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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 159
(Année 2009)
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Dans les années 1990, la France a créé deux prélèvements sociaux : l’un par la loi de finances pour 1991 intitulé « Contribution Sociale Généralisée » (C.S.G.), l’autre par l’ordonnance numéro 96-50 du 24 janvier 1996 intitulée « Contribution au Remboursement de la Dette Sociale » (C.R.D.S.).
DES PRELEVEMENTS A TRES LARGE BASE
Ces prélèvements s’appliquent sur des revenus similaires à des taux différents.
En effet, la C.R.D.S. frappe au taux uniforme de 0,5%Â :
-      les revenus d’activité et de remplacement ;
-      les revenus du patrimoine ;
-      les produits de placements à revenus fixes soumis au prélèvement libératoire ;
-      les revenus de l’épargne exonérés d’impôt sur le revenu ;
-      les ventes de métaux et objets précieux ;
-      une fraction des sommes misées sur les jeux de la « Française des Jeux » ou au PMU ainsi qu’une fraction du produit brut des jeux réalisés dans les Casinos.
En revanche, la C.S.G. se décompose en trois contributions distinctes :
-      une contribution sur les revenus d’activité et de remplacement ;
-      une contribution sur les revenus du patrimoine ;
-      une contribution sur les produits de placements à revenus fixes soumis à prélèvement obligatoire.
Le taux et les règles de déductibilité sont différents suivant les revenus.
En effet, la C.S.G. s’applique avec un taux de 7,5% pour les revenus d’activité et elle est déductible à hauteur de 5,1%.
Ce taux est différent pour les revenus de remplacement, puisqu’il est limité à 6,2% dans le cas général et à 3,8% pour les assujettis au taux réduit sachant que la fraction déductible est de 2,4% dans le premier cas et l’intégralité dans le deuxième.
Les produits de placement sont les plus durement touchés : l’assujettissement à la C.S.G. portée à 7,5% n’a aucune contrepartie.
En ce qui concerne les revenus du patrimoine, le taux est de 7,5%. Cependant, la déductibilité à hauteur de 5,1% ne joue que pour les revenus imposés selon le barème progressif et non pour les plus-values et profits taxés à un taux proportionnel et pour les produits de placement à revenu fixe soumis à prélèvement libératoire ou exonérés d’impôt sur le revenu.
Pour ces deux catégories de revenus, des prélèvements supplémentaires atteignent, au total, 3,4%.
DES PRELEVEMENTS A LA CHARGE DES PERSONNES FISCALEMENT DOMICILIEES EN FRANCE
Ces prélèvements, destinés à financer la Sécurité Sociale, sont dus, sauf exception par toutes les personnes physiques fiscalement domiciliées en France. L’Administration fiscale considérait qu’il n’y avait pas lieu de distinguer selon que la domiciliation fiscale en France résulte de l’application d’une convention internationale ou à défaut, des dispositions de l’article 4B du Code Général des Impôts qui répute fiscalement domiciliées en France les personnes ayant leur foyer ou le lieu de leur séjour principal en France ou qui exercent leur activité professionnelle ou y ont le centre de leurs intérêts économiques.
Ces personnes y sont donc redevables sur l’ensemble des revenus assujettis y compris ceux de source étrangère.
A l’inverse, les personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France échappent à la C.S.G.-C.R.D.S. sur tous leurs revenus, y compris ceux de source française. Elles doivent donc apporter la preuve de leur non-domiciliation fiscale à l’entreprise ou à l’organisme en charge du précompte de la contribution afin d’éviter que celui-ci ne soit effectué.
