LA T.V.A. COMMUNAUTAIRE : LES PRINCIPES


Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 128 (Année 2001)


En droit communautaire, la TVA est le seul impôt réellement harmonisé.

La législation est donc importante et abondante dans cette matière.

Les textes, qu’ils se présentent sous la forme de directives ou de décisions du Conseil, ont permis la mise en place d’un processus d’harmonisation et de simplification du fonctionnement de la TVA.

Depuis le 1er janvier 1993, le régime dit transitoire a supprimé les formalités fiscales lors du passage des frontières et dans les relations intra-communautaires.

Cependant, même si les principes généraux sont bien souvent identiques, il demeure encore des différences au niveau des états membres.

 

INTRODUCTION

 

L’établissement d’un marché commun entre les Etats de la Communauté Européenne qui ont signé le Traité de Rome le 25 mars 1957 avait pour but la création de conditions équivalentes à celles d’un marché intérieur unique où le jeu de la libre concurrence pourrait s’établir.

C’est dans cette nouvelle communauté d’intérêts que les Etats membres vont chercher à promouvoir un développement harmonieux des activités économiques, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue et un relèvement accéléré du niveau de vie.

La réalisation de ces objectifs exige une concertation très étroite au niveau des décisions, mais également une coordination de tout un ensemble de politiques dont la rentabilité n’avait été évaluée jusqu’alors qu’en fonction des intérêts nationaux.

La fiscalité, si elle dépend largement des structures économiques de chacun des Etats, n’en exerce pas moins une influence profonde sur celles-ci.

Les conceptions modernes des finances publiques accordent, d’ailleurs, une place de plus en plus importante à la fiscalité, non seulement comme moyen de régulariser les fluctuations économiques mais aussi comme instrument de transformation des structures.

Dans ces conditions, les auteurs du Traité de Rome ne pouvaient se désintéresser des législations fiscales des Etats signataires. En effet, si la fiscalité ne constitue qu’un des éléments de l’activité économique, elle affecte tous les autres et concourt à établir un certain équilibre au niveau de chacun des Etats et entre ceux-ci.

L’abolition des obstacles à la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux, la coordination des politiques économiques des Etats, l’établissement d’une concurrence sans entrave passent par l’élaboration de législations, et notamment de législations fiscales conçues en fonction de l’intégration européenne.

Le Traité de Rome consacre un chapitre spécial à l’harmonisation des fiscalités :

– Suppression des discriminations d’ordre fiscal (articles 90 et 91 ex articles 95 et 96).
– Harmonisation des impôts indirects (article 93 ex article 99)
– Rapprochement des impôts directs dans le cadre plus vaste d’un rapprochement des législations (articles 94 à 96).

Ce rapprochement des législations ne pouvait s’opérer que de façon progressive. Des modifications trop brusques risquaient de créer des difficultés économiques et sociales insupportables. D’autre part, une perspective uniquement à long terme pouvait décourager les meilleures volontés. Dans cet esprit, le Traité de Rome contient des éléments de solution pour une évolution cohérente des droits fiscaux nationaux vers une législation communautaire.

Les travaux se rapportant aux traités instituant ou encadrant la CE se sont succédés sans qu’une action nouvelle dans ces traités ait été envisagée. Aussi, la règle de l’unanimité est-elle toujours de mise pour l’adoption des mesures en matière de fiscalité indirecte. Ni le traité de Maastricht, ni le traité d’Amsterdam, ni récemment le traité de Nice n’y ont dérogé en adoptant, comme on l’aurait souhaité, la règle de la majorité qualifiée.

L’action communautaire en matière de fiscalité indirecte trouve bien son fondement dans le Traité CE qui interdit d’une part les discriminations et le protectionnisme fiscal (articles 90 et 91) et annonce, d’autre part, l’action d’harmonisation (article 93).

Néanmoins, la mise en Å“uvre de cette action est assurée par des textes dont la nature est plus adaptée pour garantir une méthode flexible d’harmonisation. Les directives communautaires sont des textes qui sont obligatoires quant aux buts à atteindre tout en laissant aux Etats la faculté de recourir aux moyens appropriés pour aboutir aux objectifs annoncés.

