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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 159
(Année 2009)
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En vertu d’une disposition expresse de l’article 7 § 1 de la Convention du 18 mai 1963, les français ayant leur résidence habituelle à Monaco depuis au moins cinq ans au 13 octobre 1962 continuent, comme par le passé, à être considérés comme domiciliés hors de France. Ils ne sont éventuellement passibles de l’impôt en France que dans les conditions prévues par la loi interne à savoir :
- soit sur leurs revenus de source française au sens de l’article 164-B du CGI,
- soit suivant les règles de l’article 164-C dudit Code, c’est-à -dire sur une base forfaitaire égale au triple de la valeur locative réelle de la ou des habitations dont les intéressés disposent en France.
Cependant, l’Administration Fiscale française a admis, compte tenu de la faible superficie de la Principauté, que ces personnes soient exonérées de cette imposition forfaitaire à raison d’une habitation située dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Ces français « privilégiés » bénéficient d’un certificat de domicile à Monaco.
Par ailleurs, il résulte d’un Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille du 1er septembre 2009 que la condition de cinq ans de résidence habituelle au 13 octobre 1962 ne peut pas être opposée aux français qui, nés à Monaco, y ont toujours conservé cette résidence habituelle depuis leur naissance.
Ainsi que l’a souligné l’Administration dans son Instruction du 17 juillet 1964, prise pour l’application en France de la Convention, le domicile à Monaco s’entend de la résidence habituelle au sens du lieu de séjour principal à condition que le séjour soit effectif.
Les personnes qui ont conservé en France le centre de leurs intérêts économiques sont considérées néanmoins comme domiciliées en Principauté si elles ou leur famille peuvent justifier par tout moyen de leur séjour effectif.
Un domicile fiscal à Monaco en vertu des règles conventionnelles
Comme le souligne Frédéric DIEU dans son article : « A propos de l’avis du Conseil d’Etat du 10 novembre 2004 : les revenus d’activité de source française perçus par les français résidant à Monaco doivent-ils être soumis à la CSG et CRDS ? (Revue Fiscalité Européenne n° 143, page 3) :
« Il n’est donc pas possible d’analyser la situation des résidents français de Monaco qui travaillent en France à partir du seul article 4 B, en faisant l’abstraction de l’article 7-1. Certes, l’article 4 B-1 b considère qu’ont leur domicile fiscal en France les personnes y exerçant leur activité professionnelle principale. Toutefois, en vertu du principe de hiérarchie des normes, c’est l’article 7-1, et non les articles 4 A et 4 B, qui fait autorité en matière de domiciliation fiscale des français de Monaco pour l’établissement de l’impôt sur le revenu. Or, cet article 7-1 outre qu’il ne concerne que l’impôt sur le revenu, n’enlève pas à ces derniers leur qualité de résidents monégasques : il pose une règle relative aux revenus à soumettre à l’impôt et non une règle relative à la domiciliation des contribuables eux-mêmes. En bref, du fait de cet article 7-1, un français résidant à Monaco, même s’il travaille en France, y perçoit l’essentiel de ses revenus et remplit donc le critère fixé à l’article 4 B-1 du CGI, n’en reste pas moins fiscalement domicilié à Monaco. »
Les dispositions de la Convention du 18 mai 1963 peuvent donc faire obstacle à l’application de celles de l’article 4B du Code Général des Impôts, ce qui est tout à fait normal puisque, aux termes de la Constitution, les Traités Internationaux priment sur la loi interne.
Un Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille du 2 décembre 2008 donne des précisions intéressantes en ce qui concerne l’imposition d’un français, résident « privilégié » à Monaco mais qui exerce son activité professionnelle en France.
Il s’agissait en l’occurrence d’un médecin dont le Cabinet était installé dans les Alpes-Maritimes.
Celui-ci se trouvait fiscalement dans la même situation que celle des français dits privilégiés titulaires d’un certificat de domicile, car, ayant épousé une monégasque, il pouvait bénéficier de la mesure prise en faveur des conjoints qui les dispensaient de la condition de cinq ans de résidence habituelle à Monaco au 13 octobre 1962, à condition de résider à Monaco depuis leur mariage. Il ne pouvait donc être imposé que sur ses revenus de source française.
Ce praticien avait cru pouvoir ne pas déclarer des honoraires perçus de patients affiliés à des Caisses de Sécurité Sociale Monégasques, considérant qu’il ne s’agissait pas de revenus de source française.
Une imposition limitée aux revenus de source française
L’Administration Fiscale lui avait notifié des redressements et réintégré ces honoraires dans ses recettes imposables. Cependant, le vérificateur n’avait pas indiqué les motifs du droit fondant l’imposition en France de ces honoraires et n’avait notamment ni cité ni indiqué en substance le contenu des dispositions de l’article 164 B du Code Général des Impôts qui prévoit que les revenus tirés d’une activité professionnelle exercée en France sont des revenus de source française.
Or, ce sont ces dispositions et elles seules qui fondaient en l’espèce le redressement.
Par ailleurs, le vérificateur avait également réintégré ses honoraires dans la base d’imposition à la taxe professionnelle.
