Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 137 (Année 2004)
Le parlement belge a voté, le 31 décembre 2003, la loi de transfert des avoirs non déclarés placés à l’étranger par des personnes physiques, dite « loi de déclaration libératoire unique ».
Cette loi qui met en place une forme d’amnistie fiscale est entrée en application, après de nombreuses discussions, le premier janvier 2004.
Son objectif est de permettre aux personnes physiques, résidentes ou non résidentes, à l’exclusion de toutes personne morales, de déclarer et de transférer en Belgique, si elles le souhaitent, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2004, des avoirs qu’elles ont sur des comptes non déclarés à l’étranger. Moyennant le paiement d’une contribution de 6 % ou 9 % calculée sur le montant des avoirs déclarés et repris dans la déclaration libératoire, ces personnes seront définitivement libérées de tous les impôts et cotisations sociales éludés relatifs aux revenus produits par les avoirs en compte et même à l’abri des poursuites pénales pour fraude fiscale
Toutefois, la régularisation ainsi opérée par l’Administration n’exclut pas que cette dernière puisse se préoccuper des mouvements intervenus sur le compte étranger dans les trois dernières années, sans que l’on puisse s’y opposer.
LES PRINCIPES DE LA DÉCLARATION LIBÉRATOIRE UNIQUE (DLU)
Cette opération de régularisation fiscale suppose, de la part du contribuable, le dépôt d’une déclaration, ce qui est une démarche volontariste.
Les sommes, capitaux et valeurs mobilières ainsi déclarés ne pourront être utilisés comme indice ou indication pour effectuer des enquêtes ou des contrôles de nature fiscale supplémentaires à charge du déclarant ou d’un tiers, ni pour informer d’autres autorités, de possibles infractions à la législation fiscale ou pour échanger des informations, sauf en ce qui concerne la détermination des cotisations dues en raison de la déclaration.
La déclaration de ces avoirs ne pourra davantage constituer un indice d’infraction à la législation fiscale devant être dénoncé en vertu de l’article 29 du Code d’instruction criminelle au Procureur du Roi.
Cette déclaration est libératoire.
Cela signifie que les sommes, capitaux ou valeurs mobilières pour lesquels la contribution unique est acquittée, sont libérés de tout impôt ou contribution qui aurait dû ou pu grever les actifs concernés avant la date d’introduction de la déclaration. Cet effet libératoire, définitif vaudra tant pour le déclarant (personne physique) et ses auteurs (par exemple, le défunt) que dans le chef des personnes morales par l’intermédiaire desquelles ces sommes, capitaux ou valeurs mobilières ont été obtenus directement ou indirectement ou qui ont attribué ces sommes au déclarant ou à son auteur, de quelque façon que ce soit. Le déclarant sera de manière irréfragable, définitivement et complètement exonéré de toutes les charges fiscales (y compris les majorations d’impôts, intérêts de retard et amendes) et autres cotisations sociales.
Ceux qui s’acquitteront de la cotisation unique bénéficieront même d’une immunité pénale, sauf si, avant le transfert, ils ont fait l’objet d’une demande nominative d’instruction judiciaire du ministère public, ont été partie civile d’une personne lésée, voire enfin, ont été inculpés formellement par le juge d’instruction. Cette « clause d’excuse » ne pourra être invoquée dans le cadre de la fraude grave et organisée, qui met en œuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale, qui accompagnent des délits de droit commun, tels les carrousels TVA qui sont commis par escroquerie ou à l’égard d’infractions fiscales dans le cadre d’une banqueroute frauduleuse.
De même, aucune régularisation fiscale n’est possible pour les sommes, capitaux et valeurs mobilières provenant de la réalisation d’opérations de blanchiment ou d’un délit sous-jacent visé à l’article 3 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux.
La déclaration est unique
La déclaration libératoire revêt essentiellement un caractère temporaire et unique. La possibilité offerte de se mettre en règle est, en effet, strictement limitée dans le temps : elle commencera dès le 1er janvier 2004 et s’achèvera immanquablement le 31 décembre 2004.
L’opération d’amnistie fiscale doit intervenir avant l’application de la directive prévue au 1er janvier 2005 . Le gouvernement belge dit vouloir offrir aux contribuables, une possibilité de se mettre en règle avant la mise en œuvre de la directive.
LA RÉGULARISATION DES AVOIRS
Les avoirs pouvant bénéficier de la DLU sont les suivants :
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Les sommes, les capitaux et les valeurs mobilières (actions, bons de caisse, obligations, titres au porteur ou non) pour autant qu’ils aient été placés avant le 1er juin 2003 sur un compte à l’étranger ouvert au nom du déclarant ou dont le déclarant est le bénéficiaire effectif. Ces avoirs ne devaient cependant pas être sur un compte le 31 mai 2003 ; il suffit qu’ils l’aient été à un moment donné avant le 1er juin 2003 ;
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Les titres au porteur (actions ou obligations), à condition que le déclarant apporte la preuve qu’il les possédait avant le 1er juin 2003. Ces titres au porteur peuvent être dans un coffre, en Belgique ou à l’étranger, mais ces titres devront alors être déposés sur un compte bancaire du déclarant (en Belgique ou à l’étranger) pendant une période ininterrompue de 3 ans.
