finances pour 2005

La pénétration de notre système juridique par des normes supranationales, et plus particulièrement par le droit communautaire a permis une profonde évolution et la modernisation du droit fiscal français. Le droit international est essentiellement constitué de conventions fiscales bilatérales. Pour le droit communautaire, au-delà des textes, les principes généraux jouent un rôle essentiel dans l’adaptation du droit positif.

Comprendre cette évolution, c’est tout d’abord rappeler les règles relatives à la hiérarchie des normes qui sont le fondement de notre système juridique. Aux termes de l’article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois. Il restait à déterminer quel était le juge compétent pour connaître des litiges relatifs à la compatibilité des lois avec le droit international et communautaire.

Après que la Conseil Constitutionnel eut refusé1de se prononcer sur la validité internationale d’une loi, les juges ordinaires se voyaient, de fait, investis de cette mission de contrôle. Il appartient donc au juge national, qui est le juge communautaire de droit commun, de vérifier la conformité du droit national au droit communautaire et au droit international. L’évolution de la jurisprudence fut longue et contrastée. La Cour de cassation a immédiatement mis fin à sa jurisprudence antérieure, fondée sur l’idéologie du juge « serviteur de la loi ». Dans son célèbre arrêt « Société café Jacques Vabre » du 24 mai 19752, ladite Cour a relevé notamment « que le traité a une autorité supérieure à celle des lois, institue un ordre juridique propre intégré à celui des Etats membres; qu’en raison de cette spécificité, l’ordre juridique qu’il crée est directement applicable aux ressortissants de ces Etats membres et s’impose à leurs juridictions « .

La juridiction administrative fut en revanche plus hostile à cette nécessaire évolution. Il fallut attendre l’arrêt « Alitalia » du 3 février 19893 pour que le Conseil d’Etat exerce un contrôle strict sur la conformité du droit fiscal français avec le droit communautaire. Le Conseil d’Etat affine et complète enfin sa jurisprudence dans l’arrêt « Nicolo » du 30 octobre 19894 en étendant son contrôle aux lois postérieures aux traités.

La jurisprudence récente constitue une accélération importante de l’intégration du droit international et communautaire et surtout, une nouvelle convergence de positions entre tous les ordres de juridictions. Ainsi, dans l’arrêt « Schneider Electric » du 28 juin 2002, le Conseil d’Etat n’a pas hésite à censurer l’article 209 B en raison de sa non-conformité aux dispositions conventionnelles. Le Conseil Constitutionnel lui-même a précisé dans une décision du 10 juin 20045 que l’inconstitutionnalité de dispositions législatives ne pouvait pas être utilement soulevée des lors que lesdites dispositions se bornaient à transposer en droit interne une directive communautaire. Les juges de l’ordre interne se montrent donc aujourd’hui très soucieux du respect des conventions fiscales et du droit communautaire. Ils rejoignent en cela la jurisprudence de la CJCE qui a multiplié les condamnations de la France au cours de ces dernières années et tout particulièrement en 2004.

Cette approche novatrice du Conseil d’Etat doit être combinée avec le rôle de plus en actif du législateur communautaire qui multiplie les règlements et directives en matière fiscale.

Ainsi confronté à la pénétration croissante du droit communautaires et aux sanctions infligées par la CJCE, le législateur en a pour la première fois tiré toutes les conséquences en modifiant profondément un certain nombre de dispositifs. La loi de finances rectificative pour 2004 et la loi de finances pour 2005 apparaissent comme des textes particulièrement aboutis en terme de fiscalité internationale et communautaire. On y retrouve la transposition de règlements et directives, mais également l’aménagement de certains textes destinés à mieux respecter les principes communautaires.

Les réformes concernent aussi bien les personnes physiques(I) que les personnes morales(II).

I. LES PERSONNES PHYSIQUES :

A. La suppression de l' »exit tax », article 167 bis du CGI :

L’article 19 de la loi de finances pour 2005 a en effet purement et simplement supprimé l’article 167 bis du CGI. Dans le cadre de cet article, le transfert de domicile hors de France entraînait, d’une part, l’imposition des plus-values en report d’imposition et, d’autre part, l’imposition des plus values latentes afférentes à des participations supérieures à 25%. Ce dispositif a soulevé des difficultés quant à sa compatibilité avec le droit communautaire. La CJCE a déclaré contraire au principe communautaire de liberté d’établissement le système d’imposition des plus-values latentes prévu par l’article 167 bis du CGI dans un arrêt « Lasteyrie du Saillant » du 11 mars 20046. Faisant suite à cette décision, le Conseil d’état a, dans un arrêt 28 mai 2004, considéré également que ce dispositif était contraire au principe communautaire de liberté d’établissement.