 

L’HARMONISATION DES IMPOTS INDIRECTS

 

L’intérêt particulier que les auteurs du Traité de Rome ont accordé aux impôts indirects (article 93) s’explique de multiples façons.

Tout d’abord, les taxes sur les chiffres d’affaires et les accises appartiennent à la catégorie d’impôts qui se répercutent intégralement et directement sur le consommateur.
Elles exercent ainsi une influence immédiate et sensible sur les prix et par conséquent sont, plus que d’autres, susceptibles d’influencer la concurrence à l’intérieur de la C.E.

En 1959, les impôts sur la dépense occupaient une place importante dans les six pays : taxes en cascade avec effet cumulatif, taxe unique spéciale établie sur un produit ou un groupe de produits, taxe unique générale atteignant la quasi-totalité des produits.

Les inconvénients de ces systèmes devenant de plus en plus nombreux, plusieurs gouvernements envisageaient une réforme de leur fiscalité indirecte.

Ainsi, la réforme et l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires devint un objectif prioritaire dans la perspective des Etats membres et dans l’intérêt de la Communauté.

Un rapport du Comité fiscal et financier (Comité Neumark)(1) montre qu’il existe de nombreux systèmes de taxe sur le chiffre d’affaires qui pouvaient répondre plus ou moins bien aux objectifs du Traité de Rome.

Deux cependant, ont été exclus a priori : la taxe en cascade et la taxe unique perçue au stade du détail.

A la première, on reprochait de provoquer à l’intérieur des économies nationales des distorsions entre les entreprises et de favoriser la concentration pour des motifs purement fiscaux. Dans le cadre de la Communauté elle aurait faussé les échanges en ne permettant pas un calcul exact des droits compensatoires à l’importation et des ristournes à l’exportation.

La taxe unique au stade du détail, malgré ses avantages au niveau des échanges internationaux, ne constituait pas une solution acceptable, l’importance des taxes sur le chiffre d’affaires dans les structures fiscales des pays de la C.E. impliquant l’adoption de taux trop élevés. Par ailleurs, la perception de cette taxe aurait été rendue aléatoire par le fait qu’un grand nombre de petits commerçants ne disposent pas d’une comptabilité suffisante.

Selon le rapport Neumark, seule la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A.) pouvait apporter une solution satisfaisante aux problèmes qui se posaient à chaque étape de l’intégration économique. La T.V.A. permet de combiner les avantages de la taxe unique (charges égales pour tous les produits similaires, absence d’incitation à l’intégration) avec ceux de la taxe en cascade (répartition de la charge aux différents stades de son champ d’application, rendement élevé).

La T.V.A. est une taxe sur le chiffre d’affaires calculée sur la valeur ajoutée à chaque stade. Elle se distingue de la taxe à la production à paiement fractionné par l’extension de la déduction à tous les coûts de fabrication : matières premières et biens assimilés, immobilisations, frais généraux, prestations de services. Le régime permet ainsi une plus grande neutralité et écarte tout cumul d’impôt.

Le 11 avril 1967, le Conseil de la Communauté Européenne a adopté deux directives préconisant l’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffres d’affaires(2).

La première directive européenne en date du 11 avril 1967 fixe les principes généraux de la TVA et définit celle-ci dans son article 2 comme un impôt général sur la consommation applicable aux biens et aux services.

C’est un impôt qui est exactement proportionnel au prix des produits et ce quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

La taxe est applicable jusqu’au stade du commerce de détail inclus. La TVA est ainsi supportée par le consommateur final et toutes les autres personnes intervenant antérieurement se présentent ainsi comme des collecteurs d’impôt.

Le nombre des transactions, dès lors, importe peu puisque, en vertu du mécanisme de déduction qui constitue le cÅ“ur du système, l’exigibilité de la TVA pour un opérateur économique ne peut avoir lieu qu’après déduction du montant de la TVA qui a grevé directement le coût des différents éléments constitutifs du prix.