L’opération vise donc l’ensemble des sommes, capitaux et valeurs mobilières que le déclarant possède dans de telles conditions – il importe peu qu’il soit nu-propriétaire ou usufruitier dudit compte – et qui ont été soustraits au fisc en ne les reprenant pas dans une comptabilité ou dans celle d’une personne morale, ou en ne les mentionnant pas dans une déclaration obligatoire selon la loi (impôts sur les revenus, TVA, sécurité sociale).
Ainsi il s’agit effectivement, des revenus de placements qui auraient échappé au précompte mobilier en toute illégalité, de l’argent d’un héritage qui aurait évité les droits en ne rentrant pas dans la masse successorale, voire enfin et surtout de revenus professionnels non déclarés et non imposés.
Il existe cependant des avoirs qui pour des raisons cités limitativement dans la loi, ne peuvent pas bénéficier des dispositions d’amnistie fiscale :
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Les avoirs rapatriés, qui n’étaient pas placés sur un compte à l’étranger avant le 1er juin 2003, ce compte devant appartenir à une personne physique ou à un bénéficiaire effectif de ce compte. Le contribuable doit apporter la preuve de cette domiciliation par une pièce émise par la banque étrangère ou l’établissement de bourse étranger.
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La DLU ne peut pas être utilisée pour les impositions qui sont établies dans le chef du déclarant sur des revenus professionnels visés à l’article 23 CIR 92 (profits, bénéfices ou profits d’une activité professionnelle antérieure, rémunérations, pensions, rentes et allocations en tenant lieu) et pour les cotisations sociales sur les revenus professionnels pour les périodes imposables 2002,2003 et 2004.
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Aucune régularisation n’est, également, possible en ce qui concerne les droits de succession et de mutation par décès d’un habitant du royaume qui serait décédé après le 31 décembre 2003. Ceci vise à éviter qu’un contribuable puisse opter, en raison des dispositions de la loi, pour une déclaration libératoire unique en lieu et place d’une déclaration de succession complète. De même la déclaration libératoire unique ne pourra porter sur les droits de succession et de mutation par décès d’un habitant du royaume décédé avant le 1er janvier 2003 et pour lequel aucune déclaration de succession valable n’a été introduite ou pour laquelle aucun délai supplémentaire n’a été obtenu pour l’introduction d’une telle déclaration.
LES TAUX DES PÉNALITÉS À ACQUITTER : 6 % OU 9 %
Modalité d’application du taux de 6 %
Le taux minimal de 6 % s’appliquera aux capitaux réinvestis durant trois ans au moins dans la liste de biens suivante :
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l’achat, la construction et/ou la rénovation d’immeubles bâtis (et non un terrain nu) dans un pays de l’Union européenne ;
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l’achat ou la constitution d’immobilisations corporelles, autres que des immeubles, des voitures, voitures mixtes, minibus et la configuration complètes d’ordinateurs et périphériques, affectées à l’exercice d’une activité professionnelle ;
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la souscription et la libération en numéraire des valeurs mobilières,c’est-à -dire principalement des actions et obligations, y compris les titres de sociétés non cotées, lorsque ces valeurs mobilières sont au nom du déclarant ou sont déposées sur un compte au nom du déclarant ;
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des dépôts d’argent au nom du déclarant (le placement des sommes d’argent sur un compte à vue est possible, par opération, pour une période maximale de trois mois) ; le dépôt sur un compte épargne bénéficiant de l’exonération du précompte mobilier pour les premiers 1520 € n’est pas valable ;
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le paiement d’une prime lors de la conclusion d’un contrat d’assurance sur la vie ou un contrat de capitalisation conclu auprès d’une entreprise d’assurance souscrit par le déclarant.
Ces investissements doivent être conservés pendant 3 ans.
En cas d’aliénation ou de cessation de l’investissement effectué, la loi prévoit une obligation de réinvestissement dans les 30 jours.
Si l’obligation d’investissement ou de réinvestissement n’est pas respectée, le déclarant sera redevable d’une contribution complémentaire de 6 %.
Un système de garantie est prévu à cet effet :
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si la DLU est faite auprès d’un établissement financier belge, le déclarant devra bloquer un montant complémentaire de 6 % ;
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si la DLU est faite auprès du Service public fédéral des Finances, le contribuable devra constituer, à hauteur du même pourcentage, une sûreté réelle, une garantie bancaire ou une autre sûreté personnelle.
