LA PREUVE DE LA RESIDENCE FISCALE DES FRANCAIS A MONACO

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Article publié dans la Revue « Fiscalité Européenne et Droit International des Affaires » N° 159

(Année 2009)

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La Convention du 13 octobre 1962 a pour effet aux termes de son article 7.1 d’attraire en France le domicile fiscal des personnes de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962.

Ces dispositions ne sont cependant applicables, selon l’Arrêt de la Cour Administrative de Marseille du 1er septembre 2009, qu’aux personnes qui ont procédé au transfert de leur domicile à Monaco et non à celles qui sont domiciliées en Principauté depuis leur naissance.

Le domicile à Monaco s’entend de la résidence habituelle ou du lieu de séjour principal à condition que ce séjour soit effectif.

Ainsi, les personnes qui ont conservé en France le centre de leurs intérêts économiques sont considérées néanmoins comme domiciliées en Principauté si elles ou leur famille peuvent justifier par tout moyen de leur séjour effectif.

LE CERTIFICAT DE DOMICILE

Le certificat de domicile est la matérialisation juridique de la résidence habituelle à Monaco. Il s’agit d’une attestation constatant une résidence de fait.

Le certificat de domicile est la matérialisation juridique de l’installation à Monaco à une date antérieure au 13 octobre 1957, il atteste en outre que le séjour y est effectif, permanent et continu depuis cette date.

Ce certificat trouve son origine dans l’article 6 de la Convention franco-monégasque de 1945 que reprend l’article 14 de la Convention de 1951. « Les personnes de nationalité française qui sont passibles en France des impôts directs en raison de leur domicile ou de leur résidence et qui transportent à Monaco leur domicile ou cette résidence demeurent soumises en France aux impôts tant qu’elles n’ont pu produire un certificat délivré par le Ministre d’Etat à la Principauté après avis du Consul Général de France et constatant qu’elles ont eu en fait leur résidence habituelle à Monaco depuis cinq ans au moins ».

La Convention de 1963 ne prévoyant rien pour la délivrance de nouveaux certificats, le 13 octobre 1962 devant être en principe la date limite pour la constatation de la résidence en Principauté. Pour pouvoir bénéficier du certificat de domicile il fallait donc prouver sa résidence habituelle en Principauté au 13 octobre 1957.

Par contre, la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ne prévoit plus de délivrance, par le Ministre de l’Etat de la Principauté, de certificat de domicile attestant la résidence habituelle à Monaco depuis une période donnée.

En revanche, l’article 22 du titre V de la Convention consacré à l’assistance administrative dispose que le Gouvernement Princier procédera, avant le 1er juillet 1963, en liaison avec l’Administration française, à la révision de la situation des Français titulaires d’un certificat de domicile délivré en application de la Convention du 23 décembre 1951 afin de vérifier si les intéressés ont bien conservé leur résidence habituelle à Monaco.

En réalité, les retraits auxquels il a été effectivement procédé après révision ont concerné essentiellement des personnes qui auraient quitté la Principauté.

Enfin, pour éviter les abus qui pourraient résulter de la possession de certificats, dans le cas où ceux-ci ne correspondraient plus à la situation de leur détenteur, l’article 22-3 de la Convention de 1963 dispose que « si l’Administration française recueille des renseignements lui permettant de penser qu’un titulaire dudit certificat de domicile n’a plus effectivement à Monaco sa résidence habituelle, elle peut demander à l’Administration monégasque de mettre l’intéressé en demeure de justifier de cette résidence et à défaut de lui retirer son certificat, au besoin avec effet au jour où cette condition a cessé d’être remplie.

En réalité, les demandes de retrait déposées par la France se sont avérées exceptionnelles.

Enfin, alors que sous l’emprise des Conventions de 1945 et 1951 le certificat de domicile était délivré une fois pour toute et avait une validité permanente, l’article 22 de la Convention de 1963 a prévu expressément le renouvellement du certificat de domicile dont la validité est limitée à trois ans.

Chaque détenteur d’un certificat de domicile doit donc en faire prolonger la durée par l’Administration monégasque en apportant la preuve de sa résidence à Monaco.