En présentant ces caractéristiques communes, la 1ère directive TVA instaure ainsi une nouvelle taxe pour les Etats de la CE qui n’en connaissaient pas ou alors qui appliquaient à la consommation une autre taxe que la TVA.

Une des conséquences les plus urgentes qui en découlaient consistait à interdire l’application de taxes sur le chiffre d’affaires autres que la TVA(1) qui seraient susceptibles de fausser la généralisation du système.

Les considérants de la première directive constatent que l’harmonisation par étapes des taxes sur le chiffre d’affaires ne peut se faire que par l’élimination des systèmes de taxes cumulatives en cascade et l’adoption par tous les Etats membres d’un système commun de taxes sur la valeur ajoutée englobant, en principe, tous les stades de la production et de la commercialisation ainsi que le domaine des prestations de services.

La deuxième directive du Conseil de la Communauté développe sur le plan de la technique fiscale, les principes généraux posés par la première. Elle définit sur le plan communautaire, le champ d’application de la T.V.A., la base d’imposition, les taux, les exonérations, le régime des déductions, les obligations des redevables, etc.

Une troisième directive du 9 décembre 1969 a reporté à la demande de la Belgique, la date du 1er janvier 1970 prévue pour l’introduction de la T.V.A. par les Etats membres au 1er janvier 1972.

Les quatrième et cinquième directives ont différé la date d’entrée en vigueur de la T.V.A. au 1er janvier 1973 à la demande de l’Italie.

Le 17 mai 1977, le Conseil de la C.E.E. a adopté une sixième directive(2). Après avoir constaté que, conformément à la première et à la deuxième directive, tous les Etats membres ont adopté la T.V.A., le Conseil envisage dans cette directive la suite du processus qui doit conduire à long terme à l’abolition des frontières fiscales.

 

LE SYSTEME GENERAL COMMUNAUTAIRE DE LA T.V.A. :
LA DEUXIEME DIRECTIVE

 
L’article 1er de la deuxième directive précise que les Etats constituent un système commun de T.V.A. dont les structures et les modalités sont établies selon les dispositions de cette directive et de ses annexes. La T.V.A. est donc communautaire dans son principe et plus ou moins nationale dans ses modalités selon la rédaction de la directive sur tel ou tel point.

LE CHAMP D’APPLICATION

LES OPERATIONS IMPOSABLES

L’article 2 soumet à la T.V.A. les livraisons de biens, les prestations de services et les importations de biens.

Pour les livraisons de biens, le fait générateur de la taxe se situe au moment où la livraison est effectuée. Cependant, lorsque le contrat donne lieu au versement d’acompte avant la livraison, les législations nationales ont la possibilité de prévoir que la délivrance de la facture ou l’encaissement de l’acompte facturé ou encaissé (article 5) constitue le fait générateur.

Pour les prestations de services, la prestation elle-même constitue le fait générateur.

Cependant, lorsque le service est rendu pendant une période longue ou indéterminée ou entraîne le versement d’acompte, le fait générateur peut être le moment de l’encaissement de l’acompte et ce, jusqu’à concurrence du montant facturé ou encaissé (article 6).

En application du principe du pays de destination, les importations sont soumises à la T.V.A. (article 2). Il faut toutefois remarquer que la directive ne vise que les biens à l’exclusion des prestations de services.

L’entrée d’un bien à l’intérieur d’un pays membre constitue une importation et par là même le fait générateur (article 7). Toutes les importations sont passibles de la T.V.A. quelle que soit la qualité de la personne qui réalise l’opération.

LA TERRITORIALITE

Chaque Etat membre ne peut imposer que les livraisons et prestations effectuées à l’intérieur du pays c’est-à-dire le territoire national et les eaux territoriales (article 3).

LES PERSONNES IMPOSABLES

La directive introduit pour les livraisons de biens et les prestations de services, la notion d’assujetti : quiconque accomplit d’une façon indépendante et à titre habituel des opérations relevant des activités de producteur, commerçant ou de prestation de services, que ce soit ou non dans un but lucratif (article 4).