En application de ces règles générales et de la convention franco-monégasque de 1962, la situation à Monaco paraissait donc être la suivante :
-      les personnes de nationalité autre que française, qui résident à Monaco et y ont leur foyer, ne sont pas assujetties à la C.S.G.-C.R.D.S., y compris pour leurs revenus de source française, sauf si elles sont réputées comme fiscalement domiciliées en France par application de l’article 4B du Code Général des Impôts, c’est-à -dire si elles exercent en France leur activité professionnelle ou y ont le centre de leurs intérêts économiques ;
-      les français titulaires d’un certificat de domicile à Monaco, c’est-à -dire les français dits privilégiés, ne sont pas assujettis à la C.S.G.-C.R.D.S., même sur leurs revenus de source française y compris ceux tirés de l’exercice d’une activité professionnelle en France ;
-      les français résidant à Monaco mais qui ne sont pas titulaires d’un certificat de domicile, c’est-à -dire les français dits non privilégiés, sont assujettis à la C.S.G.-C.R.D.S sur la totalité de leurs revenus y compris les revenus de source monégasque ;
-      les personnes qui résident ou ont leur foyer en France et travaillent à Monaco quelle que soit leur nationalité sont assujetties à la C.S.G.-C.R.D.S. sur la totalité de leurs revenus y compris ceux provenant de leur activité professionnelle à Monaco.
L’assujettissement de ces deux dernières catégories de personnes à la C.S.G.-C.R.D.S. a posé des problèmes de droit délicats et traduit de la part des organismes percepteurs une particulière rigueur puisque ces personnes ne bénéficient pas des contreparties qui ont, notamment, accompagné l’institution de la C.S.G.
Les problèmes de droit ont été soumis aux juridictions compétentes et les Décisions que les juridictions ont rendues ont obligé les Autorités françaises à revenir sur leur position inutiles et ont abouti, dans la plupart des cas, à l’exonération des personnes concernées.
LA C.S.G. : IMPOT OU COTISATION SOCIALE
Alors que la C.R.D.S. a toujours été considérée comme une cotisation sociale, un long débat est intervenu afin de déterminer la nature juridique de la C.S.G., détermination qui a une réelle répercussion sur l’application de la convention franco-monégasque. Le point fondamental est de savoir si la C.S.G. est un impôt ou une cotisation sociale.
En effet, si la C.S.G. est une forme d’impôt sur le revenu, le problème qui s’est posé est de savoir si la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 était applicable.
Selon cette convention, les personnes physiques de nationalité française qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 sont assujetties en France à l’impôt sur le revenu, et en conséquence à la C.S.G.
D’autre part, cette convention ne s’oppose pas à ce que les personnes fiscalement domiciliées en France et qui perçoivent des revenus de source monégasque, notamment des revenus salariaux ou des revenus provenant d’une activité professionnelle indépendante exercée à Monaco, soient assujetties en France à la C.S.G., conformément au droit interne français.
Ainsi le Ministre chargé de la sécurité sociale a estimé que sont assujetties à la C.S.G. toutes les personnes domiciliées fiscalement en France au sens retenu pour l’impôt sur le revenu. Les français qui résident à Monaco tout en étant domiciliés fiscalement en France sont donc assujettis à la C.S.G. (Réponse. De Cuttoli, Sénat. 25 juillet 1991).
De plus, selon le Ministre du Budget, peu importe que la convention franco-monégasque de 1963 ne vise pas cette contribution, instituée postérieurement. En effet, « La convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 ne contient pas d’engagement par lequel la France aurait limité ou abandonné son droit d’appliquer des prélèvements fiscaux sur le revenu tels que la C.S.G.  Dès lors, toute personne considérée comme ayant son domicile en France pour l’établissement de l’impôt français sur le revenu est soumise à cette contribution » (Réponse Aubert A.N. 30 Août 1993 ».
Cependant, nous le verrons, la position du Juge Administratif a été différente.
En revanche, si la C.S.G. est une cotisation sociale, l’assujettissement de la C.S.G. dépend du régime de Sécurité Sociale auquel l’intéressé est assujetti. Dès lors, les personnes qui sont assujetties au régime monégasque de Sécurité Sociale en raison de l’exercice d’une activité professionnelle salariée ou non salariée à Monaco, devraient être exonérées de la C.S.G. quel que soit le pays de résidence de l’intéressé ou sa situation au regard de l’impôt français sur le revenu.