Si les conditions de résidence sont respectées, le renouvellement du certificat ne peut être refusé, ce qui explique que les seuls litiges possibles portent sur l’appréciation de la résidence effective.

Si les renseignements recueillis lors de l’enquête donnent à penser que la condition n’est pas remplie, l’Administration monégasque peut mettre en demeure l’intéressé de justifier de cette résidence et à défaut, lui retirer son certificat de domicile.

La circonstance que le contribuable a déplacé en France le centre de ses intérêts économiques n’est pas suffisante pour justifier le retrait du certificat.

La révision de certificat de domicile n’a en réalité fait que constater les départs effectifs depuis plusieurs années et leur renouvellement se fait dans le respect des droits acquis. Les retraits sont rares.

Les principes exposés ci-dessus amènent à se poser deux questions :

- quelles sont les circonstances qui peuvent entraîner le refus du renouvellement du certificat de domicile ?

- en l’absence de certificat de domicile, est-il possible aux intéressés d’apporter la preuve de leur résidence habituelle à Monaco avant le 13 octobre 1957 et donc d’échapper ainsi à l’imposition en France ?

Après plus de quarante ans d’application de la Convention franco-monégasque, la jurisprudence tant monégasque que française permet de répondre sur ces deux points.

LE REFUS DU RENOUVELLEMENT DU CERTIFICAT DE DOMICILE

Dans la mesure où la décision relève de la compétence du Ministre d’Etat, celle-ci peut être déférée par tout intéressé au Tribunal Suprême de Monaco.

En matière administrative, ce Tribunal est appelé à statuer sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des diverses autorités administratives et les Ordonnances Souveraines prises pour l’exécution des lois ainsi que sur l’octroi des indemnités qui en résultent.

LE TRIBUNAL SUPREME DOIT POUVOIR EXERCER SON CONTROLE SUR LA LEGALITE DE LA DECISION

Des arrêts rendus par le Tribunal Suprême de Monaco en 1998, dans une même espèce, permettent d’éclairer la question du renouvellement des certificats de domicile en ce qui concerne la définition de la résidence habituelle, la charge de la preuve et les moyens de preuve permettant d’apprécier si les conditions de résidence sont respectées.

La comparaison des consommations

En l’espèce, l’Administration s’était fondée pour refuser le renouvellement du certificat de domicile sur le rapprochement des consommations d’énergie relatives, d’une part, à l’appartement en Principauté, de la personne intéressée et, d’autre part, à une habitation sise dans une commune proche de Monaco dont celle‑ci s’était réservé l’usage.

L’Administration avait déduit de ce rapprochement que les consommations relatives à l’appartement situé en Principauté étaient faibles par rapport à celles exposées en France, compte tenu de la composition de la famille de l’intéressé et avait retenu cet élément comme une preuve que celui‑ci résidait principalement en France.

Il faut noter que c’est généralement sur la base des consommations d’électricité, de gaz, d’eau et de téléphone, que l’Administration fiscale française cherche à établir si un logement est une résidence principale ou une résidence secondaire. C’est la méthode qu’elle avait suivie, en l’espèce.

D’autre part, l’Administration faisait également état d’un rapport de la Sûreté Publique Monégasque contenant des renseignements selon lesquels la personne intéressée demeurerait principalement hors de la Principauté.

Le requérant faisait valoir, au contraire, que les distorsions en matière de consommation d’énergie n’étaient pas significatives, puisqu’elles résultaient du fait que le chauffage de l’appartement, en Principauté, était essentiellement assuré par les appareils à gaz butane, alors que le chauffage de la villa sise en France était exclusivement assuré par des appareils électriques et que la consommation était particulièrement élevée pendant le séjour de deux parents âgés qui occupent, en hiver, le second étage de cette villa.

Il est vrai que le rapprochement des consommations d’énergie est une méthode simpliste dont l’Administration fiscale a parfois tendance à abuser, sans tenir compte des éléments de fait qui peuvent expliquer les consommations, indépendamment de la durée de l’occupation par le contribuable.