Le nécessaire rattachement des recettes à une installation professionnelle en France
Sur le fond, la Cour a considéré que l’ensemble des recettes professionnelles du médecin devaient être rattachées à son Cabinet situé en France et constituaient donc des revenus de source française au sens des dispositions de l’article 164 B du Code Général des Impôts, même si certains clients n’étaient pas eux-mêmes résidents en France ou affiliés à la Sécurité Sociale française.
En effet, les éléments factuels invoqués par l’intéressé pour critiquer ce rattachement n’ont pas été jugés pertinents.
Le requérant avait fait valoir que le lieu d’exercice de sa profession n’était pas unique et qu’il pratiquait également la médecine à Monaco soit au Cabinet de son épouse soit au domicile de ses parents. Il faisait également valoir, ce qui n’est pas contestable, que s’il était inscrit sur le tableau de l’Ordre des Médecins dans les Alpes-Maritimes, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu’il exerce à Monaco.
Mais la Cour a considéré qu’il ne résultait cependant d’aucune pièce du dossier que le contribuable avait effectivement exercé la profession de médecin à Monaco, qu’il n’était pas répertorié dans l’annuaire en qualité de médecin avant le transfert de son Cabinet dans la Principauté, qu’il n’avait pas établi que sa plaque professionnelle était apposée au Cabinet de son épouse ni qu’il disposait à son domicile monégasque d’une boîte aux lettres professionnelle, que ses feuilles d’ordonnance ne mentionnent que l’adresse et le numéro de téléphone de son Cabinet de Beausoleil, que le numéro d’identification qu’il avait porté sur les feuilles de soin monégasques indiquait son adresse professionnelle en France, qu’il ne produisait aucun document permettant d’apprécier la réalité de ses allégations et que s’il était conventionné avec l’ensemble des Caisses de Sécurité Sociales monégasques cette circonstance tenait à la proximité immédiate de Beausoleil et de la Principauté ne permettait pas d’établir l’existence d’une activité professionnelle à Monaco alors qu’il ne s’est jamais prévalu de l’existence d’un Cabinet secondaire au cours de la vérification.
Enfin, les attestations stéréotypées de ses patients ont été considérées comme n’ayant aucune valeur probante et qu’ainsi il n’était pas établi que l’intéressé avait exercé son activité professionnelle en partie à Monaco.
Dans ces conditions, il est apparu à la Cour que les recettes de l’intéressé ne pouvaient être rattachées qu’à son installation professionnelle en France de même que son activité.
On peut se demander quelle aurait été la position de la Cour si l’intéressé avait pu démontrer effectivement l’existence en Principauté d’une installation professionnelle à partir de laquelle il pouvait rendre une partie de ses prestations. Le raisonnement suivi par la Cour conduit à considérer que dans un tel cas, la partie de ses recettes correspondantes aurait été exonérée, mais la répartition entre recettes imposables et recettes non imposables n’aurait pas pu résulter simplement de la distinction entre les honoraires provenant de patients à auxquels l’Assurance Maladie française et les honoraires provenant de patient rattachés aux Caisses d’Assurance Maladie monégasques ; car ce rattachement est tout à fait indépendant du lieu de l’exercice effectif de la prestation.
Bien que, sur le fond, la Cour ait approuvé la position des Services Fiscaux et confirmé les redressements en matière de taxe professionnelle, elle a cependant accordé à l’intéressé la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu pour des raisons formelles, c’est-à -dire en raison de l’insuffisance de motivation.
Un redressement insuffisamment motivé
Il apparaît, en effet, que le vérificateur ne s’était pas préoccupé dans sa notification de redressements de justifier les raisons pour lesquelles les honoraires étaient imposables en France, c’est-à -dire, étaient des revenus de source française, oubliant ainsi que le contribuable, n’ayant pas son domicile fiscal en France, ne pouvait être imposé qu’à partir du moment où l’Administration justifiait en droit et en fait qu’il s’agissait de revenus de source français au sens de l’article 164 B du Code Général des Impôts.
Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’une notification de redressement doit être suffisamment motivée pour que l’intéressé puisse présenter ses observations en toute connaissance de cause, ce qui suppose que le vérificateur indique expressément sur quel article du Code Général des Impôts il fonde ses redressements.
L’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille a donc pour premier mérite de confirmer que les personnes qui ont leur domicile fiscal à Monaco, au sens de la Convention de 1963 ou des dispositions prises par la Commission franco-monégasque pour l’application de celle-ci, ne sont imposables que sur leurs revenus de source française quelle que soit la localisation du lieu d’exercice de leur profession principale ou du centre de leurs intérêts économiques.
L’Arrêt confirme également les conséquences d’une insuffisante motivation d’une notification de redressement (ou, pour employer la nouvelle terminologie, d’une proposition de rectification) qui prive le contribuable d’une garantie fondamentale et ne permet pas un véritable débat contradictoire, conséquence qui est l’annulation pure et simple de l’impôt, même si celui-ci peut paraître fondé sur le fond.
Pierre-Marie FONTANEAU
Avocat
Rédacteur en Chef
CAHIERS FISCAUX EUROPEENS