Or, la C.S.G. apparaît comme un prélèvement hybride, dont la qualification d’impôt ou de cotisation sociale peut faire l’objet de discussions.
En effet, la C.S.G. s’apparente à une cotisation sociale, dans la mesure où en définitive, elle est versée à la Sécurité Sociale, et non au budget de l’État. Elle est votée dans le cadre de la loi sur le financement de la sécurité sociale et non dans celui de la loi de finances.
D’autre part, s’agissant des cotisations atteignant les revenus d’une activité professionnelle, la perception est assurée par l’URSSAF selon les mêmes modalités que les cotisations d’allocations familiales.
En revanche, la C.S.G. n’était pas à l’origine déductible pour le calcul de l’impôt sur le revenu, contrairement aux cotisations sociales. Mais la loi sur le financement de la sécurité sociale pour 1998 l’a rendue en grande partie déductible, et de plus a créé un lien de substitution entre cette taxe et les contributions de sécurité sociale.
Cependant, s’agissant des revenus ne découlant pas d’une activité, elle est perçue suivant les mêmes modalités que l’impôt sur le revenu correspondant, ce qui l’apparente à un impôt.
Par ailleurs, la loi de finances rectificative pour 1993 précise le champ d’application de la C.S.G. en indiquant que sont assujetties à cette contribution les personnes « considérées comme domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu ». Il résulte des débats parlementaires que cette nouvelle rédaction est destinée à enlever toute incertitude en ce qui concerne l’assujettissement à la C.S.G. des personnes dont la domiciliation fiscale en France résulte non de l’article 4B-2 du Code Général des Impôts, (qui étaient déjà visés par la précédente rédaction et qui le demeurent) mais d’une convention fiscale internationale en matière d’impôt sur le revenu.
Il est ainsi confirmé que la France considère que les conventions fiscales en matière d’impôt sur le revenu s’appliquent à la C.S.G.
Enfin il faut noter que le Conseil Constitutionnel a assimilé la C.S.G. à un impôt, alors que pour la Commission des Communautés Européennes, il s’agit d’une cotisation sociale.
Le recouvrement de la C.S.G. sur les salaires perçus à l’étranger a posé un problème particulier, car ce recouvrement est confié à l’URSSAF comme celui des cotisations de Sécurité Sociale et non aux Services Fiscaux.
Les incertitudes quant au recouvrement de ces prélèvements sont quasiment identiques. Cependant, leur évolution historique mérite qu’on les sépare afin de constater les difficultés auxquelles l’administration fiscale française était confrontée.
LA CSG SUR LES REVENUS D’ACTIVITE
En ce qui concerne la C.S.G., l’URSSAF se fondait sur la qualification d’impôt et soutenait que le fait de cotiser à un régime étranger de Sécurité Sociale n’avait aucune incidence sur l’exigibilité de la C.S.G., l’application d’un texte relatif à la Sécurité Sociale n’intervenant que dans les modalités pratiques de versement de la cotisation.
L’URSSAF avait donc entrepris, en utilisant les sources d’information résidant, d’une part dans les fichiers transmis par l’administration fiscale et, d’autre part, dans les informations individuelles recueillies par voies d’échanges entre administrations, d’immatriculer d’office et d’assujettir à la contribution sociale généralisée :
-      d’une part, les personnes résidant en France et exerçant à Monaco une activité professionnelle salariée ou non salariée ;
-      d’autre part, les français résidant à Monaco et qui sont réputés fiscalement domiciliés en France par la convention fiscale franco-monégasque de 1962.