Le requérant produisait, d’autre part, des témoignages qui confortaient le caractère épisodique de ses séjours en France et le caractère habituel de sa résidence en Principauté.

Les éléments factuels justifiant le refus de renouvellement doivent être soumis à un débat contradictoire

Enfin, à ces éléments de fait s’ajoutait un argument de droit. Le requérant reprochait à l’Administration le refus de communication des documents de l’enquête ayant motivé le rejet de sa demande de certificat de domicile, ce refus l’ayant empêché d’être pleinement en mesure d’assurer sa défense.

Il faut souligner l’importance de ce moyen.

En effet, les règles du procès équitable font obligation à chaque partie de communiquer à l’autre les pièces sur lesquelles elle se fonde, afin que l’autre partie ait la possibilité de les discuter en toute connaissance de cause.

Cependant, l’Administration a répliqué qu’aucune disposition légale ne prévoit que les renseignements qu’elle a recueillis doivent faire l’objet d’une communication au requérant.

Elle indiquait que la résidence habituelle, en l’absence de définition légale, est une question de pur fait qui implique l’appréciation objective d’une situation déterminée.

Elle prétendait que l’état comparatif des relevés de consommation d’énergie demeure des plus significatifs même après rectification, et que les témoignages produits ne sauraient être tenus pour des éléments objectifs de preuve.

Dans un arrêt avant dire droit, le Tribunal Suprême a, tout d’abord, rappelé clairement que l’appréciation de la résidence habituelle est une question de pur fait qui doit être examinée au vu d’un ensemble d’indices précis et concordants.

La nécessité d’une motivation précise et d’éléments probants

Le Tribunal a, ensuite, constaté qu’au regard des éléments de preuve fournis par le requérant, le Ministre d’Etat avait motivé sa décision en termes trop imprécis pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée, et de vérifier si, compte tenu des éléments de preuve présentés par le requérant, cette décision n’était pas entachée d’une inexactitude matérielle.

En conséquence, le Tribunal avait invité le Ministre d’Etat à produire tout document susceptible d’établir la conviction du Tribunal sur le défaut de résidence habituelle en Principauté de l’intéressé, et notamment, à produire l’enquête de l’Administration fiscale française.

Sur la base des éléments de preuve que les deux parties ont été ainsi dans l’obligation de soumettre au débat contradictoire, le Tribunal Suprême a rendu son arrêt sur le fond.

Le Tribunal a considéré que les enquêtes auxquelles il a été procédé par l’Administration ne permettaient pas d’établir que l’intéressé ne résidait pas en Principauté. En effet, contrairement aux motifs retenus par le Ministre d’Etat dans sa décision, l’enquête à laquelle il a été procédé par l’Administration fiscale française indique que les renseignements recueillis lors d’une enquête de voisinage, sont trop imprécis pour établir si l’intéressé réside, d’une façon permanente ou non, en France.

Mais, par contre, les consommations d’électricité telles qu’elles ressortent des relevés, sont elles‑mêmes significatives d’une occupation pour le moins non occasionnelle.

Le Tribunal a donc considéré qu’au regard des éléments de preuve fournies par le requérant, la décision du Ministre d’Etat a été prise sur la base d’éléments de fait dont l’exactitude matérielle n’est pas établie.

En conséquence, le Tribunal Suprême a annulé la décision du Ministre d’Etat refusant le renouvellement du certificat de domicile.

Cette décision du Tribunal Suprême est extrêmement intéressante et doit faire jurisprudence.

En effet, le Tribunal Suprême a affirmé clairement qu’il entendait contrôler la légalité des décisions refusant de renouveler un certificat de domicile.

Le Juge doit pouvoir contrôler l’exactitude matérielle des éléments fournis par les parties

Pour apprécier cette légalité, le Juge doit pouvoir contrôler l’exactitude matérielle des éléments de fait avancés par l’Administration.

Il est nécessaire pour cela que l’Administration communique les enquêtes sur lesquelles elle s’est fondée pour prendre sa décision.

Ainsi, cette jurisprudence du Tribunal Suprême, qui est conforme aux grands principes du droit, permet de rétablir l’égalité entre le contribuable et l’Administration et de garantir le caractère contradictoire de la procédure de renouvellement du certificat de domicile.