Il est toutefois intéressant de constater que la suppression concerne tous les transferts de domicile hors de France et non seulement les états membres de la Communauté européenne. Cette réforme prend effet au 1er janvier 2005.

B. Extension du prélèvement libératoire à certains produits de source européenne :

L’article 40 de la loi de finances rectificative a eu pour objet de mettre en conformité la législation française avec le droit communautaire en alignant le niveau d’imposition des produits de placements à revenu fixe et d’assurance vie sur celui applicable aux mêmes produits de source française.

Antérieurement à cette modification, pour les produits de placements à revenu fixe seuls les revenus dont le débiteur était domicilié en France entraient dans le champ d’application du prélèvement libératoire. Le taux de prélèvement est de 16% auquel il convient d’ajouter 11% au titre de la CSG et de la CRDS. Quant aux bons ou contrats de capitalisation ou d’assurance vie, l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire n’était offerte que pour les produits des contrats souscrits auprès d’entreprises d’assurance établies en France. Le
taux de ce prélèvement varie en fonction de la durée du contrat.
– 35% en cas de retrait avant quatre ans
– 15% en cas de retrait entre quatre et huit ans
– 7,5% en cas de retrait après huit ans

La Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 4 mars 20047, a jugé ces restrictions du champ d’application du prélèvement forfaitaire libératoire contraires aux principes de libre prestation de services et de libre circulation des capitaux. Cet arrêt s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence communautaire. Dans un arrêt  » Safir  » du 28 avril 19988, la Cour avait déjà condamné la législation suédoise qui contenait des dispositions analogues. Depuis lors, la doctrine considérait la législation française non conforme au droit communautaire. Il aura fallu attendre un condamnation expresse de la France pour que le législateur adapte ces dispositions.

Le nouveau dispositif distingue selon que l’établissement payeur est établi en France ou dans un autre état européen.

1. Etablissement payeur établi en France :

Le présent article étend le champ d’application du prélèvement forfaitaire libératoire prévu à l’article 125 A du CGI aux revenus de source européenne payés par un établissement payeur établi en France. L’établissement payeur est le plus souvent un gestionnaire de compte du contribuable percevant le revenu, c’est à dire sa banque. Entrent dans le champ d’application du prélèvement forfaitaire libératoire prévu à l’article 125 A du CGI, les intérêts, arrérages et produits de toute nature des placements à revenu fixe, lorsque la personne qui assure le paiement de ces revenus est établie en France, qu’il s’agisse ou non du débiteur, ce dernier devant être établi dans un Etat de l’Espace Economique Européen hors Liechtenstein.

Les produits des bons ou contrats de capitalisation ou d’assurance souscrits à l’étranger n’entrent pas dans ce cadre, car l’établissement payeur de ces produits en est également le débiteur et n’est donc pas établi en France: Il s’agit de la société d’assurances qui, par hypothèse, est établie à l’étranger. Il nous faut donc envisager le cas de l’établissement payeur établi dans un autre état européen.

2. Etablissement payeur établi dans un autre Etat européen :

Un nouveau régime d’imposition, codifié à l’article 125 D du CGI est mis en place dans le cas où l’établissement payeur se situe hors de France dans un Etat européen. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France peuvent désormais opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire sur les produits de source européenne encaissés en Europe.

Entrent dans le champ d’application du prélèvement les intérêts, arrérages et produits de toute nature des placements à revenu fixe lorsque l’établissement payeur est établi hors de France dans un pays de l’Espace économique européen hors Liechtenstein, qu’il s’agisse ou non du débiteur, ce dernier étant établi dans ces pays ou en France. Les pays concernés sont les pays de la Communauté européenne ainsi que l’Islande et la Norvège.

Entrent également dans le champ du prélèvement forfaitaire libératoire les produits des bons ou contrats de capitalisation et d’assurance vie souscrits hors de France auprès d’une société d’assurance établie dans un Etat de l’EEE hors Liechtenstein.