Quel que soit son fondement sur le plan légal, cette application de la C.S.G. par l’URSSAF avait été très mal ressentie par les intéressés et avait suscité une vive émotion chez les français de Monaco et les travailleurs frontaliers.
En effet, ceux-ci faisaient à juste titre remarquer que, dans la mesure où ils étaient assujettis au régime de Sécurité Sociale monégasque, ils ne bénéficiaient pas des allégements de certaines cotisations du régime de Sécurité Sociale français qui avaient accompagné l’institution de la C.S.G.
Cela sera d’ailleurs de plus en plus vrai, puisque la volonté affichée du Gouvernement français est de transférer sur la C.S.G. une part de plus en plus importante du financement de la Sécurité Sociale française.
D’autre part, il faut noter que ce prélèvement introduisait une discrimination supplémentaire entre les personnes de nationalité française ou de résidence française et les autres personnes résidant ou travaillant à Monaco qui ne sont pas soumises à ce prélèvement.
Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nice avait été saisi d’un recours contre la décision de l’URSSAF.
Le Ministre français des Affaires Sociales et les instances européennes avaient également été saisis ainsi que la Commission Informatique et Libertés, à propos de la constitution du fichier des 20.000 immatriculés.
A la suite de l’ouverture d’une procédure d’infraction par la Commission des Communautés Européennes, le Ministre des Affaires Sociales avait décidé de suspendre toute procédure de recouvrement, d’identification, d’immatriculation et d’envoi de mise en demeure pour les titulaires de revenus d’activité ou de remplacement provenant de l’étranger.
La lettre adressée à ce sujet par le Ministre au Préfet de région et à l’agence centrale des organismes de sécurité sociale reconnaissait que la perception de la C.S.G. auprès de ces catégories de salariés s’était heurtée à de sérieuses difficultés mettant notamment en lumière certaines insuffisances des bases juridiques des modalités de recouvrement envisagées.
Dans l’attente de la détermination d’éventuelles nouvelles modalités d’assujettissement et de recouvrement de la C.S.G., le Ministre avait donc gelé l’ensemble du processus de perception de la taxe mais avait précisé qu’il n’y avait pas lieu d’accepter les demandes éventuelles de remboursement de la C.S.G.
Sur le fond, toutefois, le Ministre n’avait donné aucun espoir précis d’exemption.
Le projet de loi sur le financement de la Sécurité Sociale discuté en décembre 1996 prévoyait que le recouvrement de la C.S.G. sur les revenus d’activité ou de remplacement serait confié aux services fiscaux, par analogie à ce qui est prévu pour la C.R.D.S., ce qui aurait mis fin à leur exonération de fait, mais cette disposition a été retirée du texte finalement adopté, ce qui démontre qu’elle se heurtait à de sérieux obstacles juridiques.
Le statu quo a donc été maintenu et les personnes exerçant une activité à Monaco demeuraient donc de facto exonérées de la C.S.G. sur les revenus de cette activité, quelle que soit leur situation vis-à -vis de l’impôt français sur le revenu.
Toutefois, la législation française n’ayant pas été modifiée pour se conformer à la législation communautaire, la Commission avait adressé en décembre 1997 un avis motivé aux autorités françaises pour leur demander de remplir leurs obligations et celles-ci ne s’étant pas conformées à cet avis, avait saisi la Cour de Justice des Communautés Européennes.
En ce qui concerne la C.R.D.S., les difficultés furent les mêmes sauf que l’ordonnance qui a institué la C.R.D.S. prévoyait des modalités de recouvrement particulières pour la contribution afférente aux revenus d’activité et de remplacement de source étrangère.
Cette disposition visait à faire recouvrer par les services fiscaux et non par l’URSSAF, comme cela avait été envisagé sans succès pour la C.S.G., la C.R.D.S. sur les revenus d’activité et de remplacement des frontaliers.
