Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 128 (Année 2001)
La Commission a présenté, fin 2001, « un programme clair d’initiatives communautaires visant à supprimer les problèmes d’ordre fiscal auxquels sont confrontées les entreprises opérant dans le marché intérieur et à poser les fondations d’une base consolidée d’imposition des sociétés dans l’UE » .
La Commission est convaincue que la réforme de la fiscalité des sociétés dans l’UE est une condition essentielle pour rendre l’économie de l’Union européenne plus compétitive et dynamique d’ici à 2010.
Actuellement, les entreprises doivent tenir compte de 15 systèmes fiscaux différents et d’une multitude de conventions fiscales, ce qui entraîne des coûts considérables. La Commission voudrait donc éviter que les règles en matière d’imposition des sociétés ne soient dépassées et faire en sorte de les transformer en instrument au service des objectifs de l’UE.
La Commission a basé sa réflexion sur une analyse approfondie des taux d’imposition effectifs.
LES QUINZE ETATS MEMBRES CONNAISSENT DES NIVEAUX D’IMPOSITION TRES VARIABLES
La première constatation est que même si la fiscalité n’est qu’un élément de la prise de décision d’investissement et de financement, l’importance des écarts dans les taux d’imposition effectifs mérite que l’on s’attarde sur cette problématique. En effet les variations sont considérables, tant au niveau de la charge fiscale effective supportée par les investisseurs résidents des différents États membres qu’à celui du traitement par un pays donné des investissements en provenance ou à destination des autres États membres.
Il est intéressant de noter que l’étude a fait apparaître une certaine constance des Etats membres dans leur politique fiscale. En général il ressort que l’Allemagne et la France ont la pression fiscale la plus forte. L’Irlande, la Suède et la Finlande se retrouvent au contraire de l’autre coté du classement.
Il semble relativement clair que les différences existantes dans les taux d’imposition d’un pays à l’autre justifient les écarts existant dans les taux d’imposition effectifs. Cependant la Commission considère que le taux d’imposition est une question qui relève de la compétence des États membres et ne recommande donc pas une action communautaire portant sur la fixation des taux.
En revanche sur le plan transfrontalier, la Commission a identifié un certain nombre de domaines dans lesquels les systèmes d’imposition des sociétés freinent l’activité économique et la compétitivité internationale des entreprises de l’UE.
CONSEQUENCES SUR LE PLAN TRANSFRONTALIER
Les principaux problèmes listés par la Commission sont repris » in extenso » :
· « La coexistence de 15 corps distincts de règles fiscales pour la détermination de la base imposable dans le marché intérieur, outre qu’elle génère des coûts de conformité, cause de nombreux problèmes au niveau de l’imposition des transactions intragroupe (« prix de transfert ») et accroît les risques de double imposition.
· Les flux transfrontaliers de revenus et les opérations de restructuration sont souvent frappés par une imposition supplémentaire. Les directives « mères -filiales » et « fusions » (90/435/CEE et 90/434/CEE) n’ont pas permis de résoudre tous les problèmes dans ce domaine.
· Les possibilités de compensation transfrontalière des pertes restent très limitées, et il est fréquent que des groupes soient imposés sur les profits réalisés dans un pays du marché intérieur sans pouvoir parallèlement prendre en compte les pertes subies dans un autre pays.
· Les mécanismes visant à atténuer la double imposition résultant d’activités transfrontalières, qu’il s’agisse des conventions de double imposition bilatérales ou de la convention de 1990 visant à éliminer les divergences d’appréciation entre administrations nationales en ce qui concerne l’ajustement des transferts de bénéfices entre sociétés associées (la « convention d’arbitrage » – 90/ 436/CEE) ne fonctionnent pas de manière satisfaisante. »
Tenant compte de ces différents problèmes, la Commissions envisage de prendre un certain nombre de dispositions dans ces différents domaines.
LA STRATEGIE DE LA COMMISSION POUR SUPPRIMER LES OBSTACLES
La Commission tient à réduire le plus possible l’impact négatif de ces obstacles sur les activités transfrontalières.
Elle entend agir à des niveaux très diverses, comme revoir la directive » mères-filiales « , , élaborer une nouvelle proposition sur la prise en compte des pertes des établissements stables, créer un forum pour discuter et faire avancer la question des prix de transfert, revoir la convention d’arbitrage, donner son interprétation sur la jurisprudence de la CJCE, communiquer sur les traités fiscaux bilatéraux….