Les sommes ainsi bloquées sont censées être acquises au Trésor au 1er juillet 2008 à moins que le déclarant ou son ayant droit ne démontre avoir satisfait à l’obligation d’investissement. La charge de la preuve repose donc sur le contribuable.
L’investissement dans les produits précités doit intervenir dans les 30 jours suivant la déclaration.
Modalités d’application du taux de 9 %
Le taux de pénalité de base est de 9 %. Il s’appliquera donc en cas d’absence de réinvestissement et, dans tous les cas, lorsque la déclaration porte sur des titres au porteur.
BASE DE CALCUL DE LA PÉNALITÉ
Une interprétation littérale de la loi permet de considérer que doivent uniquement faire l’objet de la déclaration les avoirs non déclarés qui auraient dû l’être.
Cela vise donc les revenus du patrimoine, les revenus professionnels et les actifs d’une succession, mais non les avoirs qui ne sont pas issus d’une infraction fiscale. En conséquence, en cas d’absence d’imposition des revenus générés par des avoirs acquis « légitimement », la contribution unique de 9 % ou 6 % ne devrait s’appliquer que sur les revenus et non sur le principal.
La question se complique lorsque le contribuable a acquis des avoirs avec des revenus non déclarés, mais dont l’imposition est à présent prescrite. Faut-il alors déclarer les avoirs issus des revenus non déclarés ou également les avoirs acquis à l’origine ? La loi ne mentionne aucune limite dans le temps concernant les avoirs à déclarer. Il est donc à craindre que ces avoirs acquis avec des revenus non déclarés doivent être déclarés et être compris dans la base de calcul de la contribution unique.
MODALITÉS PRATIQUES DU RAPATRIEMENT
Les établissements de crédit et les sociétés de bourse jouent un rôle particulièrement déterminant.
Leur intervention en la matière, se retrouve à plusieurs niveaux:
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contrôle de l’identité du déclarant, du montant des sommes et capitaux mentionnés dans la déclaration, vérification du calcul de la pénalité,
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conservation de copies des relevés récapitulatifs et des originaux des déclarations libératoires ; délivrance au déclarant d’une attestation nominative et numérotée,
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vérification des modalités d’investissement et de réinvestissement des sommes, capitaux et valeurs mobilières éligibles,
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communication à la cellule de traitement des informations financières (CTIF) d’une liste reprenant l’identité des personnes physiques auxquelles une attestation a été délivrée, le numéro de l’attestation et le montant des sommes, capitaux et valeurs mobilières visées qui ont été transférées.
En conclusion, s’il opte pour le rapatriement effectif, il suffira donc au contribuable « repenti » de déclarer qu’il détient un compte à l’étranger et d’annoncer qu’il souhaite rapatrier tel montant.
Il devra ensuite transférer les fonds sur un compte ouvert à son nom auprès d’une banque ou d’une société de bourse de droit belge (ou d’une succursale belge d’une banque ou d’une société de bourse établie dans un autre Etat membre de l’Union européenne) ayant été reconnues à cet effet par la Commission Bancaire et Financière et donner instruction à son banquier de ce qu’il veut en faire.
Sur cette base, la pénalité due sera prélevée et versée à l’Etat, exactement comme cela se fait en matière de précompte mobilier sur un carnet de dépôt. Le contribuable « repenti » recevra alors une attestation nominative et numérotée.
Par la suite, les intérêts produits par les capitaux rapatriés seront soumis au précompte mobilier libératoire belge.
La DLU n’impose en soi ni la liquidation du portefeuille de valeurs, ni le rapatriement des valeurs en Belgique. La loi prévoit la possibilité de laisser les fonds amnistiés sur un compte étranger, mais requiert alors que la déclaration soit faite au Service public fédéral Finances.
Dans ce cas, deux contraintes encadrent ce choix :
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le taux de 9 % de pénalité qui s’applique automatiquement,
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l’information automatique du fisc belge et la perte de l’anonymat.
Il conviendra également, pour le contribuable, de ne pas oublier, de mentionner dans la déclaration d’impôt sur les personnes physiques, qu’il détient un compte à l’étranger et les revenus produits par ledit compte.
Enfin, pour rendre totalement applicables, les dispositions de régularisation fiscale, il est impératif d’étendre le texte adopté par le gouvernement belge aux impôts régionaux, que sont les droits de succession.
Les droits de succession étant de la compétence des trois régions, Flandre, Wallonie et Bruxelles, les décrets relatifs à la mise en place de la DLU sont indispensables. C’est chose faite pour Bruxelles et la Région Wallonne. La Flandre, quant à elle, attend encore.
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Cabinets FONTANEAU
Nice – Paris – Bruxelles