Le texte précise que : « ces revenus sont soumis à la C.R.D.S. pour leur montant entendu avant application des déductions pour frais professionnels (de 10 % et, le cas échéant, des déductions forfaitaires supplémentaires) de l’abattement de 10 % propre aux pensions de retraites et de l’abattement général de 20 %.
Les titulaires de ces revenus devront les mentionner distinctement sur leur déclaration fiscale annuelle de revenus ».
Cette obligation déclarative concernait donc les personnes qui ont leur domicile fiscal en France et qui exercent une activité professionnelle à Monaco.
L’administration française avait donc mis en recouvrement la C.R.D.S. à l’encontre des résidents monégasques réputés fiscalement domiciliés en France et des résidents français travaillant à Monaco. Ceux-ci ont engagé des recours contre cet assujettissement et pouvaient s’appuyer sur la position prise par les autorités européennes. En effet, la Commission européenne considère que cette contribution est une cotisation de sécurité sociale qui ne peut être exigée des travailleurs frontaliers qui relèvent du système de sécurité sociale de l’État membre dans lequel ils travaillent. C’est pourquoi elle a décidé de déférer la France devant la Cour de Justice des Communautés Européennes.
En application de ce principe, les français ou résidents français travaillant à Monaco ne devraient pas être assujettis à la C.R.D.S.
Dans l’attente de la décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes, des mesures, qui concernent en particulier les travailleurs frontaliers résidant en France, avaient été exposées par le secrétaire d’État au budget dans une réponse à une question orale par un député (Réponse Binaux, JO AN 2 décembre 1998, page 9727), sans que soit pour autant remis en cause l’assujettissement et le recouvrement de la C.R.D.S. assise sur les revenus de source étrangère.
En premier lieu, la C.R.D.S. était mise en recouvrement, mais les comptables du Trésor étaient autorisés à dispenser de la constitution de garanties les contribuables ayant déposé une réclamation assortie d’une demande de sursis de paiement. Ceux qui ne l’auraient pas fait à ce jour pouvaient, s’ils le souhaitaient, se rapprocher du centre des impôts dont ils dépendaient afin de déposer une réclamation.
En ce qui concerne les organismes de retraites complémentaires qui ne sont pas sous la tutelle de l’État, et avec lesquels les intéressés sont liés par un contrat de droit privé, il apparaissait plus difficile d’exiger un remboursement intégral de la C.R.D.S. prélevée à tort antérieurement à la réclamation.
En outre, il avait été indiqué aux comptables du Trésor que les frais de poursuite ainsi que la majoration de 10 % pouvaient faire l’objet d’une remise gracieuse.
Enfin, les services fiscaux avaient reçu pour consigne de surseoir, dans l’attente de la décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes, à l’examen des réclamations portant sur la C.R.D.S. des travailleurs frontaliers.
LES ARRETS RENDUS PAR LA C.J.C.E.
Deux arrêts tant attendus de la Cour de Justice des Communautés Européennes ont été rendus le 15 février 2000, l’un portant sur la C.S.G. et l’autre sur la C.R.D.S.
En ce qui concerne la C.S.G., la Cour a jugé que :
« En appliquant la contribution sociale généralisée aux revenus d’activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants qui résident en France, mais qui, en vertu du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 dudit règlement ainsi que des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE) ».
La décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes concernant la C.R.D.S. est analogue à celle rendue en matière de C.S.G.
Ces deux arrêts, conformes aux attentes des intéressés, ont donc la même portée, les mêmes limites (les revenus autres que ceux d’activité et de remplacement ne sont pas visés) et suscitent les mêmes interrogations en ce qui concerne son application aux personnes qui ne travaillent pas dans un État membre de l’Union européenne, ce qui est le cas des personnes travaillant à Monaco.
