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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » 1998/2
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Geneviève CATTAN
Avocat au Barreau de Nice
Nous avions publié, dans le numéro 1990/4 de notre revue, un article intitulé «  planification fiscale internationale a travers la zone franche de Madère « .
Il nous a semblé intéressant, après ce premier article, de détailler et de faire le point des avantages fiscaux, juridiques, ou en termes de change et de droits de douane offerts actuellement par cette zone franche.
GENESE DE LA ZONE FRANCHE DE MADERE
 La zone franche de MADERE constitue l’achèvement d’un programme lancé par l’Etat Portugais et approuvé par l’Union Européenne. Ce programme a pour objectif le développement régional de cette zone géographique. Les moyens employés, à savoir essentiellement des incitants fiscaux et sociaux visent à attirer les investissements dans les secteurs industriels, commerciaux et financiers.
Pour ce faire, le Gouvernement portugais a obtenu de l’Assemblée Nationale l’autorisation législative afin de réformer le système fiscal et d’accorder aux entreprises s’installant à MADERE un certain nombre d’avantages fiscaux.
En tout état de cause, ce régime fiscal de faveur a été mis en place avec l’accord des institutions européennes et en conformité avec les traités européens.
Ainsi, le Conseil de l’Europe a reconnu que la zone franche de MADERE était un instrument fondamental du développement de l’archipel, et que dans cette mesure, cette zone franche était de nature à fournir les mesures nécessaires à la stimulation des activités dans cette région.
L’idée développée par l’Union Européenne était que l’isolement géographique de l’île rendait nécessaire l’application d’un traitement de faveur.
Le statut de la zone franche de MADERE a également fait l’objet d’un examen, par la Commission Européenne, en vue de déterminer dans quelle mesure les incitants fiscaux étaient compatibles avec les stipulations du Traité de Rome. La Commission a considéré que ces incitant fiscaux étaient compatibles avec le Traité, et notamment avec l’article 92 qui interdit les aides de l’Etat de nature à fausser le jeu de la concurrence.
Il convient de noter avant tout que ce régime fiscal et juridique propre à la zone franche de MADERE demeure limité dans le temps, puisqu’il n’est applicable que jusqu’en 2011.
Les textes de base qui sont à l’origine de la création de cette zone franche sont :
– le décret-loi n° 500/80 du 20 octobre 1980 qui a fait de MADERE un centre industriel off-shore,
– le décret-loi n° 165/86 du 26 juin 1986 qui est venu compléter le précédent, et l’article 41 du «  EBF » (Estatuto dos Beneficios Fiscais). Ces deux derniers textes ont fait de MADERE un centre d’affaires international.
L’article I du décret-loi n° 165/86 du 26 juin 1986 définit très clairement les objectifs de ce régime juridique et fiscal privilégié, puisqu’il précise que «  dans le but de promouvoir et d’attirer les investissements dans le zone franche de MADERE, les avantages fiscaux et financiers sont octroyés de manière régionale en vue de :
a) Promouvoir l’installation de nouveaux projets d’investissement,
b) Attirer et conserver des facteurs de production,
c) Soutenir le démarrage des sociétés qui s’établissent « .
Désormais, le centre d’affaires international de MADERE comprend un centre industriel, un centre financier off-shore, un secteur International de service, et une zone privilégiée d’immatriculation de navires.
La qualification juridique la plus appropriée à la zone franche de MADERE est celle de «  zone européenne de développement régional basé sur la prestation de services internationaux « .
L’île de MADERE ne saurait être considérée comme un «  paradis fiscal « .
L’exonération temporaire autorisée par l’Union Européenne constitue une aide au développement, mais ne correspond pas pour autant aux notions de «  paradis fiscal » ou de territoire à fiscalité privilégiée, dans la mesure où sont applicables des règles qui viennent limiter cette exonération d’impôt.
Ainsi, le régime fiscal de MADERE est limité à certaines opérations, à savoir celles conclues avec des non résidents sur le territoire portugais. Il est important d’insister sur le fait que, si l’opération considérée est conclue avec un résident portugais, le régime ne s’applique pas.
