LES MESURES DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX A MONACO


Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 126 (Année 2001)


Comme la plupart des pays occidentaux, la Principauté de Monaco s’est dotée d’un arsenal de dispositions législatives destinées à lutter contre le « blanchiment » du produit d’une infraction commise dans le cadre d’une organisation criminelle et a fait en sorte que les organismes bancaires et financiers établis en Principauté, les changeurs, maisons de jeux et certains prestataires de services, ne puissent pas être utilisés pour recycler « l’argent sale ».

Des discussions qui ont été entreprises avec différents Etats en vue de favoriser une coopération bilatérale dans la lutte contre le blanchiment des capitaux d’origine illicite se sont déjà traduites par la signature d’une convention avec la Belgique (le 20 octobre 2000), avec l’Espagne (le 12 décembre 2000) et avec le Portugal (le 21 mars 2001).

La Principauté poursuit ses discussions avec d’autres pays, en particulier européens, pour conclure en 2001 des accords analogues. De prochains accords sont annoncés avec l’Italie, le Luxembourg et le Royaume-Uni.

Dans le même esprit, des discussions avec les Etats Unis d’Amérique ont abouti à l’agrément, par les autorités de ce pays, des règles applicables aux établissements de crédit de la place monégasque en ce qui concerne notamment les procédures d’identification des déposants et le contrôle bancaire sur l’origine de leurs fonds.

Monaco a adhéré, le 13 décembre 2000, à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée dans le cadre de la Conférence de Palerme qui s’est tenue du 11 au 15 décembre 2000.

Cette convention prévoit, en particulier, que soient sévèrement réprimés la participation à une organisation criminelle, le blanchiment des fonds, la corruption et l’entrave au fonctionnement de la Justice.

LA LOI CONTRE LE BLANCHIMENT DU PRODUIT D’UNE INFRACTION

LES SANCTIONS CONTRE LES AUTEURS DU BLANCHIMENT

La loi n° 1161 du 7 juillet 1993 prévoit que : sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende dont le maximum pourra être porté au décuple :

– quiconque aura acquis sciemment, sous quelque forme que ce soit, pour lui-même ou pour le compte d’autrui, des biens meubles ou immeubles en utilisant directement ou indirectement des biens et capitaux d’origine illicite ou aura sciemment détenu ou utilisé ces mêmes biens ;

– quiconque aura sciemment apporté son concours à toute opération de transfert, de placement, de dissimulation ou de conversion de biens et capitaux d’origine illicite ;

– quiconque aura sciemment détenu des biens et capitaux d’origine illicite, sans préjudice des dispositions relatives au recel.

L’intention délictueuse est caractérisée par l’adoption volontaire des comportements incriminés en connaissance de l’origine délictueuse des capitaux blanchis.

En cas de circonstance aggravante, la peine encourue sera de dix à vingt ans d’emprisonnement ainsi que d’une amende.

Il y a circonstance aggravante lorsque l’auteur :

– agit comme membre d’une organisation criminelle ;
– participe à d’autres activités criminelles organisées internationales ;
– assume une charge publique qui l’aide à la commission de l’infraction ;
– participe à d’autres activités illégales facilitées par la commission de l’infraction ;
– implique des personnes de moins de vingt et un ans dans la commission de l’infraction ;
– ou a été condamné par une juridiction étrangère pour une infraction de blanchiment aux conditions énoncées pour la récidive à l’article 40 du Code Pénal.

Les infractions sont constituées alors même que l’infraction génératrice des fonds blanchis a été commise à l’étranger si elle est punissable dans l’Etat où elle a été perpétrée.

La tentative des infractions précitées sera punie des mêmes peines que le délit consommé.

Il en sera de même de l’entente ou de l’association en vue de les commettre.

LES SANCTIONS CONTRE LES PERSONNES AYANT APPORTE LEUR CONCOURS AU BLANCHIMENT PAR MECONNAISSANCE DE LEURS OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES

Sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 10.000 F à 1.500.000 F, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque aura, par méconnaissance de ses obligations professionnelles, apporté son concours à toute opération de transfert, de placement, de dissimulation ou de conversion de biens et capitaux d’origine illicite.

L’infraction est constituée alors même que l’infraction génératrice des fonds blanchis a été commise à l’étranger, si elle est punissable dans l’Etat où elle a été perpétrée.