En effet, la Cour a elle-même limité la portée de son arrêt en précisant que « le présent recours ne concerne la perception de la C.S.G. (ou C.R.D.S.) que dans la mesure où elle porte sur les revenus d’activité ou de remplacement obtenus par des travailleurs salariés ou indépendants résidant en France et relevant fiscalement de cet État membre à l’occasion d’une activité professionnelle qu’ils exercent ou ont exercée dans un autre État membre et qui, de ce fait, sont soumis au régime de sécurité sociale de cet État d’emploi conformément aux dispositions du règlement n° 1408/71 ».
Ainsi, la perception de la C.S.G. ou de la C.R.D.S. sur les revenus du capital perçus par des français « non privilégiés » résidant à Monaco n’est pas remise en cause par cet arrêt.
D’autre part, Monaco n’est pas un État membre de l’Union européenne, et le règlement CEE n° 1408/71 ne s’applique pas aux résidents français travaillant à Monaco. Ainsi, la jurisprudence de la Cour de Luxembourg ne s’applique pas directement à ces personnes.
L’EXONERATION DES PERSONNES FISCALEMENT DOMICILIEES EN FRANCE MAIS TRAVAILLANT A MONACO
Les Ministres français concernés ont indiqué que la France se conformerait aux décisions de la Justice européenne, que les litiges en cours seront réglés conformément à ces décisions et que les personnes concernées par ces arrêts, qui auront acquitté ces prélèvements, seront remboursées sur leur demande.
Les demandes concernant la C.S.G. devaient être adressées à l’URSSAF.
Les réclamations concernant la C.R.D.S. devaient être présentées au centre des impôts avant le 1er janvier 2003 et pouvaient porter sur l’intégralité de la période écoulée depuis le 1er février 1996, date d’entrée en vigueur de la contribution.
D’autre part, le Secrétaire d’État à la Santé et à l’Action Sociale a précisé, en réponse à une question orale d’un Sénateur, que la solution adoptée par la Cour de Justice des Communautés Européennes sera appliquée aussi bien aux frontaliers travaillant en Suisse qu’aux autres frontaliers (J.O. Sénat 8 mars 2000).
Bien que le cas des frontaliers travaillant à Monaco n’ait pas été cité, il n’y a pas de raison que leur situation soit examinée différemment de celle des frontaliers travaillant en Suisse, État qui, comme Monaco, ne fait pas partie de l’Union Européenne et qui, également comme Monaco, est lié à la France par une convention sur la Sécurité Sociale.
Il semble donc que le cas des résidents français travaillant à Monaco ne devrait pas être traité comme un cas particulier par rapport aux autres frontaliers.
Le Ministre français de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, ainsi que celui de l’Emploi et de la Solidarité, ont indiqué qu’ils se conformeront à la décision de la Cour, que les litiges en cours seront réglés conformément à cette décision et que les personnes qui auraient acquitté ce prélèvement seront remboursées sur leur demande.
L’Ordonnance du 2 mai 2001, prise pour mettre la législation française en conformité avec la législation communautaire, a définitivement résolu le problème des travailleurs frontaliers.
En effet, l’Ordonnance institue un double critère d’assujettissement à la C.S.G. et à la C.R.D.S. sur les revenus d’activité et les revenus de remplacement, puisque, selon l’article L 136-1 modifié du Code de la Sécurité Sociale, ne seront désormais soumises à ces prélèvements que les personnes à la fois :
– considérées comme domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu ;
– et à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire français d’assurance maladie.
L’assujettissement des agents publics obéit aux mêmes règles, en vertu du 2° de l’article L 136-1 du Code de la Sécurité Sociale.
L’Ordonnance a une portée générale, dépassant le cas de déplacements de travailleurs entre la France et un autre pays de l’Espace économique européen : ainsi, échappe à la C.S.G. et à la C.R.D.S. toute personne qui relève d’un régime d’assurance maladie étranger. Le texte ne distingue pas selon qu’il s’agit du régime d’assurance maladie d’un pays de l’Espace économique européen ou d’un autre pays.