Par ailleurs, comme précisé plus haut, les mesures d’exemption fiscale sont limitées dans le temps puisqu’elles ne sont applicables que jusqu’en 2011. Or, les paradis fiscaux ne limitent jamais dans le temps les exemptions et avantages fiscaux qu’ils accordent.
Enfin, les sociétés établies dans la zone de libre échange sont juridiquement considérées comme des sociétés portugaises, et sont de ce fait soumises aux contraintes de la loi portugaise qui n’applique pas l’anonymat, et prévoit des règles strictes en matière comptable concernant l’origine des ressources et leur affectation.
MADERE est véritablement une «  zone européenne » car elle est une partie intégrante de l’Union Européenne, et qu’elle est incluse dans le système juridique communautaire.
Enfin l’essence même de la zone franche de MADERE est la prestation de services internationaux.
LES ASPECTS FISCAUX DE LA ZONE FRANCHE DE MADERE
Les incitants fiscaux
L’article 6 du Décret-Loi n° 165/86 est consacré aux avantages fiscaux consentis aux actionnaires des sociétés s‘installant à MADERE. L’article 7 réglemente pour sa part les incitants fiscaux accordés aux sociétés qui s’établissent dans la zone franche.
Le taux de l’Impôt sur les Sociétés au Portugal est de 36 %.Néanmoins, les sociétés basées dans la zone franche de MADERE bénéficient d’une exemption d’impôt sur les sociétés (imposto sobre o rendimento das pessoas colectivas, IRC) prélevé sur les bénéfices nets, et ce, jusqu’au 31 décembre 2011.
Cette exemption d’impôt ne s’applique que lorsque deux conditions cumulatives sont réunies :
– que le revenu ne trouve pas son origine sur le continent portugais,
– que les opérations et activités à l’origine de ces revenus ne soient pas exercées par l’intermédiaire de résidents portugais.
En application du Décret-loi n° 84/93 qui est venu amender l’article 41 du EBF cette exemption est notamment applicable aux structures suivantes :
– les sociétés installées dans la zone franche de MADERE et dont les revenus sont tirés d’une activité industrielle (les activités accessoires à cette activité industrielle bénéficiant également de l’exonération),
– les sociétés de la zone franche exerçant une activité de transport maritime, excepté les activités de transport de passagers ou de marchandises entre ports nationaux,
– les institutions de crédit de la zone franche. En revanche, ne sont pas exonérées d’impôt les activités de dépôt, remboursements de fonds au public, octroi de prêts, crédit-bail et affacturage avec un cocontractant résident au Portugal ou ayant un établissement stable au Portugal,
– les entreprises exerçant une activité de gestion de fonds d’investissement,
– les entreprises d’assurance ou de réassurance, et qui interviennent uniquement sur des risques géographiquement localisés dans la zone franche de MADERE ou en dehors du territoire portugais,
– les sociétés dont l’activité consiste en la gestion des fonds de pensions, y compris aux activités d’assurance-vie ou de réassurance,
– les sociétés holdings (SGPS), pour les revenus qu’elles tirent des participations détenues dans d’autres sociétés non résidentes au Portugal, mais résidentes soit dans un autre pays membre de l’Union Européenne, soit dans la zone franche.
– toutes les autres sociétés non stipulées dans cette liste, qui ont leur siège social à MADERE , et qui exercent leur activité avec d’autres sociétés installées dans la zone franche de MADERE, ou avec des personnes n’ayant pas leur résidence au Portugal.
Le point commun de cette liste est que l’exemption générale d’impôt, concernant notamment les sociétés d’exploitation ou de détention de capitaux, ainsi que tous les autres types de sociétés, n’est applicable qu’aux transactions passées avec d’autres entités basées dans la zone franche de MADERE, ou avec des non résidents sur le territoire portugais.
En revanche, cette exemption ne s’applique pas aux sociétés ayant un établissement stable au Portugal ou en dehors de la zone franche.
Ce régime d’exemption comprend les mesures suivantes :
– exemption totale de retenue à la source relative à l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (Imposto sobre o Rendimento das pessoas Singulares, IRS) et à l’impôt sur le revenu des personnes morales (IRC) sur les dividendes, intérêts et toutes autres formes de rémunérations des prêts d’actionnaires ou de paiements en capital réalisés par les actionnaires auprès de la société. Cette exemption s’applique dans la mesure où les actionnaires concernés ne sont pas résidents du territoire portugais. Cette dernière condition ne s’applique néanmoins pas aux actionnaires de sociétés dont l’activité concerne l’industrie ou la navigation maritime.