LA DEFINITION DES BIENS ET CAPITAUX D’ORIGINE ILLICITE

Est qualifié de biens et capitaux d’origine illicite le produit des infractions suivantes, lorsqu’elles sont commises dans le cadre d’une organisation criminelle :

– la contrefaçon et la mise en circulation de fausse monnaie ;
– l’usage et la contrefaçon de sceaux, poinçons, timbres et marques ;
– les soustractions commises par des dépositaires publics ;
– les concussions commises par des fonctionnaires et officiers publics ;
– la corruption de fonctionnaires ;
– l’assassinat ;
– le proxénétisme ;
– l’enlèvement et la séquestration de personnes ;
– l’extorsion de fonds ;
– le trafic d’armes et de matériel de guerre.

En ce qui concerne le produit du trafic des stupéfiants, les dispositions de la loi n° 890 du 1er juillet 1970 modifiée demeurent en vigueur.

LA CONFISCATION DES BIENS ET CAPITAUX D’ORIGINE ILLICITE

Le tribunal ordonnera la confiscation des biens et capitaux d’origine illicite. Il pourra donc ordonner la confiscation des biens meubles ou immeubles acquis en utilisant ces fonds.

Si les biens et capitaux d’origine illicite ont été mêlés à des biens légitimement acquis, ces biens pourront être confisqués à concurrence de la valeur estimée du produit qui y a été mêlé.

La confiscation pourra être prononcée sans préjudice des droits des tiers.

LA SAISIE DES BIENS EN MATIERE DE BLANCHIMENT

En matière de blanchiment, la saisie des biens pourra être ordonnée, après avis du procureur général, par décision motivée du juge d’instruction ou du tribunal qui prescrira toutes mesures d’administration utiles.

L’appel de cette décision pourra être interjeté dans les vingt-heures de sa notification aux parties dans les conditions prévues à l’article 22. L’appel n’a pas d’effet suspensif.

Lorsqu’il y a lieu, la décision sera inscrite, à la diligence du procureur général, au répertoire du commerce et de l’industrie, au registre spécial des sociétés civiles ou à la conservation des hypothèques.

En cas de non-lieu ou de relaxe, ou s’il y a mainlevée de la mesure de saisie, la décision ordonne la radiation des inscriptions effectuées.

Sous réserve des mesures d’administration, les biens saisis ne pourront faire l’objet, à peine de nullité, d’aucune constitution de droit réel ou personnel.

Les dispositions ne font pas obstacle aux pouvoirs du procureur général en matière de crimes et délits flagrants, tels qu’ils résultent de l’article 255 du Code de Procédure Pénale.

LES REGLES DE PRESCRIPTION

L’action publique résultant d’un des délits mentionnés ci-dessus est prescrite après dix années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise.

Le délai de la prescription est de vingt ans pour les peines sanctionnant les délits mentionnés ci-dessus.

LES DISPOSITIONS SPECIFIQUES REPRIMANT LE BLANCHIMENT DU PRODUIT DU TRAFIC DE STUPEFIANTS

Les dispositions de la loi du 7 juillet 1993 s’appliquent sans préjudice des dispositions prévues par la loi n° 890 du 1er juillet 1970 modifiée par la loi du 23 décembre 1992.

Cette loi punit d’un emprisonnement de 10 à 20 ans et de l’amende prévue au 4 de l’article 26 du Code Pénal, dont le maximum pourra être multiplié par vingt, quiconque aura, pour lui-même ou pour le compte d’autrui, procédé à un transfert ou à une opération financière entre la Principauté et l’étranger (ou inversement) portant sur des fonds, titres ou valeurs qu’il savait provenir du trafic de stupéfiants et quiconque aura sciemment facilité la justification mensongère de l’origine des ressources ou des biens de l’auteur de l’infraction ou aura sciemment apporté son concours à toute opération de transfert, de placement, de dissimulation ou de conversion du produit du trafic de stupéfiants.

Sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et de l’amende prévue au 4 de l’article 26 du Code Pénal dont le maximum pourra être porté au décuple ou de l’une de ces deux peines, quiconque aura, par méconnaissance de ses obligations professionnelles, apporté son concours au « blanchissement » du produit d’un trafic de stupéfiants.

Une exemption de peine est prévue pour les participants à l’infraction qui auront permis d’éviter la réalisation de l’infraction et d’identifier leurs complices.