LES EXONERATIONS

Les considérants de la première et de la deuxième directive insistent sur la nécessité de conférer à la T.V.A. un caractère aussi général que possible. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que la seconde directive limite les exonérations au maximum (article 10). Elle ne prévoit spécifiquement que deux exonérations, d’ailleurs essentielles, au système commun fondé sur le principe du pays de destination : les exportations de biens et les prestations de services afférentes.

La directive a laissé aux Etats membres le soin de déterminer les autres exonérations rendues nécessaires par les conditions économiques et sociales propres à chacun.

L’ASSIETTE

La base d’imposition est la contre-valeur de la livraison du bien ou de la prestation de services, tous frais et taxes compris à l’exception de la T.V.A. elle-même (article 8).

Le prix d’achat de biens similaires ou le coût de revient constitue la base d’imposition pour les consommations propres et les livraisons à soi-même.

En matière d’importation, il faut considérer la valeur en douane majorée de tous les prélèvements à l’exception de la T.V.A. elle-même.

LES TAUX

Chaque Etat établit, en fonction des ressources qu’il entend retirer de l’impôt sur la consommation, le taux normal de la T.V.A. (article 9). Ce taux sera le même pour les livraisons de biens et les prestations de services.

La directive a par ailleurs, prévu que les Etats pourraient pour des considérations sociales ou politiques, adopter des taux réduits (les taux majorés étant supprimés). Ces derniers doivent être fixés de façon telle qu’ils permettent la déduction de la totalité de la taxe payée en amont, dont la déduction est autorisée.

Ce principe est destiné à éviter le phénomène du « butoir ».

LE MECANISME DES DEDUCTIONS

Le régime des déductions constitue l’élément essentiel du système commun de la T.V.A. C’est en effet, uniquement par déduction qu’apparaît la valeur ajoutée, assiette réelle, et que peut être calculé le montant de la taxe à payer. La seconde directive prévoit que l’assujetti peut déduire de la taxe qu’il perçoit sur son chiffre d’affaires, la T.V.A. acquittée sur les biens qui lui sont livrés, les services rendus, les importations et les livraisons à soi-même (article 11).

Ce principe comporte une restriction. La T.V.A. n’est déductible que si les produits et les services qu’elle grève ont été affectés à la réalisation d’opérations taxables ou d’exportations.

La T.V.A. est déductible immédiatement, c’est-à-dire que les taxes payées sont déductibles dans la période au cours de laquelle elles ont été facturées pour les livraisons de biens et prestations de services ou acquittées pour les importations et les livraisons à soi-même (article 11). Les directives communautaires n’ont pas repris la règle du décalage du mois de la législation française.

La déduction de la T.V.A. n’est autorisée que lorsque les biens et services acquis servent à la fabrication de produits eux-mêmes soumis à la T.V.A. Il est cependant inévitable que certains biens ou services servent à la fois à la production de biens taxables et à d’autres qui ne le sont pas. Dans ces conditions, la déduction n’est admise qu’au prorata des premiers dans la production totale. En principe, le prorata se calcule sur l’ensemble des opérations de l’assujetti. Il est cependant possible d’obtenir l’autorisation d’établir des prorata spéciaux pour différents secteurs de l’entreprise (article 11).

LES REGIMES PARTICULIERS

L’harmonisation fiscale exerce une influence certaine sur les structures économiques et sociales. Inversement, celles-ci facilitent ou freinent le rapprochement des législations.

Ces influences réciproques, sources de la complexité et du caractère évolutif de l’harmonisation, expliquent les régimes particuliers consentis aux petites entreprises et aux opérations agricoles.

Les petites entreprises des Etats membres n’ayant pas atteint un degré suffisant d’homogénéité pour qu’il soit possible de les soumettre dans chaque pays au régime normal ou à un régime spécial commun, chaque pays conserve donc la liberté d’adopter le régime particulier qui s’adapte le mieux aux conditions nationales (article 14).

Pour tenir compte de la diversité du monde agricole, la deuxième directive autorise les Etats membres à appliquer un régime spécial mieux adapté aux exploitants agricoles pour lesquels l’assujettissement au régime normal se heurterait à des difficultés (article 15).