Les taux d’imposition sont ceux prévus aux article 125 et 125-0 A du CGI, soit 16% en règle générale pour les produits de placements à revenu fixe et 7,5%, 15% ou 35% pour les produits d’assurance vie. Les produits supportent également les prélèvements sociaux qui s’élèvent à 11%.

Ces dispositions sont applicables aux revenus et produits encaissés ou inscrits en compte et aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2005.

II. LES PERSONNES MORALES :

La fiscalité internationale afférente aux personnes morales a également bénéficié d’une profonde réforme législative.

A. Modification de l’article 209 B et 238 A du CGI :

La loi de finances 2005 apporte plusieurs aménagements importants au dispositif défini à l’article 209 B du CGI qui permet à l’administration de taxer à l’impôt sur les sociétés, sous certaines conditions, les bénéfices réalisés par les implantations de sociétés françaises bénéficiant à l’étranger d’un régime fiscal privilégié. L’intervention du législateur étaient acquise depuis l’arrêt « Schneider Electric » précité par lequel le Conseil d’état a jugé l’article 209 B inapplicable en présence d’une convention fiscale qui ne réserve pas à la France la possibilité de le mettre en Å“uvre. En outre, la non conformité de cet article aux principes communautaires de liberté d’établissement et de liberté de circulation des capitaux était plus que probable. Après avoir brièvement rappelé l’ancien dispositif, nous préciserons les modifications opérées par le législateur.

1. Ancien dispositif :

L’imposition spécifique prévue par l’article 209 B du CGI vise les personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés exploitant une entreprise à l’étranger ou propriétaire directement ou indirectement de 10% au moins des droits sociaux d’une société étrangère, si ces entités bénéficient d’un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du CGI. Les bénéfices réalisés par l’entité étrangère sont réputés acquis à l’entreprise française le premier jour du mois qui suit la clôture de l’exercice de la société établie hors de France. Les résultats passibles de l’impôt français sont déterminés au prorata des droits détenus directement ou indirectement.

La personne morale française peut écarter l’application de l’article 209 B en établissant que les opérations de l’entité étrangère n’ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un pays à fiscalité privilégiée. La charge de la preuve incombe à l’entité française. La preuve est considérée comme rapportée s’il est notamment établi:

– que l’entité étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective
– et qu’elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local

C’est ce dispositif qui a été censuré par le Conseil d’état. La loi de finances pour 2005 l’a profondément modifié, dans un sens globalement favorable au contribuable français.

2. Nouveau dispositif :

Le nouveau dispositif a aménagé l’article 209B sur trois points :

a) Champ d’application du dispositif :

Les structures étrangères concernées par ce dispositif ont été redéfinies. Sont toujours concernées les entreprises exploitées à l’étranger, c’est à dire les établissements stables. En outre, sont désormais visées par l’article 209 B les entités juridiques dans lesquelles la personne morale établie en France détient directement ou indirectement une participation majoritaire. Cette nouvelle terminologie permet d’étendre le champ d’application du dispositif à des structures juridiques contribuant à l’évasion fiscale telles que les fiducies ou les associations.

La nouvelle rédaction de l’article modifie également la notion de régime fiscal privilégié. La référence à un écart notable entre l’impôt acquitté à l’étranger et l’impôt français est supprimée au profit d’une définition de l’écart d’imposition. Caractérise désormais le régime fiscal privilégié une différence de plus de 50% entre l’impôt acquitté à l’étranger et celui dont l’entreprise ou l’entité aurait été redevable en France dans les conditions de droit commun. Il s’agit bien d’une évolution favorable au contribuable puisque l’écart qui était retenu par la doctrine administrative était de un tiers.

Le législateur a également relevé le seuil de participation. En application du nouveau texte, la personne morale française entre dans le champ d’application de l’article 209 B lorsqu’elle détient directement ou indirectement dans l’entité juridique établie hors de France plus de 50% des actions, parts, droits financiers ou droits de vote. Il s’agit donc d’une mesure d’assouplissement par rapport au dispositif antérieur qui retenait un seuil de 10%.