LA LOI RELATIVE A LA PARTICIPATION DES ORGANISMES FINANCIERS
A LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX

Conformément à la déclaration de principes approuvée par le Comité de Bâle et animé par la volonté de s’associer aux travaux du Groupe d’Action Financière (GAFI), créé par les sept principaux pays industrialisés pour provoquer une réaction internationale afin de lutter contre le recyclage de « l’argent sale », Monaco a entrepris d’associer les institutions et les personnes ayant une activité financière à la lutte contre le blanchiment d’argent issu du trafic des stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles.

Dans ce but, la loi n° 1162 du 7 juillet 1993 a institué diverses obligations à la charge des établissements financiers, des commerçants changeurs manuels, des maisons de jeux et des professionnels qui réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux.

Ces obligations nombreuses et diverses sont de trois ordres : s’informer, pour certaines opérations, de l’identité du client ; informer le service compétent au sujet des capitaux dont l’origine paraît liée au trafic de stupéfiants ou à l’activité d’organisation criminelle ; conserver certains documents et les tenir à la disposition de ce service.

Le non respect de ces obligations fait généralement encourir au contrevenant l’amende prévue au chiffre 3 de l’article 26 du Code Pénal (amende de 5.000 F à 30.000 F) ou au chiffre 4 (amende de 2.500 à 15.000 F) ainsi que des sanction administratives.

LES OBLIGATIONS DES ORGANISMES FINANCIERS

LES ORGANISMES FINANCIERS SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LA LOI N° 1162 DU 7 JUILLET 1993

Les organismes visés sont :

– les personnes qui effectuent, à titre habituel, des opérations de banque ou d’intermédiation bancaire ;
– les services financiers de la Poste ;
– les entreprises d’assurances mentionnées à l’article 3 de l’ordonnance n° 4.178 du 12 décembre 1968 portant institution du contrôle de l’Etat sur les entreprises d’assurances de toute nature et de capitalisation,et tendant à l’organisation de l’industrie des assurances ;
– les sociétés de bourse ;
– les maisons de titres ;
– les commerçants changeurs manuels.

Il appartient à ces organismes de faire preuve de vigilance, d’instaurer des procédures internes de contrôle et de dispenser toute formation appropriée au personnel concerné afin de remplir les obligations ci-dessous.

Les organismes financiers consignent par écrit les mesures d’organisation interne mises en oeuvre afin d’assurer le respect des dispositions de la loi n° 1.162 du 7 juillet 1993 et de l’ordonnance subséquente.

Ces mesures concernent notamment :

– les diligences à accomplir eu égard à la nature des activités de l’organisme financier ;

– la procédure à suivre pour la déclaration de soupçon prévue aux articles 3 et 5 de la loi n° 1.162 du 7 juillet 1993, ainsi que celle de la transmission des informations utiles au dirigeant ou préposé chargé de la déclaration ;

– les modalités de conservation des informations et documents relatifs aux opérations visées aux articles 3, 5 et 13 de la loi n° 1.162 du 7 juillet 1993, de nature à en assurer la confidentialité et à en faciliter la communication dans les meilleurs délais au service institué par l’article 3 de la loi précitée ;

– le système de surveillance permettant à l’organisme financier de vérifier le respect desdites mesures d’organisation interne.

L’OBLIGATION DE DECLARATION MISE A LA CHARGE DES ORGANISMES FINANCIERS

Les organismes financiers sont tenus de déclarer, au Ministre d’Etat, toutes les sommes inscrites dans leurs livres et toutes les opérations portant sur ces sommes lorsqu’ils soupçonnent que celles-ci proviennent du trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles.

Sont également tenus d’effectuer la déclaration, les organismes financiers qui ont refusé d’exécuter une opération qu’ils soupçonnaient de porter sur des sommes provenant du trafic des stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles.

Les organismes financiers effectuant une déclaration portant sur une opération qui n’a pas encore été effectuée doivent indiquer un délai d’exécution.

Toute information recueillie postérieurement à la déclaration et susceptible d’en modifier la portée doit être communiquée au service dans les plus brefs délais.

Un service, institué par ordonnance souveraine, reçoit la déclaration, pour le compte du
Ministre d’Etat. Il s’agit du Service d’Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (SICCFIN) constitué au sein du Département des Finances et de l’Economie. Les agents affectés à ce service sont spécialement commissionnés et assermentés.

Les organismes financiers communiquent à ce service l’identité et les attributions de leurs dirigeants ou préposés chargés des relations avec ce service.