LES OBLIGATIONS DES ASSUJETTIS

La complexité de la T.V.A. impose des mesures de contrôle strictes. Son application oblige les assujettis à tenir une comptabilité suffisamment détaillée pour leur permettre de calculer l’impôt qu’ils doivent et au fisc de vérifier l’exactitude de leur déclaration (article 12).

Toutes les transactions entre assujettis doivent être constatées par des factures. A la fin de chaque mois, elles servent au calcul des taxes qui seront déductibles et à la préparation de la déclaration mensuelle. Le dépôt de celle-ci doit être accompagné du paiement de la taxe.

L’UNIFORMISATION DE L’ASSIETTE : LA SIXIEME DIRECTIVE

Par décision du 21 avril 1970, le Conseil des Ministres des Communautés a prévu le remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés. Parmi ces dernières figurent « celles provenant de la T.V.A. et obtenues par application d’un taux à une assiette déterminée de manière uniforme par les Etats membres selon les règles communautaires ».

Dans cette perspective, le Conseil a adopté une sixième directive qui fait apparaître plusieurs différences par rapport à la deuxième directive. L’article 1er prévoit que les dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant la T.V.A. dans chaque pays doivent être adaptées aux normes de la directive au plus tard le 1er janvier 1978. Seule la Belgique s’est conformée à cette obligation, et la date limite a été repoussée au 1er janvier 1979. Cependant les lois d’harmonisation ne sont entrées en vigueur que le 1er mars en Irlande, le 1er avril en Italie et même le 1er janvier 1980 seulement en Allemagne et au Luxembourg.


LE CHAMP D’APPLICATION

LES OPERATIONS IMPOSABLES

Pour la définition des opérations imposables, la sixième directive reprend, pour l’essentiel, les règles contenues dans la deuxième directive et dans les lois nationales (article 2). C’est ainsi que la taxe s’applique aux livraisons de biens et prestations de services et aux importations de biens.

LES PERSONNES IMPOSABLES

Comme pour les opérations imposables, la sixième directive reprend pour définir la notion d’assujetti, les mêmes termes que ceux de la deuxième directive. Mais en plus, elle en précise le sens et la portée (article 4).

La qualité d’assujetti, comme précédemment, est déterminée à partir de deux éléments : l’indépendance et la nature de l’activité. Le texte de la sixième directive précise en outre que les activités économiques visées sont les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. De même, les entreprises publiques sont considérées comme des assujettis pour leurs activités économiques, dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence.

Enfin, les personnes qui effectuent des opérations imposables à titre occasionnel sont également visées par le texte, notamment dans le cas de livraison d’un bâtiment ou d’un terrain à bâtir (article 4 – 3).

LA TERRITORIALITE

C’est dans ce domaine qu’apparaît le changement le plus important : le critère de localisation des prestations de services est opposé à celui qui avait été retenu dans la deuxième directive, il impose les services selon leur origine et non selon leur lieu d’utilisation.

« Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle » (article 9 – 1).

Toutefois, ce principe posé, la sixième directive prévoit immédiatement plusieurs exceptions et notamment (article 9 – 2) :

– pour les prestations qui se rattachent à un bien immeuble, le lieu est l’endroit où le bien est situé ;
– pour les prestations de transport, le lieu est l’endroit où s’effectue le transport en fonction des distances parcourues.

LES EXONERATIONS

Dans ce domaine, la sixième directive n’a pas innové (articles 13 à 16).

Elle a simplement cherché à établir des règles uniformes qui recouvrent les principes retenus dans les législations nationales.

L’ASSIETTE

La sixième directive apporte plus de précisions dans la définition de la contre-valeur qui constitue la base d’imposition.

Celle-ci est représentée « pour les livraisons de biens et les prestations de services par la contre-partie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire de la part de l’acheteur ou du preneur ou d’un tiers y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations » (article 11).