Elle assure une répartition équitable de la charge de la preuve entre le contribuable et l’Administration et affirme que le pouvoir du Ministre d’Etat n’est pas en la matière un pouvoir discrétionnaire. Le Ministre doit justifier sa décision sur la base d’éléments de fait qu’il appartient au Juge d’interpréter en cas de désaccord entre le contribuable et l’Administration.

De son côté, le Conseil d’Etat français a précisé qu’il incombe à l’Administration d’informer le contribuable dont elle envisage d’arrêter en tout ou partie les bases d’imposition par voie de taxation ou d’évaluation d’office de la teneur des renseignements qu’elle a pu recueillir et qu’elle a effectivement utilisé pour procéder aux redressements afin que l’intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition.

L’obligation de mise à disposition des documents, qui pèse sur le service en cas de demande du contribuable, concerne aussi bien les pièces contenant les renseignements utilisés pour déterminer l’assiette de l’imposition que celles ayant servi à établir la domiciliation en France du contribuable (C.E. 24 novembre 1997).

LES CIRCONSTANCES QUI JUSTIFIENT LE NON RENOUVELLEMENT DU CERTIFICAT DE DOMICILE

Un arrêt du Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, du 19 mars 2007, montre dans quelles circonstances, un refus de renouvellement du Certificat de domicile peut être fondé.

Un ensemble d’éléments de preuve fournis par l’Administration

En l’espèce, les intéressés avaient quitté l’appartement qu’ils occupaient en Principauté, et n’avaient conservé la disposition que d’un deux pièces que l’épouse utilisait pour les besoins de son activité professionnelle et libérale. L’épouse avait donné l’adresse de ce local dans sa demande de renouvellement du Certificat de domicile.

Parallèlement, les époux avaient fait l’acquisition d’un appartement dans une commune limitrophe.

Ce changement de domicile avait entraîné le déclassement de la carte de séjour de catégorie privilégiée en catégorie ordinaire et le refus du renouvellement du Certificat de domicile.

Le Ministre avait refusé ce renouvellement au motif que l’intéressée n’avait pas maintenu sa résidence habituelle de manière effective et continue en Principauté, et confirmé ce refus à la suite d’un recours grâcieux, qui était la décision attaquée sur le fondement d’une erreur manifeste d’appréciation.

L’intéressée faisait valoir qu’elle avait maintenu en Principauté le centre de ses intérêts tant professionnels que familiaux, que l’implantation de sa famille à Monaco était très ancienne, qu’elle était née à Monaco, y avait fixé sa résidence et le centre de son activité professionnelle, que ses enfants nés à Monaco y résidaient et y exerçaient leur activité professionnelle, que son mari était titulaire du Certificat de domicile et qu’elle et lui étaient très activement impliqués dans la vie sociale et associative monégasque.

En revanche, l’Administration faisait valoir que l’adresse indiquée pour la demande de renouvellement était un local de deux pièces dont la destination était, sur le bail, l’exercice d’une activité libérale, que l’avenant qui avait étendu ce bail à l’époux n’en avait pas changé ses clauses et conditions et en particulier la destination des locaux, que les témoignages des voisins affirmant avoir rencontré l’intéressée à divers moments de la journée, ce qui était normal pour un local à usage professionnel, n’infirmaient pas cette évidence, que les factures d’électricité révélaient une consommation plus importante à Eze-sur-Mer qu’à Monaco, que les factures téléphoniques n’établissaient pas que l’intéressée passait régulièrement des appels depuis son local de Monaco en dehors des heures d’ouverture de son Cabinet et notamment le soir, que le relevé établissait que la quasi-totalité des appels l’avait été entre 8 heures le matin et 20 heures le soir, soit pendant la période d’exercice de l’activité professionnelle, qu’aucun appel n’avait été passé au cours du week-end que les relevés journaliers d’entrées et de sorties du véhicule du parking révélaient qu’en dehors de trois cas exceptionnels, l’intéressée arrivait le matin vers 9 heures ou en début d’après-midi vers 13 heures pour en ressortir le soir aux alentours de 20 heures ; qu’il était ainsi établi qu’elle ne couchait pratiquement jamais dans le local qui ne constituait donc pas sa résidence.