Ces personnes ont pour mission de procéder à la déclaration prévue ci-dessus et de recevoir les accusés de réception y afférents ainsi que de répondre à toute demande émanant du service précité en application de la loi.

Le service compétent accuse réception de la déclaration qui doit être écrite.

L’accusé de réception peut être assorti d’une opposition émise pendant le temps nécessaire à l’exécution de l’opération, laquelle peut être suspendue pendant un délai n’excédant pas douze heures, et qui peut être prorogé par ordonnance motivée du Président du Tribunal de Première Instance ou du juge par lui délégué.

A toute fin de sauvegarde, et sur réquisition du Procureur Général, saisi par le service, les fonds, comptes, titres ou matières concernés par la déclaration peuvent être placés sous séquestre par une ordonnance motivée du Président du Tribunal de Première Instance ou du juge par lui délégué. Le séquestre est levé selon les règles du droit commun.

L’ordonnance est exécutoire sur minute après son enregistrement, ou même avant l’accomplissement de cette formalité, si le magistrat l’ordonne exceptionnellement en raison de l’urgence.

L’organisme financier est chargé d’assurer les fonctions de gardien.

Les dirigeants ou les préposés habilités des organismes financiers, qui ont déclaré, de bonne foi, les sommes ou les opérations visées ci-dessus ne pourront pas être poursuivis sur le fondement de l’article 308 du Code Pénal qui réprime la violation du secret professionnel.

Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée, ni aucune sanction professionnelle prononcée contre un organisme financier, ses dirigeants ou ses préposés habilités, qui ont fait de bonne foi la déclaration.

Ces dispositions sont applicables même lorsque la preuve du caractère délictueux des faits ayant suscité la déclaration n’est pas rapportée ou lorsque ces faits ont fait l’objet d’une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.

Lorsque l’opération n’a pas fait l’objet de l’opposition prévue supra, et sauf concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes ou l’auteur de l’opération, les dirigeants ou les préposés des organismes financiers ne pourront être poursuivis des chefs des infractions visées par la loi n° 890 du 1er juillet 1970 sur les stupéfiants et de l’infraction de recel visée par l’article 339 du Code Pénal.

Seront punis de l’amende prévue au chiffre 2 de l’article 26 du Code Pénal (amende de 2.500 à 15.000 F), dont le maximum pourra être porté au triple, les dirigeants ou les préposés des organismes financiers qui ont :

– sciemment informé de l’existence de la déclaration le propriétaire des sommes ou l’auteur de l’une des opérations déterminées supra ;

– divulgué, en connaissance de cause, des informations sur les suites données à la déclaration.

Ces dispositions sont applicables sans préjudice des peines prévues par la loi n° 890 du 1er juillet 1970 sur les stupéfiants.

LES OBLIGATIONS DE RENSEIGNEMENTS ET DE VERIFICATIONS DES ORGANISMES FINANCIERS

La vérification d’identité avant l’ouverture d’un compte

Avant d’ouvrir un compte, les organismes financiers doivent vérifier l’identité de leur client sur la base d’un document d’identité officiel ou, à défaut, de tout document écrit probant défini par ordonnance souveraine.

La vérification de l’identité du client par les organismes financiers est effectuée sur présentation des documents suivants :

– pour une personne physique, tout document officiel portant la photographie de celle-ci ;
– pour une personne morale, l’original, l’expédition ou la copie certifiée conforme d’un acte ou extrait de registres officiels mentionnant la dénomination, la forme juridique et le siège social de celle-ci ainsi que les pouvoirs des personnes agissant en son nom.

Le renseignement sur l’identité des clients occasionnels

Les organismes financiers doivent, dans les mêmes conditions, se renseigner sur l’identité de leur clients occasionnels lorsque ceux-ci réalisent une opération portant sur une somme supérieure à 200.000 Francs ou louent un coffre. Cette disposition s’applique aux valeurs mobilières au porteur visées par l’ordonnance n° 3.086 du 25 septembre 1945 relative au dépôt des valeurs mobilières au porteur. Les organismes financiers doivent garder à la disposition du service pendant cinq ans les bordereaux visés à l’article 5 de l’ordonnance précitée.

Les organismes financiers sont tenus aux mêmes obligations pour les bons du Trésor définis à l’article 3 de l’ordonnance n° 1.105 du 25 mars 1955 concernant l’émission de bons du Trésor, et pour les bons de caisse définis par la loi n° 712 du 18 décembre 1961 réglementant l’émission par les entreprises commerciales ou industrielles de bons de caisse.

