Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 129 (Année 2002)
Les Pays-Bas appliquent un régime fiscal spécial aux cadres étrangers qui occupent des fonctions temporaires sur le territoire national. Ce régime se fonde sur une directive administrative et est désigné sous l’appellation » régime des 35 % ».
Ce régime s’applique aux salariés de nationalité étrangère recrutés à l’étranger par un groupe international et temporairement détachés auprès d’une société néerlandaise du groupe. Pour pouvoir en bénéficier, les cadres étrangers doivent disposer d’une résidence aux Pays-Bas pendant la période au cours de laquelle ils exercent leurs activités dans le pays.
Ce régime a récemment été modifié à la fin de l’année 2001, avec effet rétroactif au 1er janvier 2001. Une série de modifications ont été introduites pour répondre à certaines imprécisions, notamment le montant du pourcentage de l’indemnité qui maintenant est de 30%. D’où l’appellation » régime des 30 % « .
LE PRINCIPE DU REGIME
Le régime des 30 % est une exception au traitement des frais » extraterritoriaux » dans le cas de travailleurs étrangers occupés aux Pays-Bas. En principe, ces frais sont à considérer comme des frais propres à l’employeur et peuvent ainsi être indemnisés ou remboursés au travailleur en exonération d’impôt. Néanmoins, selon les règles normales de la preuve, il faut pouvoir démontrer qu’il s’agit de frais réellement exposés.
Le régime des 30 % fait exception à cette règle : l’employeur peut, sous certaines conditions, payer une indemnité limitée pour frais extraterritoriaux en exonération d’impôt, sans que le travailleur doive justifier la nature ou le montant de ces frais.
CONDITIONS D’OCTROI
Le régime est ouvert aux travailleurs non originaires des Pays-Bas, disposant de compétences spécifiques, inexistantes ou rares sur le marché de l’emploi néerlandais. L’employeur et le travailleur doivent introduire conjointement une demande pour bénéficier du régime.
La qualité de » Travailleur non originaire des Pays-Bas »
Est concerné par l’appellation » travailleur non originaire des Pays-Bas » un travailleur étranger qui est engagé par un employeur néerlandais, ou un travailleur étranger qui est détaché auprès d’un employeur néerlandais.
L’employeur doit être redevable de retenues à la source conformément à la loi néerlandaise relative à l’impôt sur les salaires. Si tel n’est pas le cas, l’employeur devra obligatoirement s’inscrire comme redevable de retenues à la source auprès du Service fiscal Particuliers/Entreprises Etranger à Heerlen.
La notion de travailleur doit être appréciée conformément à la loi relative à l’impôt sur les salaires. Il s’ensuit notamment que les travailleurs liés par un contrat de travail fictif sont écartés du régime.
En revanche, bien qu’un administrateur ne puisse pas être considéré comme un travailleur, un administrateur de société néerlandaise peut, en vertu d’un arrêté du 26 novembre 2001 du Secrétaire d’Etat néerlandais aux Finances, bénéficier du régime des 30 %.
Compétences spécifiques et pénurie sur le marché de l’emploi
Pour apprécier cette condition, on tient compte des facteurs suivants :
– Le niveau de formation du travailleur,
– L’expérience professionnelle dans le cadre de la fonction exercée,
– Le niveau de rémunération de la fonction aux Pays-Bas, par rapport au niveau de la rémunération versée dans le pays d’origine du travailleur.
En pratique, le premier facteur combiné au second sera le plus important pour autant qu’une certaine pénurie se manifeste sur le marché de l’emploi.
L’importance de la rémunération ne sera réellement prise en considération que si l’on ne peut pas établir avec certitude qu’il y a pénurie sur le marché de l’emploi ou que le travailleur dispose de compétences spécifiques. L’importance de la rémunération peut être une indication. Toutefois, ce n’est pas parce qu’un travailleur reçoit une rémunération relativement faible qu’il ne dispose pas de compétences spécifiques.
Bien entendu la notion de pénurie sur le marché de l’emploi néerlandais est une notion relative qui dépend en grande partie de facteurs économiques. Si aucun permis de travail n’est requis, l’employeur devra justifier cette pénurie en démontrant qu’il a vainement recherché la main d’Å“uvre nécessaire sur le marché de l’emploi néerlandais en publiant des offres d’emploi, en recourant à des agences de recrutement spécialisées, etc. En revanche, si un permis de travail est requis, la délivrance du permis suffit à justifier le manque de main d’Å“uvre.
