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Anne FONTANEAU
Avocat au Barreau de Nice
Docteur en Droit
Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » 1999/1
Afin de mieux appréhender les droits et garanties du contribuable espagnol, rappelons en quelques lignes les modalités du contrôle.
LES POUVOIRS DE L’ADMINISTRATION FISCALE
L’Administration fiscale vérifie et recherche les faits, actes, situations, activités, exploitations et autres circonstances qui composent le fait imposable.
La vérification peut atteindre tous les actes, éléments et évaluations qui sont portés dans des déclarations fiscales. Elle peut aussi s’étendre à l’estimation des bases imposables. L’Administration recherche le fait imposable qui n’a pas été déclaré par le contribuable ou qui ne l’a été que partiellement. De même, elle étend ses investigations aux faits imposables dont la liquidation doit être réalisée par le contribuable lui-même.
Tant la recherche fiscale, que la vérification sont réalisées par l’examen des documents, des livres, des factures, des justificatifs, sur la base de la comptabilité principale ou auxiliaire du contribuable, ainsi que par la vérification des biens, éléments, exploitations et toutes autres informations qui doivent être fournies à l’Administration ou qui sont nécessaires pour la détermination de l’impôt.
Toute personne physique ou morale privée ou publique doit, sur la demande de l’Administration, lui fournir toutes données, informations ou tout élément de nature fiscale qui peut résulter de ses relations économiques avec d’autres personnes.
Ce principe de communication connaît certes quelques exceptions ; c’est le cas des prêtres pour les affaires dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur ministère, des professionnels pour les affaires couvertes par le secret professionnel et de toute personne pour des actes ou opérations qui sont exceptés par la loi de la recherche fiscale.
En ce qui concerne plus précisément la procédure de contrôle en Espagne, signalons qu’il ne doit être pratiqué que les jours ouvrables et aux heures ouvrables, sauf dans le cas où le contribuable aurait des horaires particuliers.
Le contrôle ne peut s’étendre à une période déjà soumise à vérification.
Les personnes ou les sociétés dont l’imposition a pour base la déclaration de l’intéressé ne peuvent pas être contrôlées de nouveau lorsque six mois se sont écoulés depuis la dernière visite de contrôle.
Il n’y a pas de priorité légale entre les différents lieux où la vérification peut avoir lieu. Il peut s’agir soit du domicile fiscal du contribuable, soit du lieu où sont réalisées, en partie ou en totalité, les activités vérifiées, soit du lieu où existe une preuve même partielle du fait imposable, soit enfin des bureaux de l’Administration fiscale, si le contribuable en est d’accord et qu’il y a la possibilité d’examiner la documentation.
Le délai de reprise de l’Administration est de cinq ans sauf en ce qui concerne l’impôt sur les successions pour lequel le délai est de dix ans.
La prescription s’applique d’office et court à compter de la naissance du droit ou de la Commission de l’infraction. Elle peut être interrompue par tout acte administratif dont le contribuable a eu connaissance, par toute réclamation ou recours, par toute action du contribuable conduisant au paiement ou à la liquidation de l’impôt.
Dans le cadre d’un contrôle, une obligation de communication est soumise à la charge des services du cadastre, des établissements de crédit, des agents de change, des caisses de crédits et des notaires.
D’autre part, l’Administration peut obtenir des informations suivant différents modes particuliers :
-Â Les rapports annuels des fournisseurs et des clients. Ces derniers constituent la principale source d’informations de l’Administration fiscale.
- L’obtention d’informations par captation. La loi fiscale générale dispose que toute personne physique ou morale, privée ou publique, par simple devoir de collaboration avec l’Administration doit, sur demande de celle-ci, fournir toutes sortes d’informations, de données ou de précédents, de portée fiscale et provenant de ses rapports économiques avec d’autres personnes.
- L’obligation de communication imposée aux banques, caisses d’épargne, instituts de crédits et à toutes personnes physiques ou morales qui se consacrent aux opérations bancaires et de crédits. Ces informations ne peuvent, bien sûr, être utilisées qu’à des fins fiscales et pour dénoncer des faits qui peuvent constituer des délits économiques. Bien entendu, les autorités et les fonctionnaires ayant connaissance de ces informations sont tenus au secret le plus strict.
L’Inspection des finances peut aussi vérifier les opérations actives et passives sur les comptes, leurs mouvements et les documents qui les concernent.
- La dénonciation publique.
L’action de dénonciation publique est indépendante de l’obligation de collaborer avec l’Administration.