Le certificat de domicile est déterminé uniquement par la résidence habituelle en Principauté

L’Administration faisait également valoir, sur le plan des principes, que c’était exclusivement la résidence habituelle sur le territoire de la Principauté qui déterminait la délivrance ou le refus d’un Certificat de domicile, et que toute autre considération familiale, professionnelle ou associative était sans effet sur la légalité ou la délivrance du refus.

Enfin, un constat d’Huissier produit par l’intéressée était écarté, au motif qu’il avait été établi à la demande de l’intéressée et que celle-ci avait eu toute aptitude pour arranger l’intérieur de son local avant la venue de l’Huissier.

La constatation de la résidence habituelle est une question de fait

Le Tribunal, après avoir considéré que la constatation de la résidence habituelle est une question de pur fait qui doit être résolue au vu d’un ensemble d’indices précis et concordants a constaté que l’appartement situé dans les Alpes-Maritimes était de dimension plus importante que l’appartement loué à Monaco pour un usage professionnel et mixte, que les appels téléphoniques n’avaient jamais été passés dans la matinée avant 10 heures et rarement dans la soirée après 19 heures, que la consommation d’électricité de l’appartement d’Eze-sur-Mer était nettement supérieure à celle de l’appartement de Monaco, que les entrées dans le parc de stationnement avaient toujours eu lieu dans la matinée ou en début d’après-midi et les sorties en fin d’après-midi et que les entrées et sorties n’avaient jamais eu lieu en fin de semaine. Le Tribunal déduit de cet ensemble d’éléments de fait que l’intéressée n’avait pas maintenu sa résidence habituelle de manière effective et continue à Monaco et que, en refusant de renouveler le Certificat de domicile, le Ministre d’Etat ne s’était pas fondé sur des faits matériellement inexacts.

Cet arrêt confirme donc que le domicile en Principauté repose exclusivement sur la résidence habituelle sur le territoire de celle-ci et non sur tout autre élément, que cette résidence habituelle est elle-même une pure question de fait et qu’il appartient à l’intéressée comme à l’Administration d’apporter les éléments de fait permettant de démontrer ou non une résidence habituelle à Monaco, le Tribunal vérifiant le cas échéant si ces éléments sont matériellement exacts.

En l’espèce, les éléments de preuve apportés par l’Administration étaient plus probants que ceux apportés par l’intéressée elle-même.

Un ensemble d’indices précis et concordants

Le Tribunal Suprême s’est prononcé dans le même sens sur le recours formé par l’époux dans un Arrêt du 18 février 2008 dont les considérants décrivent les conditions de la délivrance du certificat de domicile en précisant le critère de résidence habituelle.

« Considérant qu’aux termes du paragraphe 3 de l’article 22 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 susvisée « la validité du certificat de domicile sera désormais limitée à trois ans. Il appartiendra à chaque détenteur d’en faire prolonger la durée par l’Administration monégasque en apportant la preuve de sa résidence à Monaco » ; qu’il résulte de ces stipulations que la charge de la preuve incombe au demandeur ; »

Considérant que la constatation de la résidence habituelle n’est qu’une question de pur fait, qui doit être résolue au vu d’un ensemble d’indices précis et concordants ;

Considérant que pour établir qu’il a sa résidence habituelle à Monaco, M. N. ne fait état que de liens familiaux, professionnels, associatifs et de témoignages qui ne sont pas pour eux-mêmes de nature à justifier que l’appartement loué par son épouse, 7, avenue Saint Laurent à Monaco, selon le bail conclu par celle-ci le 16 mars 2001, pour y exercer l’activité d’orthophoniste et à usage mixte selon l’avenant du 22 septembre 2004, qui a étendu le bail à son égard, est le siège de sa résidence habituelle ;