Toutes les informations relatives à l’identité et à la qualité du souscripteur doivent être portées sur un registre qui doit être conservé pendant cinq années.

La recherche de l’identité de personnes agissant par l’intermédiaire de prête-noms

Les organismes financiers sont tenus de s’assurer de l’identité des personnes au bénéfice desquelles un compte est ouvert, un coffre loué ou une opération réalisée, lorsque les personnes sollicitant les services desdits organismes sont susceptibles de ne pas agir pour leur propre compte.

Toutefois, il n’est pas fait obligation aux organismes financiers de se renseigner sur l’identité de ces personnes lorsque celles?ci sont elles-mêmes des organismes financiers soumis à la présente loi.

L’OBLIGATION DE SOUMETTRE A UN EXAMEN PARTICULIER CERTAINES OPERATIONS

Les organismes financiers sont tenus de soumettre à un examen particulier toutes les opérations portant sur des sommes dont le montant unitaire ou total est supérieur à deux millions de francs lorsque ces opérations présentent un caractère complexe et inhabituel et ne paraissent pas avoir de justification économique.

Les organismes financiers doivent notamment recueillir tous les renseignements possibles :

– d’une part, sur l’origine et la destination de ces sommes ;
– et d’autre part, sur l’objet de l’opération et sur son bénéficiaire.

Les résultats de cet examen et tous les documents relatifs à l’opération doivent être consignés par écrit et conservés par les organismes financiers dans les conditions prévues infra.

L’organisme financier établit un rapport faisant état de l’identité du donneur d’ordre et du bénéficiaire, de l’origine et de la destination des sommes ainsi que de l’objet de la transaction, du caractère complexe et inhabituel de l’opération ainsi que de l’absence de justification économique apparente, et, le cas échéant, des modalités et conditions de fonctionnement du compte.

Les résultats de cet examen et tous les documents relatifs à l’opération ne peuvent être communiqués qu’au service institué par l’article 3 de la loi n° 1.162 du 7 juillet 1993, sur sa demande.

Tout organisme financier dont le siège social est situé dans la Principauté et disposant à l’étranger d’une succursale ou d’une société filiale doit veiller à ce que celle-ci respecte ses obligations.

Toutefois, si la législation étrangère y fait obstacle, le service doit en être informé.

L’OBLIGATION DE CONSERVATION DES DOCUMENTS

Les organismes financiers doivent conserver :

– pendant cinq ans, à compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation de leurs relations avec eux, les documents justifiant de l’identité de leurs clients habituels ou occasionnels ;

– pendant cinq ans, les pièces relatives aux opérations effectuées avec tous leurs clients.

Tous les renseignements et documents relatifs aux transactions sur l’or, l’argent ou le platine tels que la nature, le nombre, le poids et le titre des matières et ouvrages d’or, d’argent ou de platine, achetés ou vendus, ainsi que les nom et adresse des personnes les ayant cédés et celles pour le compte desquelles les organismes financiers les ont achetés, doivent être inscrits sur un registre conservé pendant cinq ans.

LE DROIT DE COMMUNICATION DE L’ADMINISTRATION

Pour l’application de la présente loi, les agents du service compétent peuvent demander communication de toutes les pièces relatives à l’identité des clients et aux opérations par eux effectuées lorsque cette demande est liée à une opération ayant fait l’objet de la déclaration visée à l’article 3 ou de l’examen particulier prévu à l’article 13 de la loi.

LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES

En cas de méconnaissance par un organisme financier des obligations imposées, le Ministre d’Etat peut prononcer l’une des sanctions suivantes :

– l’avertissement ;
– le blâme ;
– l’interdiction d’effectuer certaines opérations ;
– le retrait de l’autorisation.

Préalablement à toute décision, l’intéressé doit être informé, par écrit, des griefs formulés à son encontre et entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir. Les explications sont consignées dans un rapport signé par l’intéressé.

LES OBLIGATIONS DES PERSONNES QUI REALISENT, CONTROLENT OU CONSEILLENT DES OPERATIONS ENTRAINANT DES MOUVEMENTS DE CAPITAUX

Sont également soumises aux dispositions de la loi, les personnes qui, dans l’exercice de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, à l’exception des avocats ayant acquis, dans l’exercice de la défense, des informations relatives à ces opérations.