– exemption totale de retenue à la source sur les paiements effectués par des résidents de la zone de MADERE à des tiers non résidents au Portugal (cette mesure concerne les intérêts, redevances, honoraires d’assistance technique, rémunération de services en général),
– exemption de droit de timbre sur les documents, livres, contrats, transactions, actes et autres éléments sur lequel ce droit est prélevé,
– exemption de droits de mutation (Sisa), de droits de donation ou de droits de succession portant sur les bien immobiliers acquis en vue de l’installation des sociétés dans la zone franche de MADERE,
– exemption d’impôt sur les successions et donations (Imposto sobre Sucessoes e Doaçoes por Avença, ISSDA, qui, lorsqu’il est applicable est au taux de 5 %), sur les dividendes attribuables aux actions de sociétés, ainsi que sur les rémunérations dérivées des obligations convertibles en actions, payées à des non résidents,
L’application des conventions internationales
Dans la mesure où la Région Autonome de MADERE est considérée comme faisant partie intégrante du territoire portugais, les sociétés résidentes bénéficient de ce fait expressément des conventions signées par le Portugal, contrairement à la plupart des autres zones off-shore qui, en règle générale, sont exclues de l’application de ces conventions.
Cet élément permet aux investisseurs et sociétés financières domiciliées dans des Etats ayant signé de telles conventions avec le Portugal, d’investir via MADERE.
Des conventions fiscales ont ainsi été signées par le Portugal avec les Etats suivants : Autriche, Belgique, brésil, bulgarie, danemark, finlande, France, Allemagne, Irlande, Italie, mozambique, norvège, Espagne, suisse, Royaume-Uni, et Etats-Unis.
Dans toutes ces conventions, la retenue à la source prélevée par le Portugal est ramenée à 15 %. Ce taux doit être pris en considération également dans le cas d’une exemption, comme c’est le cas dans la zone franche de MADERE.
Certaines conventions signées par le Portugal contiennent une clause de crédit pour impôt fictif, applicable même lorsque le revenu est exempté d’impôt au Portugal (ce qui est le cas dans la zone franche de MADERE), en vertu de laquelle les investisseurs de l’autre Etat signataire peuvent déduire l’impôt portugais qui aurait dû être prélevé.
L’application de ce crédit d’impôt fictif (matching credit) est déterminée, dans ses détails, par référence à la loi et aux mécanismes nationaux, et en application des taux nationaux, afin de déterminer si ce crédit d’impôt fictif est considéré lui-même comme un élément du revenu imposable, et s’il est calculé sur la base du montant brut des revenus perçus, ou sur le montant net déduction faite des coûts relatifs à son obtention.
LES ASPECTS JURIDIQUES DE LA ZONE FRANCHE DE MADERE
La liberté de change et les droits de douane
Les sociétés basées à MADERE, et qui sont autorisées à y exercer leur activité, sont exonérées de tout contrôle de change, indépendamment par ailleurs de toute politique de change adoptée sur le continent portugais.
Elles sont autorisées à utiliser toute devise, à détenir des comptes bancaires dans tous les pays du monde, et elles peuvent librement transférer capitaux et revenus.
Les sociétés situées à MADERE sont par ailleurs :
– libres de rapatrier tant le capital que les bénéfices,
– libres de transférer des fonds dans le cadre des transactions commerciales qu’elles contractent,
– non soumises à de quelconques restrictions en matière d’importation de capitaux,
– soumises à des procédures administratives simplifiées de manière à être en mesure de maintenir et faire fonctionner librement les comptes bancaires à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone franche de MADERE.
En matière de droits de douane, le texte principal est le Décret n° 53/82 du 29 juillet 1982.
Ce texte complète les avantages déjà accordés dans la zone franche en termes de fiscalité et de change, par des mesures préférentielles en matière de droits de douane. L’objectif affiché de ce Décret est la flexibilité des contrôles douaniers au niveau local, en vue de favoriser le développement économique de l’île.