Enfin, la loi de finances pour 2005 a introduit une clause anti-abus. Il s’agit d’une disposition nouvelle qui a pour objet de prévenir les situations où des entreprises s’entendraient pour codétenir ensemble une structure établie hors de France mais en se plaçant sous le seuil de 50%. La loi prévoit donc que le seuil de détention est abaissé à 5% lorsque plus de 50% des titres sont détenus:

– soit par des entreprises établies en France
-soit par des entreprises placées directement ou indirectement dans une situation de contrôle
ou de dépendance au sens de l’article 57 du CGI à l’égard de la personne morale établie en France.

b) Modalités d’imposition :

Le législateur a tout d’abord redéfini la notion de résultats imposables. Dans le cadre du dispositif actuel, le résultat bénéficiaire de la structure étrangère est réputé constituer un résultat de la personne morale. L’article 209 B retient désormais deux qualifications:

– Pour les entreprises exploitées par la société française, les résultats restent taxés à l’impôt sur les sociétés en tant que bénéfices
-Pour les entités juridiques, les bénéfices sont réputés constituer des revenus de capitaux mobiliers de la personne morale française.

Cette nouvelle rédaction est directement issue de l’arrêt « Schneider Electric » qui avait considéré qu’au terme de la convention fiscale, une personne morale établie en France ne pouvait être imposée en France sur les résultats de sa filiale établie en Suisse. Le législateur a donc modifié la qualification juridique des revenus imposables. Les bénéfices réalisés à l’étranger seront imposés en France en tant que revenus de capitaux mobiliers. Le législateur avait déjà utilisé ce mode d’imposition pour l’article 123 bis du CGI qui constitue le
pendant du 209 B pour les personnes physiques.

Pour les bénéfices d’un établissement stable en revanche, les bénéfices ne peuvent être imposés en France au nom de la société établie en France que si les termes de la convention fiscale bilatérale conclue avec l’état d’implantation de l’établissement réservent expressément l’application de l’article 209 B du CGI.

c) Clauses de sauvegarde :

Dans sa nouvelle rédaction, l’article 209 B contient des clauses de sauvegarde permettant d’échapper à l’application du dispositif. L’une est spécifique à la Communauté européenne, l’autre concerne les entités situées en dehors de cette Communauté.

  • Clause de sauvegarde dans le cadre communautaire :

Le nouveau paragraphe II de l’article 209 B prévoit que le dispositif n’est pas applicable si l’entité étrangère est établie dans un Etat de la Communauté européenne et que son exploitation et sa détention ne sont pas constitutives d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française. La charge de la preuve incombe à l’administration. Il s’agit néanmoins d’une notion dont les contours sont incertains.

L’administration a laissé entendre qu’elle donnerait à cette notion un sens plus large que celle de l’abus de droit prévue à l’article L 64 du LPF.

  • Clause de sauvegarde hors Communauté européenne :

Le III de l’article de l’article 209 B reprend le principe d’une clause de sauvegarde. Il résulte de l’alinéa 1 que le dispositif de taxation ne s’applique pas « lorsque les bénéfices ou revenus positifs de l’entreprise ou de l’entité juridique établie ou constituée hors de France proviennent d’une activité industrielle ou commerciale effective effectuée sur le territoire de l’Etat de son siège ou de son établissement ». Se trouve donc supprimée la référence à la réalisation d’opérations de façon prépondérante sur le marché, notion mal définie et source de contentieux. La réalisation de ces conditions fait présumer l’absence de fraude ou d’évasion fiscale.

Même si la structure étrangère exerce une activité industrielle ou commerciale effective, la personne morale française doit apporter la preuve que les opérations de la structure étrangère ont un objectif autre que principalement fiscal si les bénéfices de cette entité proviennent :

  • Pour plus de 20%

d’une part, de la gestion, du maintien ou de l’accroissement de titres, participations, créances ou actifs analogues pour son propre compte ou pour celui d’entreprises appartenant à un groupe avec lequel la personne morale en France entretient des relations de contrôle et de dépendance.

 

    d’autre part, de la cession ou de la concession de droits incorporels relatifs à la propriété industrielle, littéraire ou artistique; ou

  • Pour plus de 50% d’opérations visées ci-dessus et de prestations de services intra-groupe. Le nouveau dispositif entrera en vigueur au 1er janvier 2006 et sera donc applicable aux bénéfices réalisés en 2005 pour les exercices coïncidant avec l’année civile.