Compte tenu de la définition de la contre-valeur c’est-à-dire tout ce qui doit être fourni par le bénéficiaire de l’opération, l’assiette inclut les impôts, droits, prélèvements et taxes (sauf la T.V.A. elle-même) ainsi que les frais accessoires tels que les frais de commission, d’emballage, de transport et d’assurance, même si, entre les parties, ces frais accessoires font l’objet d’une convention séparée. Les escomptes pour paiement anticipé, les rabais et ristournes consentis lors de la réalisation de l’opération sont exclus de la base d’imposition.

La base d’imposition des livraisons à soi-même est constituée par le prix d’achat ou de revient, sauf en ce qui concerne les services qui sont retenus pour leur valeur normale.

LES TAUX

La sixième directive n’apporte aucune nouveauté pour les taux.

LE MECANISME DES DEDUCTIONS

La deuxième directive posait les principes du mécanisme des déductions.

La sixième directive complète et uniformise ces principes sans apporter de modifications majeures.

Elle réaffirme le principe selon lequel le droit à déduction est accordé à tout assujetti dans la mesure toutefois où il n’agit pas en tant que consommateur final. De même, est confirmé le principe de globalisation de la déduction, c’est-à-dire la déductibilité immédiate et totale de la taxe sur investissements et sur achats.

La sixième directive reprend dans son ensemble les dispositions de la deuxième directive en ce qui concerne la limitation du droit à déduction. Elle apporte cependant deux précisions concernant les assujettis partiels :

– pour le calcul du prorata, la directive retient le chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue,
– le prorata provisoire est, en principe, calculé d’après les opérations de l’année précédente, mais d’autres critères peuvent être retenus.

La fixation du prorata définitif au début de l’année suivante entraîne une régularisation des déductions.

LES REGIMES PARTICULIERS

La sixième directive confirme la possibilité pour les Etats membres d’adopter pour les petites entreprises des modalités simplifiées d’imposition et de perception de la taxe, notamment des régimes de forfait, sans qu’il puisse en résulter un allégement de l’impôt (article 24).

La sixième directive confirme à tous les agriculteurs, la qualité d’assujetti. Toutefois, si l’assujettissement au régime normal ou simplifié de la T.V.A. se heurtait à des difficultés, il est laissé la possibilité aux Etats membres d’appliquer un régime forfaitaire tendant à compenser la charge de la T.V.A. payée sur les achats de biens et services (article 25).

Les taux du remboursement forfaitaire devraient normalement varier en fonction des données macro-économiques des trois dernières années.

LES OBLIGATIONS DES ASSUJETTIS

La sixième directive se contente d’apporter des précisions sur les obligations des assujettis sans modifier les principes définis dans la deuxième directive.

LA SIXIEME DIRECTIVE MODIFIEE ET LA PERIODE TRANSITOIRE

L’objectif de la Sixième directive TVA(1), comme son intitulé l’indique, est de parvenir à une assiette uniforme à laquelle des taux harmonisés s’appliqueront. L’ambition de cet objectif fût telle que sa concrétisation s’est révélée avec le temps assez difficilement réalisable.

Aujourd’hui, près d’une vingtaine d’actes, essentiellement des directives(2), modifient le texte de base (la 6e directive) sans qu’un régime définitif de TVA ne soit toujours adopté(3).

L’objectif est de parvenir à la suppression des frontières et des contrôles fiscaux aux frontières intérieures pour toute opération effectuée entre les Etats membres dans le cadre d’un marché communautaire intérieur ayant les mêmes caractéristiques que celui d’un seul Etat.

La communauté considère que la réalisation d’un tel marché à un niveau aussi souhaité d’harmonisation des taux et de l’assiette, ne peut avoir lieu que par le passage, « pour une durée limitée », par une période transitoire, qui est toujours prorogée.

La directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l’abolition des frontières fiscales, la directive 77/388/CEE, précise les termes du régime transitoire et le passage au régime définitif.

La réalisation du marché intérieur suppose l’élimination des frontières fiscales entre les États membres. A cet effet, la directive 91/680/CEE considère qu’il convient de supprimer définitivement les taxations à l’importation et les détaxations à l’exportation pour les échanges entre les États membres.