Considérant que M. N. a acheté avec son épouse, le 10 août 2004, un appartement situé dans la commune française d’Eze-sur-Mer (Alpes-Maritimes) de dimension plus importante que l’appartement loué à Monaco pour un usage professionnel et mixte et qu’il résulte notamment des documents produits par le Ministre d’Etat, que la consommation d’électricité de l’appartement d’Eze-sur-Mer a été nettement supérieure à celle de l’appartement de Monaco ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en constatant que M. N. n’avait pas maintenu sa résidence habituelle de manière effective et continue à Monaco et en refusant, par voie de conséquence, de renouveler le certificat de domicile qui lui avait été précédemment accordé, le Ministre d’Etat ne s’est pas fondé sur des faits matériellement inexacts ; que par suite M. N. n’est pas fondé à demander l’annulation de ce refus ; »

La localisation du centre des intérêts professionnels économiques et familiaux n’a pas d’incidence sur la résidence à Monaco

Le Tribunal a donc implicitement écarté tous les éléments invoqués par le demandeur qui sont étrangers à la condition de résidence habituelle : travail en Principauté, implication dans la vie associative monégasque, résidence et établissement des enfants en Principauté.

En effet, si ces éléments peuvent démontrer que l’intéressé a le centre de ses intérêts professionnels, économiques et familiaux en Principauté, ils ne démontrent pas la résidence habituelle qui est le seul critère pertinent.

Il faut noter que le demandeur avait également fait valoir un moyen portant sur l’illégalité externe de la décision attaquée, à savoir qu’il n’avait jamais été mis en demeure par l’Administration de justifier de sa résidence effective sur le territoire en violation de l’article 22 paragraphe 3 alinéa 2 de la convention du 10 mai 1963. Le Ministre avait répliqué que la disposition invoquée ne s’applique, de façon expresse, qu’à l’initiative de l’Administration fiscale française lorsque celle-ci a un doute sur le domicile du titulaire d’un certificat et non à l’instruction des demandes de renouvellement de certificats arrivés à expiration pour lesquelles l’alinéa 1 du Paragraphe 3 de l’article 22 dispose qu’il appartient à l’intéressé d’apporter la preuve de sa résidence à Monaco.

Le Tribunal a écarté ce moyen pour des motifs de procédure ; n’ayant pas été développé dans la requête introductive d’instance, il présentait un caractère nouveau tardif et, donc, irrecevable.

LA PREUVE DE LA RESIDENCE A MONACO EN L’ABSENCE

DE CERTIFICAT DE DOMICILE

L’ADMINISTRATION FISCALE EXIGE LA DETENTION DU CERTIFICAT DE DOMICILE

Bien que les dispositions relatives au certificat de domicile figurent à l’article 22, du titre V de la Convention consacré à l’assistance administrative et non l’article 7, titre II de la Convention concernant les dispositions applicables aux personnes physiques françaises, les Services Fiscaux français considèrent traditionnellement que seule la production d’un certificat de domicile permet de faire la preuve de cinq ans de résidence habituelle à Monaco au 13 octobre 1962, ce qui est faire un amalgame injustifié entre la règle de fond et la règle de preuve et ne résulte nullement d’une lecture littérale de la Convention.

Cet amalgame était particulièrement préjudiciable aux français nés à Monaco après le 13 octobre 1957. En effet, ceux-ci ne peuvent pas, par définition, se voir délivrer un certificat de domicile qui suppose, en règle générale, cinq ans de résidence à Monaco au 13 octobre 1962. Dès lors, l’interprétation que l’Administration Fiscale faisait de la Convention les empêchait, bien que nés à Monaco et n’ayant donc pas transféré leur domicile ou leur résidence dans ce pays, d’échapper à l’impôt français. Il est vrai que certains d’entre-eux pouvaient obtenir un certificat de résidence fiscale qui a, en pratique, le même effet qu’un certificat de domicile.

Pourtant l’instruction de la Direction Générale des Impôts du 17 juillet 1964, qui a commenté les dispositions de la Convention du 18 mai 1963, et qui traduit d’autant mieux les buts poursuivis par la partie française et l’esprit dans lequel celle-ci a négocié la Convention que certains de ses auteurs ont certainement participé à cette négociation, précise que le séjour effectif à Monaco, c’est-à-dire la résidence habituelle et donc le domicile, peut-être prouvée par tout moyen, les certificats de domicile n’étant que la constatation d’une résidence de fait.