L’Ordonnance Souveraine n° 14.466 du 22 avril 2000 portant application de la loi n° 1162 du 7 juillet 1993, relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux, est venue préciser que :

« Outre les organismes financiers visés à l’article premier et les personnes citées aux articles 19 et 25 de la loi n° 1.162 du 7 juillet 1993 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, susvisée, sont notamment soumis aux dispositions de ladite loi en application de son article 2 :

– les commissaires aux comptes, experts-comptables, comptables et syndics de faillite ;
– les conseils juridiques et financiers ;
– les agents d’affaires et marchands de biens ;
– les agents immobiliers ;
– les transporteurs de fonds ;
– les commerçants et les personnes organisant la vente de pierres précieuses, matériaux précieux, d’antiquités, d’Å“uvres d’art et autres objets de grande valeur ;
– les personnes effectuant des opérations de gestion et de contrôle de sociétés étrangères ;
– les personnes se livrant à des activités de placement et de transfert de capitaux pour le compte d’autrui ;
– les avocats, sauf dans le cas où ils auraient acquis les informations relatives aux opérations entraînant des mouvements de capitaux dans l’exercice de la défense.

Cette dernière disposition vient toutefois d’être annulée par le Tribunal Suprême de la Principauté, qui avait été saisi d’un recours en annulation par l’Ordre des Avocats, comme contraire à la Constitution.

La Haute Juridiction a, en effet, estimé que par son imprécision, cette disposition pourrait porter atteinte au secret professionnel des Avocats qui constitue un principe fondamental garanti par tous les Etats de Droit. Les nécessités de la lutte contre le blanchiment de capitaux, à laquelle des Avocats de la Principauté sont sensibles comme tous leurs confrères européens, ne sauraient donc justifier une atteinte à ce principe fondamental du Droit , garanti par la Constitution monégasque.

Il faut d’ailleurs noter qu’une disposition analogue qui figurerait dans un projet de loi français a dû être amendée devant la protestation du Barreau français et la crainte de son caractère anticonstitutionnel. De même, le Parlement Européen a reconnu que les nécessités de la lutte contre le blanchiment des capitaux d’origine illicite ne devaient pas entraîner une atteinte au secret professionnel de l’Avocat .

Ces personnes doivent déclarer au Ministre d’Etat toutes les opérations dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes dont elles soupçonnent qu’elles proviennent du trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles.

Les personnes exerçant la profession d’auxiliaire de justice et de notaire doivent faire la déclaration au Procureur Général.

La déclaration est écrite. Il en est accusé réception.

Toute information recueillie postérieurement à la déclaration et susceptible d’en modifier la portée doit être communiquée dans les plus brefs délais.

Lorsqu’elles ont fait de bonne foi une déclaration, et sauf concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes ou l’auteur de l’infraction, ces personnes bénéficient des dispositions de l’article 7 de la loi et ne pourront être poursuivies des chefs des infractions visées par la loi n° 890 du 1er juillet 1970 sur les stupéfiants et de l’infraction de recel prévue par l’article 339 du Code Pénal. Elles sont tenues de respecter les obligations prévues à l’article 8 de la loi sous peine d’encourir les sanctions prévues à cet article.

LES OBLIGATIONS DES MAISONS DE JEUX

Les maisons de jeux visées par la loi n° 1.103 du 12 juin 1987 relative aux jeux de hasard doivent déclarer au Ministre d’Etat toutes les opérations dont elles ont connaissance, matérialisées par tout moyen de paiement, des jetons ou des plaques, et qui portent sur des sommes dont elles soupçonnent qu’elles proviennent du trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles.

Les maisons de jeux susvisées communiquent au service compétent l’identité et les attributions des dirigeants ou préposés chargés des relations avec ce service. Ces personnes ont pour mission de procéder à la déclaration susvisée et de recevoir les accusés de réception y afférents ainsi que de répondre à toute demande émanant de ce service en application de la loi.

LES DISPOSITIONS PARTICULIERES POUR LES COMMERÇANTS CHANGEURS MANUELS

Ces dispositions s’appliquent aux personnes qui effectuent à titre habituel et professionnel des opérations de change manuel à l’exception des établissements de crédit des maisons de titres et sociétés de bourse.

Elles doivent consigner toutes les transactions supérieures à un montant de 200.000 Francs sur un registre qui est conservé pendant une durée de cinq années.