Dès le 1er janvier 1993, sont ainsi définitivement abolis les contrôles à des fins fiscales aux frontières intérieures pour toute opération effectuée entre États membres.

Les taxations à l’importation et les détaxations à l’exportation doivent, en conséquence, être réservées aux opérations effectuées avec des territoires exclus du champ d’application du régime commun de la taxe sur la valeur ajoutée.

La réalisation de l’objectif visé à l’article 4 (1) de la première directive du Conseil telle que modifiée par la sixième directive 77/388/CEE, suppose que la taxation des échanges entre États membres repose sur le principe de l’imposition dans l’État membre d’origine des biens livrés et des services rendus.

Toutefois, la détermination des modalités définitives, par lesquelles sera assurée la réalisation des objectifs du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée pour les livraisons de biens et les prestations de services effectuées entre États membres, suppose la réunion de conditions qui n’ont pas pu être totalement satisfaites dès le 31 décembre 1992.

Les instances de la Communauté avaient, dès lors, aménagé, depuis le 1er janvier 1993 et pour une durée qui est sensée être limitée, une période transitoire au cours de laquelle avaient été mises en Å“uvre des dispositions destinées à faciliter le passage au régime définitif de taxation des échanges entre les États membres. Ceci était considéré comme « l’objectif à atteindre à moyen terme ».

Il semble donc assez difficile d’admettre qu’un régime définitif de TVA puisse être adopté en respectant le calendrier prévu.

Pendant cette période transitoire, il avait été retenu de taxer dans les États membres de destination, aux taux et conditions de ces États membres, les opérations intracommunautaires effectuées par des assujettis autres que les assujettis exonérés(2).

Selon la directive 91/680/CEE du Conseil, « la période transitoire de taxation des échanges intracommunautaires doit être mise à profit pour prendre les mesures nécessaires pour pallier à la fois les répercussions sociales dans les secteurs concernés et les difficultés régionales, notamment dans les régions frontalières ». Ces difficultés sont susceptibles de naître du fait de la suppression des taxations à l’importation et des détaxations à l’exportation pour les échanges entre les États membres.

Il avait donc été prévu que ce régime transitoire entrât en vigueur pour une période d’une durée de quatre ans et qu’il soit, par conséquent, applicable jusqu’au 31 décembre 1996.

Il devrait être remplacé par un régime définitif de taxation des échanges entre les États membres qui repose sur le principe de l’imposition dans l’État membre d’origine des biens livrés et des services rendus afin que soit mis en Å“uvre l’objectif visé à l’article 4 de la première directive (c’est-à-dire la suppression des taxations à l’importation et des détaxations à l’exportation pour les échanges entre les États membres, « en garantissant la neutralité de ces taxes quant à l’origine des biens et des prestations de services »).

A cette fin, la Commission avait prévu de présenter au Conseil, avant le 31 décembre 1994, un rapport sur le fonctionnement du régime transitoire, accompagné de propositions sur les modalités du régime définitif de taxation des échanges entre États membres.

Le rapport en question (COM(94) 515 ) avait été adopté par la Commission le 23 novembre 1994. Dans ce rapport, présenté au titre de la sixième directive TVA, la Commission avait développé des éléments d’analyse et de conclusion sur le fonctionnement du régime transitoire de taxation des échanges entre les Etats membres.

Dans ce rapport, elle dressait, globalement, un bilan positif des mesures mises en place au 1er janvier 1993 par le régime transitoire, pour assurer notamment le paiement de la TVA dans le pays d’arrivée du bien en ce qui concerne les échanges commerciaux entre entreprises, dans le cadre de la suppression effective des contrôles imposés à des fins fiscales au franchissement des frontières intérieures de la Communauté.

La Commission estime que le régime transitoire a atteint certains objectifs en permettant de supprimer la majeure partie des obstacles à la libre circulation des marchandises dans le marché intérieur et que, d’une manière générale, les nouveaux mécanismes mis en place ont été bien acceptés.