En application de ce régime, les sociétés installées à MADERE sont exonérées de droits de douane sur l’importation de matières premières et de composants de toute origine et nature. Si les biens produits dans la zone franche sont exportés au Portugal ou dans tout autre pays membre de l’Union Européenne, des droits de douane sont exigibles à l’entrée dans ces pays, mais ils ne s’appliqueront qu’aux matières premières incorporées provenant de pays tiers non membres de l’Union Européenne. En revanche, les produits fabriqués dans la zone franche de MADERE et exportés vers un pays membre de l’Union Européenne seront totalement exonérés de droits de douane si les matières premières qui les composent ont été fournies par des pays membres de l’Union Européenne.
Quel type de société peut-on créer à MADERE ?
Tous les types de sociétés prévus par le Code portugais des sociétés peuvent être crées dans la zone franche de MADERE. Les plus fréquemment utilisées sont la société à responsabilité limitée (LDA) et la société anonyme (SA).
Chacune de ces formes de société est soumise à une réglementation particulière. Certaines règles leur sont néanmoins communes, notamment en ce qui concerne les assemblées générales et le Conseil de surveillance.
De manière générale, il est préférable d’adopter la forme de société à responsabilité limitée qui est moins lourde à gérer et pour laquelle la réglementation est moins contraignante que dans le cadre de la société anonyme.
Les sociétés à responsabilité limitée doivent obligatoirement avoir un capital minimum de 400.000 escudos. Elles n’ont pas l’obligation de constituer un Conseil de Surveillance. Dans ce cas, la société doit désigner un commissaire aux comptes (Revisor Oficial de Contas), lorsque trois limites sont atteintes sur une période de deux années consécutives :
– une moyenne d’au moins 50 salariés employés au cours de l’exercice,
– un bénéfice net total de 180.000.000 escudos (1.200.000 U.S. dollars),
– un chiffre d’affaires total de 370.000.000 escudos (2.500.000 U.S. dollars)
Les comptes de la société n’ont pas à être publiés. Ils sont simplement déposés auprès du Registre du Commerce.
En revanche, les sociétés anonymes sont tenues de constituer un Conseil de Surveillance ou de désigner un commissaire aux comptes. Leur capital minimum est de 5 millions d’escudos.
Il est à noter néanmoins, et ceci est un point important, qu’aucune présence physique n’est exigée, qu’il s’agisse des directeurs ou des salariés, dans la société ayant son siège à MADERE.
LE CAS PARTICULIER DES HOLDINGS PORTUGAISES Â : LES SGPS
Ces holdings constituent un instrument très intéressant d’investissement.
Elles peuvent prendre la forme d’une société à responsabilité limitée ou d’une société anonyme. Leur seul objet social est la prise de participation dans d’autres sociétés et la gestion de ces participations.
La prise de participations est considérée comme une forme indirecte d’activité économique, dans la mesure où la détention de participation n’est pas temporaire, c’est à dire si elle est maintenue pendant plus d’une année, et si cette détention représente au moins 10 % des droits de vote de la société filiale, directement ou indirectement, par l’intermédiaire d’autres sociétés dans lesquelles la holding dispose d’une position dominante.
Les holdings portugaises peuvent ou non constituer un Conseil de Surveillance. En revanche, elles doivent obligatoirement désigner un Commissaire aux Comptes.
Par ailleurs, les SGPS sont soumises aux règles suivantes :
– de manière générale, elles ne peuvent acquérir et détenir de participations pour moins d’un an, et/ou détenir des participations représentant moins de 10 % des droits de vote de la société filiale, comme précédemment indiqué,
– l’acquisition de bien immobiliers doit être limitée aux biens strictement nécessaires aux besoins de la société holding et de ses filiales,
– elles ne peuvent accorder de prêts à des tiers, mais uniquement aux sociétés qu’elles contrôlent,
– elles sont soumises au contrôle de l‘Inspection Générale des Finances, à laquelle le Commissaire aux Comptes est tenu de communiquer les infractions aux textes dont il a connaissance, Inspection Générale des Finances qui, par ailleurs, est en droit de demander des informations complémentaires aux holdings,
– elles ne peuvent réaliser de prestations de services qu’à l’égard des sociétés qu’elles contrôlent.