Il est disposé que si les particuliers désirent avoir une part de l’amende à la suite de l’exercice de leur droit de dénonciation publique, ils doivent effectuer leur dénonciation par écrit, signé, sur papier spécial, en indiquant leur domicile, en joignant leur carte d’identité
nationale et en constituant un dépôt. Mais, en pratique, il apparaît que les dénonciations sont souvent anonymes et qu’en conséquence, l’Administration fiscale doit agir avec une extrême précaution.
Face à l’étendue des pouvoirs de l’Administration fiscale en cas de contrôle, le contribuable espagnol a à sa disposition un certain nombre de droits et de garanties dont il peut se prévaloir, si tant est qu’il en a connaissance.
LES MOYENS DE DEFENSE DU CONTRIBUABLE
Dans le cadre du plan de lutte contre la fraude fiscale, le 27 janvier 1995, une charte des droits et garanties du contribuable a été publiée avec l’accord du Conseil des Ministres :
Dorénavant, le contribuable peut réclamer l’information nécessaire sur ses droits et obligations, afin de se faciliter l’accomplissement de ses obligations fiscales. Il peut obtenir l’avis de l’Administration fiscale sur le traitement de sa situation particulière, avis qui lie l’Administration fiscale si le contribuable agit en conformité.
Le contribuable doit recevoir notification des actes administratifs qui affectent ses droits et obligations. Afin de faciliter l’établissement de ses déclarations fiscales, le contribuable peut être assisté par les programmes informatiques de l’agence fiscale.
Le contribuable peut solliciter des délais ou un fractionnement de l’impôt dans les conditions légales. De même, il ne doit pas être sanctionné lorsque spontanément il règle, même hors délai, ses dettes fiscales. Il ne réglera dans ce cas que des majorations et/ou des intérêts de retard en fonction du temps écoulé depuis la date d’exigibilité de l’impôt, à savoir : une majoration de 5 % sans intérêts jusqu’à trois mois de retard, une majoration de 10 % sans intérêts entre trois et six mois de retard, une majoration de 15 % sans intérêts entre six mois et douze mois de retard et une majoration de 20 % plus des intérêts à partir de douze mois de retard.
Il devra être notifié au contribuable qu’au-delà de la période de régularisation spontanée s’ouvre une période d’exécution par l’Administration et qu’une majoration de 20 % s’appliquera.
De plus, dans le cadre de la prise en considération du contribuable pendant toute la durée de la procédure, ce dernier est en droit d’attendre de l’Administration et de ses fonctionnaires l’application des critères d’efficacité et de service public, afin que les procédures soient traitées de façon diligente.
Le contribuable bénéficie d’une présomption d’exactitude des données figurant dans ses déclarations.
Il a le droit de répondre et d’apporter les justifications qui conviennent à la défense de ses droits dans les procédures qui l’affectent.
Le contribuable a le droit de refuser de payer plus que la dette fiscale déterminée en accord avec la loi. De plus, il a le droit au remboursement des sommes indûment perçues suite à la liquidation définitive de son imposition. De même, il a droit à l’intérêt légal sur les versements effectués indûment à l’occasion du paiement de dettes fiscales avec intérêt légal, même s’il ne le demande pas expressément.
Le contribuable doit être remboursé du coût des garanties apportées.
La confidentialité des informations fiscales est une garantie pour le contribuable. L’Administration est tenue d’observer les limites légales dans ses demandes d’informations. De même, elle est tenue à une obligation de réserve en ce qui concerne les renseignements obtenus à des fins fiscales.
La prescription du délai de reprise de l’Administration est une garantie d’ordre public du contribuable.
D’autre part, le contribuable a le droit de dénoncer l’Administration fiscale et par là -même, il participe à la définition et à l’application du système fiscal à travers des mécanismes de collaboration sociale reconnus par les lois et les faits contraires à l’ordre fiscal dont il a connaissance.
Durant la procédure de vérification fiscale, le contribuable doit être traité avec courtoisie. Il a droit à l’information, à la notification du délai de la procédure de vérification, droit à la continuité des opérations de vérifications (si celles-ci sont interrompues sans raison valable durant plus de six mois, on considère que la prescription n’est pas interrompue),
– droit de s’opposer au contrôle à son domicile personnel en l’absence d’autorisation judiciaire,
– droit à la proportionnalité des mesures de sauvegarde des preuves et enfin, droit à la copie des actes le concernant.
Si, à la suite du contrôle, une proposition de régularisation est émise et acceptée par le contribuable, ce dernier aura droit à une réduction de 30 % des sanctions proposées.
In fine, la charte des droits et garanties du contribuable lui donne le droit de faire une réclamation contre les actes de l’Administration qui l’affectent et lui offre plusieurs types de recours adaptés au litige qui l’oppose à l’Administration fiscale.