B. Transfert transfrontalier du siège statutaire d’une société :

L’article 34 de la loi de finances pour 2005 a modifié l’article 221,2 du CGI afin d’écarter l’application des conséquences fiscales de la cessation d’entreprise lorsqu’une société résidente de France transfère son siège social dans un autre Etat de la Communauté européenne. Cet aménagement s’inscrit dans le cadre de la mise en conformité du droit fiscal interne avec le règlement sur la société européenne du 8 octobre 2001 entré en vigueur le 8 octobre 2004. L’article 8 dudit règlement dispose en effet que le siège statutaire de la société européenne peut être transféré dans un autre Etat membre et que ce transfert ne donne lieu ni à dissolution, ni à la création d’une personne morale nouvelle.

La législation fiscale française ne fait désormais plus obstacle à la sortie des sociétés qui désire implanter leur siège dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Le présent article prévoit en effet que le transfert de siège n’entraîne plus, en tant que tel les conséquences fiscales d’une cessation d’entreprise sans qu’il y ait lieu à distinguer selon que ce transfert s’accompagne ou non de la perte de la personnalité morale dans l’ordre national.

Le transfert du siège au sein de l’Union européenne n’entraîne donc plus la taxation immédiate des bénéfices en sursis et des plus-values latentes. Cependant, les plus-values afférentes aux actifs transférés dans le pays d’accueil ou cédés à l’occasion du transfert de siège sont immédiatement imposables dès lors que ce transfert ou cette cession se traduit par une sortie du bilan de l’entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés en France. Ce nouveau dispositif n’assure une neutralité effective que sur le plan juridique. Dans l’hypothèse où l’opération se limite au seul transfert du siège d’une société résidente, les éléments d’actifs restent situés en France et devraient d’une manière générale caractériser la présence d’un établissement stable de la nouvelle entité étrangère. Cet établissement serait alors soumis à l’impôt sur les sociétés dans les mêmes conditions qu’avant le transfert de siège. Notons que dans l’hypothèse où la société transférant son siège à l’étranger est un holding, la neutralité de l’opération suppose que la détention des titres puisse être regardée comme constitutive d’un établissement stable.

Il n’y a aucune disposition expresse relative à l’entrée en vigueur de cette disposition.
S’agissant d’une disposition relative à l’impôt sur les sociétés, la mesure serait à priori applicable aux résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2004. Cela étant, le transfert de siège emportant cessation immédiate d’entreprise, les transferts de siège intervenus en 2004 ne devraient pas être couverts par le mécanisme de neutralité dès lors que leur exercice a été de fait clos dès la date à laquelle est intervenu le transfert. Ainsi en pratique, la mesure devrait donc concerner les transferts de siège intervenus à compter du 31 décembre 2004.

Exonération des dividendes distribués à des sociétés mères de la Communauté européenne :

L’article 44 de la loi de finances rectificative 2004 modifie l’article 119 ter du CGI. Il aménage le dispositif d’exonération de retenue à la source afin de transposer en droit interne la directive du Conseil du 22 décembre 20039.

Nous rappelons que les produits distribués par les sociétés françaises à des non-résidents sont en principe soumis à une retenue à la source. Ce principe comporte toutefois certaines dérogations résultant soit de la loi, soit des conventions internationales. C’est ainsi que l’article 119 ter du CGI exonère de retenue à la source les dividendes distribués par les sociétés de capitaux françaises à leur société mère lorsque celle-ci est située dans un Etat membre de la Communauté européenne. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à un certain nombre de conditions tenant notamment au régime fiscal et au taux de participation. Ces dispositions de l’article 119 ter sont issues de la transposition en droit interne de la directive du 4 juillet 1990 relative au régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents. Cette dernière directive ayant été modifiée par la directive du 22 décembre 2003, un aménagement de l’article 119 ter était nécessaire afin d’introduire en droit interne les modifications ainsi apportées.

Trois aménagements sont ainsi apportés.

  • Le présent article étend la liste des sociétés distributrices à l’ensemble des sociétés et organismes soumis à l’IS au taux normal. Bénéficient de cette modification, les sociétés européennes, les coopératives européennes ainsi que notamment les sociétés de personnes ayant opté pour l’impôt sur les sociétés.
  • Le nouveau dispositif abaisse progressivement le seuil minimal de participation requis pour bénéficier de l’exonération de retenue à la source. Fixé jusqu’à maintenant à 25%, le taux de participation est ainsi ramené :

– à 20% pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2006
– à 15% pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008
– à 10% pour les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2009

Notons que selon l’administration fiscale, le pourcentage minimum de détention concerne à la fois les droits financiers et les droits de vote10.