Néanmoins, comme nous l’avions annoncé, ces holdings présentent de nombreux avantages, tout particulièrement en termes fiscaux.. Les SGPS sont en effet soumises à un régime fiscal particulier, destiné à éviter les cas de double imposition sur les distributions de dividendes et sur le bénéfice.
Ainsi, ces holdings sont exonérées du paiement de la retenue à la source sur les dividendes distribuées par les sociétés qu’elles contrôlent.
Elles sont également autorisées à déduire 95 % des revenus perçus sous forme de dividendes distribués par les sociétés européennes, y compris portugaises, dans lesquelles elles détiennent des participations. Dès lors, ces revenus ne seront imposables qu’au taux de 1,8 %, soit 36 % (taux général de l’impôt sur les sociétés au Portugal) de 5 %.
Une SGPS qui dispose, dans la zone franche de MADERE, d’un établissement stable, bénéficie, rappelons-le, d’une exemption totale d’Impôt sur les Sociétés, sur les revenus tirés des participations qu’elle détient dans des sociétés non résidentes au Portugal ou dans d’autres pays de l’Union Européenne. Il en résulte que l’impôt au taux de 1,8 % sera prélevé uniquement sur les revenus tirés des participations qu’elle détient dans des sociétés résidentes au Portugal ou dans d’autres pays de l’Union Européenne.
Par ailleurs, une SGPS entre dans le champ d’application de la Directive de la Commission Européenne sur les relations sociétés-mères/filiales (n° 90/435).
Conformément à cette directive, les bénéfices distribués par les filiales ayant leur siège social dans un Etat membre de l’Union Européenne aux sociétés mères ayant leur siège social à MADERE sont exonérés de retenue à la source.
Par ailleurs, les actionnaires des SGPS bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu (Impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu des personnes physiques) sur les distributions de dividendes, y compris ceux provenant de parts ou actions détenues dans des sociétés situées dans les Etats membres de l’Union Européenne. Cette exonération ne s’applique pas en revanche aux dividendes versés par des sociétés résidentes au Portugal.
LE CAS PARTICULIER DES STRUCTURES FINANCIERES
 Conformément au décret-loi portugais n° 298/92, qui réglemente les institutions de crédit et les institutions financières, l’activité consistant à recevoir des fonds du public en général est réservée aux sociétés qui correspondent à l’une des catégories d’institutions financières ou de crédit expressément prévues par la loi portugaise. La forme juridique de la société dépend alors de l’activité exercée.
Ces sociétés sont soumises à l’obligation d’obtenir une autorisation et doivent se conformer aux règles impératives relatives par exemple au capital minimum. Elles sont enfin soumises à un contrôle de la Banque du Portugal.
L’exercice de l’activité de réception de fonds en provenance du public sans autorisation constitue une infraction pénale et entraîne l’application d’une lourde amende. L’émission systématique, et réalisée à titre professionnel, de titres et instruments financiers à l’attention du public est considérée comme la pratique non autorisée d’une activité réservée aux institutions de crédit. De plus, l’article 4-1 e) réserve expressément aux institutions financières et de crédit, l’exercice à titre professionnel des transactions portant sur les instruments du marché monétaire et de change, et sur les instruments financiers et opérations portant sur les taux d’intérêts sur les devises étrangères et sur les actifs mobiliers.
La législation portugaise, applicable dans toutes ses dispositions dans la zone franche de MADERE, présente un caractère strict, et n’autorise pas d’instruments financiers souples comme c’est le cas dans les pays de Common Law. Une société portugaise peut donc émettre des produits financiers traditionnels tels que des actions prioritaires, des obligations et des effets de commerce. Néanmoins, cette émission sera soumise à certaines limitations.
Ainsi, tant les sociétés anonymes que les sociétés par actions sont autorisées à émettre des obligations, sous réserve des limitations suivantes :
– seules les sociétés dont les statuts ont été définitivement enregistrés depuis plus de deux ans sont autorisées à émettre des obligations, à condition que les deux derniers bilans aient été régulièrement approuvés. Les sociétés issues de fusions ou scissions d’autres sociétés sont également autorisées à émettre des obligations, si l’une de ces sociétés est à même de remplir les conditions ci-dessus mentionnées. En revanche, ces conditions ne sont pas applicables aux sociétés soumises au contrôle de la Banque du Portugal, comme les institutions de crédit.