La grande majorité des entreprises estime en particulier avoir bénéficié de réductions substantielles de coût, parmi lesquelles la réduction des coûts de transport due à une diminution de leur durée (2 jours minimum en moins par opération).

Certains mécanismes se sont toutefois révélés complexes pour les entreprises et, malgré les mesures de simplification du régime déjà proposé par la Commission, l’effet dissuasif de certaines dispositions demeure un obstacle au développement des échanges entre Etats membres.

De même, la justification du caractère intracommunautaire des opérations, le poids des obligations d’identification et de déclaration sont autant de difficultés réelles rencontrées par les opérateurs qui démontrent que les entreprises et les consommateurs ne bénéficient pas encore de tous les avantages attendus d’un marché unique.

Cette période transitoire, qui est toujours prorogée, autorise des dérogations aux règles de la 6e directive modifiée au profit des Etats. Il existe aujourd’hui un très grand nombre de dérogations aux règles de la TVA qui ne font qu’étaler encore dans le temps la période transitoire. Certaines propositions de directives attestent de la lourdeur de la tâche.

Ainsi, dans la dernière proposition COM (2000) 537 final, le Conseil a décidé de conserver, de manière temporaire c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2005, le principe du niveau minimal actuel de 15% du taux normal.

Ceci ne réduit aucunement l’intérêt qui résulte de l’examen de l’état actuel de l’encadrement au niveau communautaire de la TVA applicable entre les Etats membres et entre ceux-ci et un Etat étranger.

Les fiscalités nationales étant subordonnées à celle établie par le droit communautaire(1), les agents économiques et les justiciables y trouvent leur compte. Ils peuvent ainsi demander la restitution d’une taxe qui aurait été indûment perçue et même demander un remboursement suite à un préjudice causé par une taxe ou un système de taxation.

Par ailleurs, les apports communautaires en matière de libéralisation des échanges et de l’allégement des charges qui pèsent sur les assujettis suscitent encore plus d’intérêt. Ainsi, une dernière directive du Conseil en date du 17 octobre 2000 supprime l’obligation pour les assujettis de désigner un représentant fiscal dans l’Etat où il n’est pas établi.

Mais, déjà, depuis le 1er janvier 1993, les notions d’importations et d’exportations qui qualifiaient les opérations entre des opérateurs économiques des différents Etats membres avaient été définitivement supprimées. Elles ne sont désormais plus valables que pour les opérations qui sont réalisées avec des Etats tiers à la CE.

Pour un opérateur d’un Etat membre qui transfère le pouvoir de disposer du bien à un autre opérateur d’un autre Etat membre, l’opération intracommunautaire se traduit pour le premier en une livraison, en principe exonérée et, pour le second, en une acquisition intracommunautaire, normalement taxable.

Ainsi, l’événement qui entraîne le fait générateur de la taxe pour les opérations intracommunautaires, n’est point le franchissement de la frontière (opérations extra communautaires), auquel cas les frontières fiscales seraient ainsi toujours présentes, mais c’est le transfert de la propriété de la chose comme s’il s’agissait d’une opération réalisée à l’intérieur du pays.

L’objectif des instances intracommunautaires est de parvenir, par l’établissement d’un régime définitif, à un niveau harmonisé entre les Etats membres des structures de la taxation (assiette et taux) ainsi qu’à une imposition dans l’Etat membre d’origine des biens livrés et des services rendus. L’imposition se faisant actuellement dans l’Etat membre d’arrivée.

Constatant l’étendue de la tâche et la nécessité d’une mise en Å“uvre progressive de ce principe, les instances européennes ont conclu à l’établissement, d’une manière provisoire, d’un régime transitoire de taxation.

Ce régime qui a débuté le 1er janvier 1993 et qui devait normalement expirer au 31 décembre 1996 est toujours d’application. Il est en effet prorogé automatiquement jusqu’à la date de l’entrée en vigueur du régime définitif ou tant que le conseil n’a pas pris de décision sur celui-ci, ce qui est le cas pour l’instant.

 

Cabinets FONTANEAU
Paris – Nice – Bruxelles

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