Il s’agit d’ailleurs là d’une règle générale. Le domicile ou la résidence sont des questions factuelles et en matière factuelle, toutes les preuves sont admissibles.

Cependant, l’Administration Fiscale française avait imposé une française résidant à Monaco au motif que celle-ci n’était pas titulaire d’un certificat de domicile et avait refusé de prendre en considération l’ensemble des éléments fournis par l’intéressée qui prouvaient indiscutablement qu’elle résidait à Monaco antérieurement au 13 octobre 1957 et qu’elle avait toujours maintenu sa résidence effective dans ce pays, au motif que la fourniture du certificat de domicile était la seule preuve admissible.

LE CONSEIL D’ETAT JUGE AU CONTRAIRE QUE LA PREUVE DE LA RESIDENCE A MONACO PEUT SE FAIRE PAR TOUT MOYEN

Cette position des Services Fiscaux a été rejetée par un Arrêt du Conseil d’Etat du 5 octobre 2007 d’où il résulte que l’article 22-3 de la Convention Fiscale entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, dont le champ d’application est différent de celui de l’article 7-1 de ladite Convention et qui se borne à modifier les modalités de détention du certificat de domicile n’a pour objet ni pour effet de faire du certificat de domicile le seul moyen de preuve de la résidence habituelle d’un contribuable à Monaco depuis cinq ans à la date du 13 octobre 1962.

La Cour Administrative d’Appel de Marseille avait constaté, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve produits au dossier, que l’intéressée alors même qu’elle n’était pas titulaire du certificat de domicile avait justifié qu’elle résidait habituellement en Principauté de Monaco depuis le mois de mars 1957 et qu’ainsi elle n’était pas assujettie en France à l’impôt sur le revenu.

Le Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie français avait attaqué cet Arrêt devant le Conseil d’Etat au motif que seule la production d’un certificat de domicile délivré aux personnes physiques de nationalité française résidant à Monaco, en application de la précédente Convention franco-monégasque du 23 décembre 1951, est de nature à justifier de cinq années de résidence habituelle à Monaco au sens de l’article 7-1 de la Convention Fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963.

Au contraire, le Conseil d’Etat a considéré que les stipulations de l’article 22-3, dont le champ d’application est différent de celui de l’article 7-1, et qui se bornent à modifier les modalités de détention du certificat de domicile qui était délivré, en application de la précédente Convention Fiscale franco-monégasque du 23 décembre 1951, à ceux des résidents français domiciliés à Monaco qui en étaient titulaires, n’ont ni pour objet ni pour effet de faire des certificats de domicile qu’elles mentionnent le seul moyen de preuve de la résidence habituelle d’un contribuable à Monaco depuis plus de cinq à la date du 13 octobre 1962 ; qu’ainsi en application des stipulations de l’article 7-1 de la Convention du 18 mai 1963, les nationaux français qui résident dans la Principauté de Monaco sont réputés conserver leur domicile fiscal en France et sont, dès lors, passibles de l’impôt sur le revenu en application des dispositions précitées des articles 4-A et 4-B du Code Général des Impôts, sauf s’ils sont en mesure de justifier, par la production d’un certificat de domicile délivré en l’application de la Convention du 23 décembre 1951 ou par tous moyens, qu’ils résidaient habituellement à Monaco depuis le 13 octobre 1957 au moins.

Ainsi, si la possession d’un certificat de domicile reste le moyen de preuve privilégié de la résidence habituelle à Monaco, ce certificat n’était d’ailleurs délivré qu’après une enquête qui constate la réalité de cette résidence, il n’en demeure pas moins que tous les moyens de preuve sont admissibles, ce qui est normal puisqu’il s’agit de prouver un fait.

La preuve de la résidence à Monaco entre donc bien dans le droit commun de l’administration de la preuve.

Henri FONTANA

Avocat au Barreau de Nice

Ancien Assistant à la Faculté

CABINET FONTANEAU

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