– Les obligations ne peuvent être émises si le capital n’a pas entièrement été libéré, ou si les actionnaires qui n’ont pas acquitté leur part dans les délais n’ont pas été mis en demeure de payer.
– Les sociétés ne sont pas autorisées à émettre des obligations pour un montant supérieur à celui du capital existant et réalisé, c’est à dire du capital tel que mentionné dans le dernier bilan approuvé auquel il convient d’ajouter les éventuelles augmentations de capital réalisées postérieurement à la date d’arrêté des comptes.
– le règlement intérieur de la société doit autoriser l’émission d’obligations,
– l’émission d’obligations doit être autorisée par les actionnaires, sauf dans les cas où le règlement intérieur de la société prévoit que cette émission est seulement autorisée par le Conseil d’Administration. Dans tous les cas, la délibération ne peut avoir lieu tant que l’émission prévue n’est pas totalement souscrite.
– Enfin, une société est autorisée à se porter acquéreur de ses propres obligations dans les mêmes conditions qu’un rachat de ses propres actions, conditions équivalentes concernant la conversion et l’amortissement.
En ce qui concerne les effets de commerce, les titres émis doivent comporter un terme inférieur, égal ou supérieur à une année, mais dans tous les cas inférieur à deux ans. Leur valeur nominale minimum doit être de 10.000.000 escudos, soit environ 64.102.000 U.S. Dollars. Leur taux d’intérêt peut être variable ou fixe.
Les sociétés émettrices de tels effets de commerce doivent remplir les conditions cumulatives suivantes :
– le dernier bilan doit faire apparaître une valeur nette égale ou supérieure à 1.000.000.000 d’escudos (environ 6.500.000 U.S. Dollars),
– les trois derniers bilans doivent faire apparaître un résultat positif.
Néanmoins, une structure non financière peut réaliser des opérations financières spécifiques, à condition que ces opérations ne soient pas proposées au public de manière générale, mais restreinte à un cercle limité de clients et/ou qu’elles soient mises en œuvre avec leurs propres ressources.
Ainsi, une société portugaise est libre d’exécuter tout accord privé avec un cocontractant déterminé, y compris des contrats soumis à la loi étrangère, à condition que ces contrats aient pour but la poursuite de l’objet social. Une société portugaise est également autorisée à émettre des billets à ordre soumis à la loi étrangère ou au droit civil portugais, transférables selon un mode ordinaire de cession.
Dès lors, il n’est pas possible d’intégrer simplement une société à MADERE dans le but d’émettre des titres et instruments financiers en vue de les proposer au public.
La zone franche de MADERE constitue donc un lieu et un outil très intéressant pour les sociétés qui souhaitent investir :
– MADERE est une région autonome du Portugal, et offre à ce titre toutes les garanties en termes de stabilité politique,
– l’île fait partie intégrante de l’Union Européenne, et le droit communautaire lui est applicable,
– s’agissant d’une zone franche, elle offre de très nombreux avantages en termes d’exonération fiscale et de droits de douane, de liberté de change.
– Par ailleurs, créer une structure à MADERE est une opération relativement souple, puisque la présence physique de salariés ou des dirigeants n’est pas exigée, le fonctionnement des sociétés est très similaire à celui des sociétés françaises.
Au surplus, il apparaît de manière évidente que la création d’une holding dans la zone franche constitue un «  plus » en termes d’avantages et d’exonération fiscale.
Le Gouvernement portugais a donc mis en place toutes les mesures nécessaires pour attirer dans cette zone franche les investissements.
Nous n’avons pas abordé dans cet article le volet social. Signalons toutefois pour mémoire un incitant supplémentaire en matière de cotisations de sécurité sociale. L’article 9 du décret-loi n° 165/86 dispose en effet que les sociétés établies dans la zone franche de MADERE n’ont pas à retenir à la source, sur la rémunération des salariés âgés de moins de 22 ans, le montant des cotisations affectées à la sécurité sociale.
Néanmoins, rappelons une fois encore qu’il s’agit de mesures temporaires qui ne seront applicables que jusqu’en l’an 2011.