Les opérations de change manuel d’un montant supérieur à 200.000 Francs sont inscrites, sans délai, sur un bordereau dont un exemplaire est remis au client et un autre conservé par le changeur manuel. Ce bordereau indique la nature de l’opération, la ou les devises concernées, les sommes changées et les cours pratiqués.

Les indications contenues sur ces bordereaux sont transcrites quotidiennement sur le registre prévu à l’article 20 de la loi n° 1.162 du 7 juillet 1993.

En cas de méconnaissance des prescriptions de la présente loi, le Ministre d’Etat peut prononcer une des sanctions ci-après :

– avertissement ;
– blâme ;
– interdiction d’exercer la profession de changeur manuel.

Préalablement à toute décision, l’intéressé doit être informé des griefs formulés à son encontre et entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir.

L’exercice de la profession de changeur manuel est interdit à toute personne ayant été condamnée pour avoir commis :

– un crime ;
– une des infractions prévues aux articles 91, 94, 95, 118, 119, 330, 331, 335 et 361 du Code Pénal ;
– un vol, une escroquerie ou un abus de confiance ;
– une des infractions visées au paragraphe VI de la section II du chapitre II du Titre II du Code Pénal relatif aux lois et règlement sur les jeux de hasard, les loteries, les prêts sur gages ou usuraires ;
– une soustraction, une extorsion de fonds ou valeurs, une banqueroute, une atteinte au crédit de l’Etat ou une infraction à la législation sur les changes lorsque les personnes ayant commis ces infractions sont des dépositaires publics ;
– une des infractions aux lois et règlements sur les sociétés commerciales ;
– un recel des choses procurées par ces infractions ;
– une des infractions mentionnées par la loi n° 890 du 1er juillet 1970 sur les stupéfiants.

L’exercice de la profession de changeur manuel est également interdit à toute personne contre laquelle a été prononcée une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction prévue à l’article 576 du Code de commerce, ou une mesure de destitution des fonctions d’officier ministériel en vertu d’une décision judiciaire.

Sans préjudice de l’application des dispositions ci-dessus, quiconque enfreint les prescriptions définies supra est, en outre, puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans.

LES POUVOIRS DU SERVICE CHARGE DE L’APPLICATION DE LA LOI ET LA COOPERATION INTERNATIONALE

Le contrôle de l’application de la loi n° 1.162 et des mesures prises pour son exécution est exercé par les agents du service institué par cette loi spécialement commissionnés par le Ministre d’Etat.

Ces agents disposent de pouvoirs identiques à ceux conférés aux agents commissionnés et assermentés du service des enquêtes économiques et financières par les articles 18 et 19 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l’exercice de certaines activités économiques et juridiques.

Lorsqu’ils constatent des faits susceptibles de relever du trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles, les agents du service établissent un procès-verbal qu’ils transmettent au Ministre d’Etat.

Les renseignements recueillis par les agents, commissionnés et assermentés à cet effet, ne peuvent être utilisés par ceux-ci à d’autres fins que celles prévues par la loi n° 1.162 sous peine de l’application des sanctions prévues à l’article 308 du Code Pénal.

Toutefois, le service précité peut communiquer les renseignements recueillis au Procureur Général lorsque ceux-ci portent sur des faits relevant du trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles donnant lieu à une poursuite judiciaire. Il peut également recevoir du Procureur Général toutes informations utiles.

Quiconque met ou tente de mettre obstacle au contrôle est puni d’un emprisonnement de un mois à six mois et de l’amende prévue au chiffre 2° de l’article 26 du Code Pénal ou de l’une de ces deux peines seulement.

Le service prévu par l’article 3 dispose des mêmes pouvoirs d’investigation auprès des personnes visées à l’article 2, à l’exception de celles exerçant la profession d’auxiliaire de justice ou de notaire.

Sous réserve de réciprocité, et à condition qu’aucune procédure pénale ne soit déjà engagée dans la Principauté sur la base des mêmes faits, le Ministre d’Etat peut communiquer aux autorités étrangères compétentes les informations relatives à des opérations paraissant avoir un lien avec le trafic de stupéfiants ou l’activité d’organisations criminelles.

Aucune information n’est communiquée si ces autorités ne sont pas soumises aux mêmes obligations de secret professionnel que les agents du service.

Cabinets FONTANEAU
Paris – Nice – Bruxelles

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