Les trois critères précités seront considérés comme remplis si trois conditions sont cumulativement réunies :
* Le travailleur est détaché aux Pays-Bas dans le cadre de la rotation du personnel à l’intérieur d’un groupe international,
* Le travailleur occupe dans ce groupe international une fonction de cadre moyen ou supérieur,
* Le travailleur possède au moins deux années et demi d’expérience au sein de ce groupe international.
Demande conjointe
Pour bénéficier du régime des 30 %, il convient d’introduire un dossier auprès du Service fiscal Particuliers/Entreprises Etranger à Heerlen.
Le dossier doit contenir un formulaire standard dûment complété et détaillé, de même qu’une preuve écrite de la demande conjointe de l’employeur et du travailleur, pour l’application du régime.
Il convient également d’y joindre une copie du contrat de travail. Le curriculum vitae du travailleur permettra d’apprécier son niveau de formation et ses compétences professionnelles. Il convient bien entendu de joindre au dossier des explications motivées détaillant les circonstances spécifiques du cas d’espèce afin d’emporter la conviction de l’administration fiscale néerlandaise.
A défaut de demande conjointe, la demande est irrecevable. Si la signature conjointe est présente, le dossier sera recevable même s’il doit être complété par la suite avec des pièces complémentaires.
La décision de l’inspecteur chargé de l’examen du dossier est susceptible de réclamation.
MISE EN APPLICATION DU REGIME DES 30 % ET DUREE DU BENEFICE DE CE REGIME
Entrée en application du régime
Si la demande est introduite dans les quatre mois suivant l’entrée en service du travailleur, le régime peut être appliqué à partir de la date d’entrée en service. Si la demande est introduite plus tard, le régime ne peut être mis en application qu’à partir du premier jour du mois suivant celui de la demande. La date d’entrée en vigueur est toujours spécifiée par l’inspecteur traitant le dossier.
Il s’agit là d’une amélioration par rapport à la situation antérieure de l’ancien régime. L’application rétroactive d’une décision favorable suscitait la plupart du temps des réticences administratives.
Il était donc possible de bénéficier du régime avant même qu’une décision ait été prise par l’administration, pour autant bien entendu que la demande en ait été faite dans les quatre mois de l’entrée en fonction du travailleur.
Durée du bénéfice du régime
Le régime des 30 % peut être appliqué au maximum pendant dix ans à dater de l’entrée en service du travailleur. Dans l’éventualité où le marché de l’emploi ne devrait plus connaître la pénurie des compétences spécifiques du travailleur, le régime prendrait immédiatement fin, étant entendu qu’une durée minimum de cinq années est toujours garantie.
A partir de la sixième année, le Service fiscal peut inviter l’employeur à démontrer qu’il satisfait toujours aux conditions d’application. Si l’employeur n’est pas en mesure de le faire, le régime prend fin. Dans le cas contraire, le régime se poursuit. L’employeur peut lui-même de sa propre initiative introduire une demande de contrôle auprès de l’administration s’il veut s’assurer du maintien du régime.
Réduction de la durée du régime
La durée maximum de dix ans est réduite des périodes durant lesquelles le travailleur a précédemment résidé ou travaillé aux Pays-Bas à condition que ces périodes soient venues à expiration plus de quinze ans avant le début du nouvel emploi.
Il est également fait abstraction des périodes qui, à compter du nouvel engagement, sont venues à expiration depuis plus de dix ans et moins de quinze ans. Dans ce cas, le travailleur ne peut toutefois avoir résidé ou exercé une activité salariée aux Pays-Bas au cours des dix années précédant son engagement. Le régime ne tient pas compte des périodes d’occupation qui n’ont pas dépassé vingt jours au cours de chacune des dix dernières années civiles.
De même, n’est pas prise en considération, une résidence aux Pays-Bas au cours des dix dernières années qui, étalée sur plusieurs années civiles, n’a pas duré plus de six semaines par année civile et a eu lieu à l’occasion de vacances, de visites familiales ou autres raisons personnelles. Un séjour unique, pour ces mêmes raisons, durant les dix dernières années n’intervient pas davantage si ce séjour n’a pas dépassé une durée ininterrompue de trois mois.
Une réduction sera néanmoins appliquée pour les périodes de résidence ou d’activité salariée mentionnées ci-avant au cours des dix dernières années.
MONTANT DE L’INDEMNITE
Frais extraterritoriaux
Le régime des 30 % permet à l’employeur d’indemniser le travailleur, hors impôt, pour ses » frais extraterritoriaux « , sans que la réalité de ces frais doive être établie.