  • Le bénéfice de la directive est étendu aux dividendes distribués aux établissements stables situés dans un Etat membre de la Communauté européenne.

Garantie contre les changements de doctrine :

Afin de permettre aux entreprises de prendre certaines décisions, notamment en matière d’investissements dans les meilleures conditions de sécurité juridique, le législateur a instauré sous l’article L 80 B, 2° à 5° et L 80C du LPF un dispositif d’accord tacite sur certaines demandes de prise de position formelle de l’administration fiscale. Ce dispositif a pour conséquence d’empêcher l’administration fiscale de procéder à des rehaussements d’impositions antérieures lorsqu’elle n’a pas répondu dans le délai imparti au contribuable qui l’a consultée sur l’application à son cas de certains régimes fiscaux. La loi de finances rectificative pour 2004 a créé un nouveau régime pour les sociétés étrangères souhaitant investir relatif à la présence en France d’un établissement stable. Ladite loi a également légalisé la pratique du rescrit an matière de prix de transfert.

1. Le rescrit en matière d’établissement stable :

L’article 23 de la loi de finances rectificative étend la procédure d’accord tacite aux opérateurs étrangers qui saisissent l’administration fiscale du point de savoir si l’entité dont ils disposent ou qu’ils envisagent d’établir sur le territoire français constitue ou non un établissement stable ou une base fixe au sens de la convention fiscale liant la France à l’Etat dans lequel ils sont résidents. Ces dispositions sont insérées au 6° de l’article L 80 B.

Le délai au terme duquel le silence de l’administration vaudra acceptation tacite est fixé à trois mois. Ainsi, à défaut de réponse motivée dans ce délai, l’administration sera réputée donner son accord de principe à l’entreprise sur la demande dont elle a été saisie. Cet accord sera opposable à l’administration sur le fondement de l’article L 80 B du LPF lors des contrôles ultérieurs. Pour pouvoir bénéficier de la garantie prévue par ce texte, l’entreprise devra formuler sa demande par écrit et présenter de manière précise et complète la situation de fait qui donne lieu à la question. La garantie ne pourra bénéficier qu’au contribuable de bonne foi.

Cette mesure concerne les demandes adressées à compter du 1er janvier 2005.

2. Accords en matière de prix de transfert :

Une instruction 4 A-8-99 du 7 septembre 1999 a donné la possibilité aux entreprises multinationales d’obtenir de l’administration fiscale un accord préalable sur la méthode de détermination du prix de transfert pour leurs transactions intra-groupe futures. L’article 20 de la loi de finances rectificative pour 2004 confère force de loi à ce dispositif en inscrivant les accords préalables portant sur la méthode de détermination des prix de transfert au sein des prises de position formelle de l’administration dont peuvent se prévaloir les contribuables, article L 80 B, 7° du LPF.

Néanmoins, à la différence des autres mesures de consultations préalables prévues à l’article L 80 B du LPF, l’administration conserve un pouvoir discrétionnaire et n’est enserrée dans aucun délai pour conclure l’accord. Il n’est pas prévu de délai au delà duquel l’absence de réponse de l’administration vaut accord tacite de la méthode de détermination des prix de transfert proposée par le contribuable dans sa demande.

CABINET FONTANEAU
Jean-Philippe SOLLBERGER

DESS Droit et Fiscalité de l’Entreprise – DJCE
DESS Stratégie fiscale de l’Entreprise

1 CC, décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975
2 Cour de Cassation arrêt du 24 mai 1975, JCP 1975 n°18-180 bis
3 CE 3 février 1989, RJF 3/89 n°299
4 CE 30 octobre 1989, RJF 11/89 n°1266
5 CC décision du 10 juin 2004 n°2004-496 DC
6 CJCE 11 mars 2004, RJF 5/04, n°558
7 CJCE 4 mars 2004 aff. 334/02, BF 5/04 inf. 419
8 CJCE 28 avril 1998, RJF 8-9/98, n°1066

9 03/123/CE, FR 6/04
10 D. adm. 4J-1334

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