Il en résulte donc que les personnes qui relèvent du régime d’assurance maladie monégasque ne sont pas assujetties à la C.S.G. et à la C.R.D.S. sur leurs revenus d’activité et de remplacement.
Les sommes qu’ils auraient indûment versées leur seront remboursées.
L’article L 136-1 nouveau du Code de la Sécurité Sociale dispense également de la C.S.G. et de la C.R.D.S. les travailleurs étrangers qui, détachés en France, demeurent assujettis au régime d’assurance maladie de leur pays d’origine, en raison du caractère temporaire de leur détachement en France, et ce même s’ils sont fiscalement domiciliés en France.
Le maintien de l’assujettissement au régime d’assurance maladie du pays d’origine résulte soit de l’application du règlement européen cité plus haut, soit d’une convention bilatérale entre la France et le pays d’origine de la personne détachée.
En outre, dans la mesure où la convention générale de sécurité sociale entre la France et Monaco prévoit la prise en charge des prestations en nature des assurances maladie et maternité par l’État de résidence, les Caisses de retraite françaises ne peuvent pas prélever la C.S.G. sur les retraites servies à des personnes résidant à Monaco.
En dépit de la clarté de ces textes, certains centres des impôts ont fait preuve de réticence dans son application, du moins pour les années antérieures à la décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes.
Interrogé à ce sujet par un élu local, le Chef du Cabinet du Ministre de l’Économie et des Finances a confirmé qu’il sera fait droit aux demandes de remboursement pour ce qui concerne les cotisations mises à charge depuis 1996. Ceci implique a fortiori que les cotisations qui n’ont pas été payées ne doivent pas être réclamées.
En ce qui concerne les organismes de retraite complémentaire qui ne sont pas sous la tutelle de l’État et avec lesquels les intéressés sont liés par un contrat de droit privé, il apparaît plus difficile d’exiger un remboursement intégral de la C.S.G. prélevée à tort antérieurement à la réclamation qui devra leur être faite, de préférence par lettre recommandée pour avoir une date certaine.
En revanche, il faut noter que rien n’avait changé en ce qui concerne les contributions sociales frappant les revenus autres que ceux d’activité ou de remplacement, c’est-à -dire les revenus du patrimoine.
LA C.S.G. SUR LES REVENUS DU PATRIMOINE
ET LES PRODUITS DE PLACEMENT
Si l’URSSAF avait ainsi dû renoncer à exiger la C.S.G. sur les salaires perçus à Monaco par les personnes domiciliées en France, ou qui sont réputées y être domiciliées par la convention franco-monégasque en matière d’impôt sur le revenu, les revenus mobiliers perçus par les français « non privilégiés » résidant à Monaco étaient toujours assujettis à la C.S.G. et les banques et établissements financiers étaient tenus d’opérer la retenue à la source correspondante sur ces revenus.
Pour ces revenus, le seul critère d’assujettissement demeure la localisation en France du domicile fiscal, et l’administration fiscale française en avait déduit que les français établis en Principauté mais qui sont réputés avoir leur domicile fiscal en France en vertu de la convention franco monégasque de 1963, demeurent assujettis aux contributions sociales sur les revenus de leur patrimoine, même si ces revenus ne sont pas de source française.
Une telle interprétation est très contestable. En effet, si les textes qui régissent la C.S.G. et à la C.R.D.S. se réfèrent à la définition du domicile fiscal donné par l’article 4B du Code Général des Impôts, ils ne créent nullement un lien obligatoire entre assujettissement à l’impôt sur le revenu et assujettissement aux prélèvements sociaux. Or, si les français « non privilégiés » qui résident à Monaco sont réputés avoir leur domicile fiscal en France, ce n’est pas sur le fondement de l’article 4B du Code Général des Impôts mais sur celui de l’article 7 de la convention franco-monégasque de 1963. Cet article ne vise que l’impôt sur le revenu français, et non les prélèvements sociaux qui n’existaient pas à l’époque et la rédaction de cet article ne prévoit nullement une possibilité d’extension à des impositions qui viendraient à être créées par la suite, même si ces impositions pouvaient être considérées comme étant de nature identique à l’impôt sur le revenu.