D’autres frais peuvent également être remboursés en exonération d’impôt, mais dans ce cas, le travailleur doit pouvoir les justifier selon les règles ordinaires.
Si le montant réel des » frais extraterritoriaux » est supérieur à l’indemnité autorisée, cet excédent peut également être remboursé en exonération d’impôt, mais à condition, ici aussi, que ces frais puissent être justifiés. Pour éviter un double remboursement de frais, le cumul de l’indemnité et du remboursement de frais extraterritoriaux justifiés, est exclu.
La distinction entre les frais extraterritoriaux et les autres frais est donc cruciale, et il faut vérifier pour chaque poste de frais à quelle catégorie il appartient. Peuvent être qualifiés de » frais extraterritoriaux « , les frais qu’un travailleur n’aurait pas exposés s’il n’était pas occupé au Pays-Bas. Ces frais doivent être une conséquence directe de l’emploi salarié aux Pays-Bas. Ils comprennent entre autres les frais de double logement et les coûts de scolarité.
Montant de l’indemnité
Le montant de l’indemnité est de 30 % de la masse salariale imposable aux Pays-Bas, majorée du montant des indemnités et prestations pour frais extraterritoriaux.
Précédemment, ce pourcentage s’élevait à 35 %. Cependant le taux marginal de l’impôt néerlandais sur les revenus des personnes physiques ayant été ramené de 60 % à 52 % à partir du 1er janvier 2001, le gouvernement a souhaité diminuer concomitamment ce pourcentage.
Précédemment, la base de calcul du pourcentage était constituée par la rémunération régulièrement perçue, de sorte que les rémunérations non régulières, telles que les gratifications, primes, participations, ne pouvaient en faire partie.
Dans le nouveau texte légal du 26 novembre 2001, cette limitation a été abrogée avec effet rétroactif au 1er janvier 2001. Désormais la base de calcul est constituée par la rémunération du présent emploi, afin que les autres formes de rémunérations y soient intégrées.
Diverses modalités de règlement de l’indemnité sont offertes à l’employeur. L’indemnité peut être réglée lors de chaque paiement, ou même après la clôture de la comptabilité salariale.
DISPOSITIONS TRANSITOIRES POUR L’APPLICATION DU NOUVEAU REGIME
Les travailleurs bénéficiant du régime des 35 % avant le 1er janvier 2001 ne doivent, bien entendu, pas introduire de nouvelle demande pour bénéficier du nouveau régime des 30 %. Considérant que l’indemnité doit être distincte de la rémunération salariale, les contrats de travail doivent être adaptés en ce sens pour le 1er juillet 2002 au plus tard.
Une autre disposition transitoire concerne le régime des pensions. Le régime des 35 % disposait que l’indemnité exonérée faisait partie de la base de calcul de la pension. Dans le nouveau régime cette inclusion a été supprimée. Pour les indemnités liquidées avant le 1er juillet 2002, il a été convenu qu’elles feraient partie de la base de calcul de la pension.
LE STATUT DE CONTRIBUABLE PARTIEL A L’ETRANGER
Les travailleurs néerlandais bénéficiant du régime des 30 % peuvent opter pour le statut de contribuable étranger partiel.
Ce choix permet d’être imposé aux Pays-Bas sur les revenus du travail et les revenus immobiliers, au même titre que des contribuables résidents. Sur les revenus d’une participation importante et les revenus d’épargne et de placements, l’imposition se fait conformément aux règles applicables aux contribuables étrangers. A défaut de ce choix, ces travailleurs seraient imposés sur leur revenu mondial, et en cas de résidence à l’étranger, comme des contribuables étrangers étant, dans ce cas, seulement imposés sur leur revenu de source néerlandaise.
Le choix d’être considéré comme contribuable étranger partiel peut se faire au plus tard à l’occasion du dépôt de la déclaration à l’impôt sur les revenus.
SOUMISSION AUX COTISATIONS SOCIALES
En ce qui concerne les cotisations sociales, il conviendra de se reporter au règlement CEE, en matière de protection sociale des travailleurs migrants pour connaître le traitement social de cette indemnité.
A titre d’exemple, en cas de détachement d’un travailleur, contribuable belge, aux Pays-Bas, l’Office National de sécurité sociale belge estime que les cotisations sociales sont dues sur l’indemnité de 30 % et ce en fonction de l’article 14 du Règlement européen 1408/71.
Cabinets FONTANEAU
Paris – Nice – Bruxelles