Parallèlement à ces mesures très précises, elle envisage de mener une réflexion approfondie sur l’opportunité de définir une base d’imposition consolidée pour les sociétés dont l’activité couvre différents états de l’Union européenne.
LA LISTE DES MESURES PREVUES
· » La Commission formulera des orientations sur les arrêts importants de la Cour de justice en vue de faciliter une application conforme au traité et à la législation communautaire.
· La Commission présentera des modifications aux directives « mères-filiales » et « fusions », accompagnées d’orientations détaillées concernant leur application et leur mise en oeuvre de façon à couvrir un éventail plus large d’impôts et de transactions. Leur champ d’application devra en outre couvrir les sociétés qui seront à l’avenir régies par le statut de la société européenne, adopté le 8 octobre dernier par le Conseil de ministres de l’UE.
· La Commission retirera sa proposition de directive de 1990, qui visait à permettre aux entreprises de prendre en compte les pertes subies par leurs établissements permanents et filiales situés dans d’autres États membres. Elle propose de lancer, en 2002, une série de réunions techniques préparatoires avec les États membres en vue d’élaborer une nouvelle proposition améliorée, au champ d’application éventuellement plus large. UN rapport est prévu pour fin 2003.
· La Commission propose la création d’un « Forum conjoint de l’UE sur les prix de transfert » avec les États membres au premier semestre 2002. L’objectif serait d’améliorer la coordination entre États membres, et entre États membres et entreprises, au niveau de l’imposition des transactions transfrontalières intragroupe. Il existe en effet un risque de double imposition lorsque deux États membres ne parviennent pas à un accord sur les prix de transfert entre deux sociétés associées. De plus, les États membres ont tendance à imposer aux entreprises des exigences de documentation de plus en plus lourdes pour les prix de transfert. Ce forum pourrait examiner un certain nombre de questions qui n’exigent pas l’adoption d’une législation, par exemple les accords préalables sur les prix, les exigences de documentation et les méthodologies d’établissement des prix de transfert, dans le cadre des orientations de l’OCDE en la matière.
· En 2003, la Commission présentera une proposition de directive visant à reconduire et à améliorer la convention d’arbitrage et à soumettre ses dispositions à l’interprétation de la Cour de justice.
· En 2004, la Commission voudrait publier une communication sur les conventions en matière de double imposition qui soulignera la nécessité d’adapter certaines dispositions des conventions bilatérales entre États membres calquées sur la convention modèle de l’OCDE afin de les rendre plus conformes aux principes du traité CE. L’objectif est de parvenir à terme à une version communautaire de la convention modèle de l’OCDE et de son commentaire qui satisferait aux exigences spécifiques de l’appartenance à la Communauté, voire même d’élaborer une convention UE multilatérale. – La Commission veillera à ce que la législation communautaire actuelle en matière d’imposition des sociétés s’appliquera pleinement aux sociétés qui, à partir de 2004, seront constituées conformément au statut de la société européenne. Parallèlement, elle s’attachera à évaluer les possibilités d’appliquer aux SE le futur régime général d’imposition des sociétés et la future base consolidée d’imposition des sociétés couvrant l’ensemble de leurs activités dans l’UE dont les caractéristiques sont discutées ci-dessous « .
DEUXIEME ETAPE, L’INSTITUTION D’UNE BASE CONSOLIDEE D’IMPOSITION DES SOCIETES
L’institution d’une base d’imposition consolidée aurait pour but de permettre aux entreprises ayant des activités transfrontalières et internationales dans l’UE de calculer le revenu de l’ensemble du groupe conformément à un corps unique de règles et d’élaborer des comptes consolidés à des fins fiscales.
Deux approches techniques ont été mis en avant par la Commission :
* L’imposition selon les règles de l’État de résidence, cela signifie que les groupes de sociétés auraient la possibilité de calculer la base imposable correspondant à l’ensemble de leurs activités menées à l’échelle communautaire conformément au code des impôts de l’État membre de leur résidence.
* Une base d’imposition commune. Les groupes de sociétés auraient alors la possibilité de calculer la base imposable correspondant à l’ensemble de leurs activités menées à l’échelle de l’UE conformément à un nouveau code commun de l’impôt des sociétés qui serait applicable dans la totalité de l’UE.
La Commission espère pouvoir donner en 2003, un rapport qui fera le point sur les politiques à mettre en œuvre.