S’agissant d’une question de principe dont la solution aura des effets sur un grand nombre de contribuables, le Tribunal Administratif de Nice, avant de trancher un litige qui lui était soumis, a saisi pour avis le Conseil d’État.
L’AVIS DU CONSEIL D’ETAT : L’ARTICLE 7 DE LA CONVENTION DE 1963 NE PERMET PAS L’ASSUJETTISSEMENT AUX PRELEVEMENTS SOCIAUX DES FRANCAIS DE MONACO
La section du contentieux du Conseil d’État a rendu, le 10 novembre 2004, l’avis suivant, qui donne toute satisfaction aux intéressés :
« Par les quatre jugements susvisés, le Tribunal Administratif de Nice a posé au Conseil d’État à titre préjudiciel la même question à laquelle il y a lieu de faire une réponse unique.
En vertu de l’article 4A du Code Général des Impôts, seules les personnes qui ont en France leur domicile fiscal au sens de l’article 4B de ce Code sont passibles de l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de leurs revenus, alors que les autres ne sont passibles de cet impôt qu’à raison de leurs revenus de source française.
Par dérogation à cette disposition, l’article 7 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la France et la Principauté de Monaco stipule que : « I – Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence – ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 – seront assujetties en France à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire à la même condition que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France ».
Après la suppression de la taxe complémentaire par l’article 5 de la loi du 24 décembre 1969, l’article 2-1 de la loi du 21 décembre 1970 a prévu que l’impôt sur le revenu des personnes physiques prendrait le nom d’impôt sur le revenu.
C’est donc pour ce seul impôt que la France trouve dans l’article 7 précité le droit d’imposer ceux de ses nationaux qui ont transporté à Monaco leur domicile ou leur résidence.
En vertu des dispositions combinées des articles 1600-O-C, 1600-Ofbis et 1600-O-G du Code Général des Impôts et des articles L136-1, L136-6 du Code de la Sécurité Sociale, certaines sommes soumises à l’impôt sur le revenu sont également passibles de la Contribution Sociale Généralisée, d’un prélèvement social de 2 % au profit de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés et d’une contribution pour le remboursement de la dette sociale.
En instituant ces trois impositions et alors même qu’il a renvoyé, pour les règles régissant leur établissement, leur recouvrement et leur contentieux, celles qui régissent l’impôt sur le revenu, le législateur ne s’est pas borné à majorer un impôt existant, mais il a créé des contributions nouvelles distinctes de l’impôt sur le revenu.
Par suite, les stipulations précitées de la convention franco-monégasque ne peuvent suffire à justifier que les nationaux français qui ont transporté à Monaco leur domicile ou leur résidence, soient soumis à ces trois contributions.
A la suite de cet avis du Conseil, l’Administration a procédé aux dégrèvements qui s’imposaient et le Tribunal Administratif de Nice a rendu des jugements conformes à cet avis.
En résumé, les personnes qui ont leur domicile fiscal en France, en vertu de l’article 4B du CGI, mais qui perçoivent des revenus résultant d’une activité professionnelle exercée à Monaco, sont exonérées de C.S.G. et de C.R.D.S. sur lesdits revenus. Elles sont, en revanche, assujetties à la C.S.G. et à la C.R.D.S. et aux autres prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
Les français qui résident à Monaco, même s’ils sont réputés avoir leur domicile fiscal en France aux termes de la convention de 1963, sont exonérés de la C.S.G. et la C.R.D.S. et des autres prélèvements sociaux.
Isabelle FONTANEAU
Rédacteur Juridique
D.E.S.S. Droit des affaires et fiscalité
CABINET FONTANEAU